Le chef de l’Etat ivoirien a demandé à son gouvernement d’approfondir les discussions avec le secteur privé sur les nouvelles mesures fiscales. Adoptées dans la loi des finances 2018, ces dernières soulèvent une véritable levée de boucliers chez le patronat qui s’indigne du poids de la pression fiscale. Sauf que le gouvernement a besoin aussi de mobiliser davantage de ressources internes dans une conjoncture où il ne peut compter que sur la hausse des impôts.
La controverse alimentée par le secteur privé ivoirien sur les nouvelles mesures fiscales entrées en vigueur avec la loi de finances a été bien entendu par les autorités ivoiriennes. Lundi, lors de la clôture du séminaire gouvernemental sur l’adoption du Plan d’actions prioritaires (PAP) pour 2018, le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) a demandé à son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly «d’approfondir les discussions en échangeant, notamment avec le secteur privé, en vue de faire des propositions au gouvernement».
«Sur la question de l’annexe fiscale 2018, j’ai demandé à Monsieur le Premier ministre que les discussions soient approfondies, en échangeant notamment avec le secteur privé en vue de faire des propositions au gouvernement, qui tiennent compte de notre volonté d’accélérer le développement de notre économie», a déclaré ADO.
Le président ADO est donc décidé à revoir sa copie afin d’apaiser la colère du patronat qui s’est indigné des mesures adoptées dans l’annexe fiscale adossée à la loi des finances 2018.
Alors que les autorités parlent de «modernisation du régime fiscal» et du respect des engagements pris avec les partenaires internationaux, notamment le FMI, le secteur privé a évoqué plutôt une «marche en arrière», comme l’a estimé l’ancien patron des patrons ivoiriens, Jean Kacou Diagou. Le PDG et fondateur du groupe NSIA s’est joint à la levée de boucliers des hommes d’affaires qui a accompagné la présentation, jeudi dernier à Abidjan au siège de la Chambre de commerce et d’industrie, de la batterie de nouvelles mesures fiscales introduites cette année.
Levée de boucliers contre la pression fiscale
Les représentants du secteur privé dénoncent en effet une hausse sans précédent le «matraquage fiscal» auxquels ils vont devoir se soumettre, ce qui aura un véritable impact sur le climat des affaires et donc sur le développement de leurs activités.
Pour le patronat, à travers ces mesures, le gouvernement vise uniquement à collecter plus de recettes sans se soucier de leur impact sur la vie des entreprises. Au passage, les opérateurs dénoncent un manque de concertation des autorités fiscales et même du gouvernement avec le secteur privé, ce qui explique des mesures d’aménagements des régimes d’imposition qui, en plus de plomber le climat des affaires, constituent de vrais freins pour la dynamique d’investissement.
Pour la communauté des hommes d’affaires, le gouvernement est en train de vouloir compenser la baisse des recettes des cours du café et du cacao par une hausse sans précédent de la fiscalité, ce qui pourrait nuire à l’économie du pays.
Ce mardi, à l’occasion d’une rencontre de sensibilisation avec la presse, les responsables de la DGI ont même mis en avant, des «mesures contenues dans l’annexe fiscale 2018 destinées à soutenir le secteur privé et à améliorer le climat des affaires afin de rendre l’économie ivoirienne plus compétitive». Il s’agit pour le gouvernement de respecter ses engagements communautaires, notamment les critères de convergences du FMI et ceux vis-à-vis des bailleurs de fonds.
Mobilisation des ressources internes
La principale mesure qui fait grincer les dents, c’est l’objectif de rehausser le taux de pression fiscale qui était de 16% en 2016 et qui devrait passer à 20% à l’horizon 2020. Autant dire que la hausse de la pression fiscale de cette année qui soulève déjà un tollé général n’est que la première étape d’un processus qui risque de s’amplifier, d’où la levée de boucliers des opérateurs économiques.
En engageant son gouvernement à approfondir les négociations avec le secteur privé pour aplanir les divergences, ADO a le mérite d’avoir tendu la main au secteur privé. Toutefois, il reste à attendre jusqu’à où le gouvernement est prêt à aller et quelles concessions les deux parties sont prêtes à consentir pour parvenir à l’équilibre nécessaire entre impératif de mobilisation de ressources internes et objectif de soutien au secteur privé.
C’est désormais au Premier ministre Amadou Gon Coulibaly qui vient de boucler un an à la tête du gouvernement de jouer les médiateurs et de procéder aux arbitrages nécessaires, sans perdre de vue la feuille de route fixée par le chef de l’Etat. Si Ouattara s’est montré ouvert au dialogue, il a aussi été ferme sur un aspect : les propositions doivent tenir compte de la volonté de l’Etat à accélérer le développement de l’économie ivoirienne.
Avec latribuneafrique