INTERVIEW. Que réserve le 2e mandat du président Ouattara ? Sur des questions cruciales, Mamadou Touré, son conseiller à la Jeunesse et porte-parole, répond.
Quel est le goût de cette victoire du président Ouattara alors que, au-delà des satisfactions économiques globales, l’impunité, jusqu’ici, de certains cadres pro-Ouattara fait débat et divise le pays ?
Mamadou Touré : Nous sommes satisfaits de la victoire éclatante du président Alassane Ouattara. D’abord par le fait que, depuis 20 ans, c’est la première fois qu’une élection est organisée dans notre pays dans la paix et sans violence. Souvenons-nous qu’il y a cinq ans, cette élection s’est soldée par 3 000 morts après le refus de l’ex-président de reconnaître sa défaite. Je vous rappelle que tous les observateurs, dont ceux de l’Union africaine et de la Cedeao, ont attesté que le scrutin a été organisé et s’est déroulé dans une transparence totale. De plus, la participation de presque 53 % est très honorable, et le résultat est particulièrement réconfortant. Cette élection tourne définitivement la page des années de turpitudes politiques dans notre pays et ouvre la voie à de nouvelles espérances pour un pays qui a vocation à être une grande nation prospère.
Concernant l’impunité dont bénéficieraient certains pro-Ouattara, c’est un mauvais procès. Plusieurs ex-soldats appartenant aux Forces républicaines de Côte d’Ivoire sont en prison. Je peux citer le caporal Ladji Touré, condamné à vie à l’issue d’un procès à Abidjan. De même, ceux mêlés à des crimes à Vavoua dans le centre-ouest de notre pays ont été jugés et sont en prison. Les procédures judiciaires consécutives à la crise post-électorale suivent leur cours. Des “Com’Zone” ont été inculpés il y a quelques mois ainsi qu’une dizaine de personnes. Il n’y a pas et il n’y aura pas d’impunité en Côte d’Ivoire. C’est un engagement du président Alassane Ouattara.
Quel regard posez-vous sur le tissu social de la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui alors que, d’une part, le pays est catégorisé entre autochtones, allochtones et étrangers, et que, d’autre part, la question du rattrapage ethnique entre dans le débat ?
Avant l’arrivée à la tête de l’État du président Alassane Ouattara, la catégorisation des populations de notre pays en autochtones, allochtones et étrangers était instrumentalisée. Elle a mis à mal la cohésion sociale. Après la grave crise post-électorale avec ses 3 000 morts, le régime actuel a beaucoup travaillé pour ressouder le tissu social et renforcer la cohésion nationale. Les conflits intercommunautaires n’existent pratiquement plus et nos populations réapprennent à vivre ensemble comme par le passé.
Concernant la question du rattrapage ethnique, elle relève plus de la propagande politique. Ceux qui, pendant des années, ont mis en place une politique d’épuration ethnique en Côte d’Ivoire voudraient faire croire que, dans notre pays, les nominations aux hautes fonctions privilégient une ethnie par rapport aux autres. Par exemple, au moment de cette polémique en 2012, les statistiques montraient que sur 188 cadres nommés à de hautes fonctions, seuls 54 étaient du RDR et ils n’étaient pas tous du Nord. Alors que la Constitution lui permet de faire des nominations par décret, le président de la République a mis en place un comité dit restreint présidé par le Premier ministre. Ce comité composé de quelques membres du gouvernement statue sur tous les projets de nominations émanant des ministères en s’assurant que les critères de compétences et d’équilibres soient respectés avant que le président de la République ne signe ces décrets de nominations. Les nominations étant officielles, elles sont publiées dans les communiqués des conseils de ministres ou dans le Journal officiel de ces quatre dernières années. Jamais dans notre pays l’éthique n’a été mise autant au cœur des nominations. Le reste relève de l’intoxication avec des tracts dont le contenu malhonnêtement orienté et manipulé a circulé sur les réseaux sociaux et sur certains sites peu crédibles.
Quelle est la feuille de route du président Ouattara pour qu’un plus grand nombre d’Ivoiriens profitent au quotidien de la croissance ?
Avec une croissance de 9 % en moyenne par an, l’embellie économique de ces quatre dernières années a permis d’améliorer la vie de nos concitoyens. Le président Ouattara et son gouvernement ont débloqué les salaires de plus de 160 000 fonctionnaires qui étaient gelés depuis plus de 30 ans et qui ont en moyenne augmenté de 12 %. Le smic a aussi pratiquement doublé, passant de 36 000 francs CFA à 60 000 francs CFA. Dans le secteur agricole, les réformes menées ont directement bénéficié aux agriculteurs, notamment dans le secteur café-cacao où, avec la mise en place d’un conseil de régulation et des prix garantis aux planteurs, près de 5 000 milliards de francs CFA (soient 7,5 milliards d’euros) leur ont été redistribués lors de la dernière campagne. D’autres réformes très importantes ont été entreprises pour améliorer la vie quotidienne des Ivoiriens. L’investissement dans les infrastructures de base a par exemple permis d’améliorer l’accès des populations à l’électricité et à l’eau potable – le taux d’accès à l’eau potable est ainsi passé de 62 % en 2011 à 75 % en 2014. La mise en place de la Couverture maladie universelle va permettre l’accès de tous les citoyens aux soins de santé. Depuis 2011, 107 hôpitaux ont été réhabilités et 10 nouveaux hôpitaux ont été construits. En ce qui concerne l’éducation, nous avons aujourd’hui cinq universités fonctionnelles et une sixième ouvrira bientôt dans la ville de Man. L’école est maintenant obligatoire de 6 à 16 ans. Plus de 10 millions de kits scolaires ont été distribués aux élèves du primaire et 15 000 salles de classe représentant 2 188 écoles ont été construites. Toutes ces mesures ont permis de réduire la pauvreté de 10 %. Nous sommes passés d’un taux de pauvreté de 51 % au moment de l’arrivée au pouvoir du président Ouattara à 46 % actuellement. Ce sont 1,1 million de nos concitoyens qui sont sortis de la pauvreté. Le second mandat permettra d’aller plus loin dans les résultats avec, comme l’a dit le président lui-même, une meilleure répartition des richesses qui seront créées.
Pour éviter les boycotts et les désistements intempestifs de l’opposition, le président Ouattara envisage-t-il de lui donner un statut constitutionnel ?
Un cadre de dialogue a été mis en place avec l’opposition, qui a permis beaucoup d’avancées politiques. Il y aura une révision constitutionnelle. Peut-être que ces questions-là seront débattues à ce moment-là. Déjà, il y a eu une loi en 2004 qui prévoit le financement des partis. Mais le débat qui s’ouvre sur la révision constitutionnelle sera l’occasion pour l’opposition de poser elle-même les questions qu’elle souhaite voir évoluer. Quand je regarde l’élection présidentielle de 2010, je note qu’en face d’un Laurent Gbagbo se pose un Alassane Ouattara qui a tiré le débat vers le haut. Mais là en 2015, nous avons des opposants incapables de donner une certaine vision avec du contenu, des projets concrets et chiffrés. On a aussi un problème de crédibilité de l’opposition.
La révision constitutionnelle : quand, comment, pourquoi et sur quoi ?
Le chef de l’État l’a annoncée pour l’année prochaine. Cette révision, qui sera soumise à référendum, devrait permettre d’enlever de notre Constitution les clauses consacrant l’ivoirité. L’article 35 va être abrogé afin d’effacer toutes les références aux ethnies. Ce sont des débats qui vont s’ouvrir. Au niveau institutionnel, les choses vont changer notamment autour du régime politique du pays.
avec lepoint