Si, selon les résultats annoncés jusque-là, les soutiens de la démarche du président Ouattara arriveraient en tête des élections locales, ce scrutin acte définitivement la rupture entre le RDR, le parti présidentiel désormais mué en RHDP, et le PDCI, le parti d’Henri Konan Bédié.
Les contours politiques se précisent au fur et à mesure que tombent les résultats du scrutin local qui vient de se tenir le week-end dernier en Côte d’Ivoire. Dans la soirée de dimanche à lundi, la Commission électorale indépendante (CEI) a en effet donné les chiffres du vote d’un peu plus de la moitié des communes. Les 6 millions d’Ivoiriens appelés aux urnes ont donc choisi leurs maires et présidents de région. À Abidjan, la coalition au pouvoir continuera à contrôler la capitale économique puisqu’elle remporte les communes de Koumassi et de Treichville, ainsi que les deux grands quartiers populaires de Yopougon et Abobo. Quant au PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire) de l’ex-président Henri Konan Bédié, il rafle la mairie de Cocody.
Une bataille politique
Mais, pour les représentants politiques du pays, l’enjeu est ailleurs. Car l’élection fait véritablement office de test politique pour les deux formations, désormais rivales, du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), avant la présidentielle de 2020. Surtout, « la question est de savoir si Henri Konan Bédié, qui a rompu avec Alassane Ouattara et sa coalition en août, gagnera son pari de faire le plein de voix seul », explique Christian Bouquet, professeur émérite de géographie politique à l’université Bordeaux-Montaigne et chercheur au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM).
Au-delà du duel PDCI-RHDP, un groupe reste tout de même à appréhender, selon le chercheur : celui des indépendants. « Il faut attendre que les sans-étiquettes se démasquent pour pouvoir vraiment se rendre compte des forces en présence. Savoir qui soutient quoi pourrait redistribuer les cartes », ajoute-t-il. D’autant plus que d’autres batailles politiques sont à prévoir, au sein même des partis. « À Abobo, nous avons assisté à un duel inter-RDR – Rassemblement des républicains, le parti d’Alassane Ouattara –, entre Hamed Bakayoko et le soroïste Tehfour Koné. Je pense que l’on peut considérer ce scrutin comme un échantillon représentatif des rivalités à venir. » Pour le chercheur, il ne faudra pas néanmoins « négliger le taux d’abstention, qui, d’après les premières données, semble assez élevé ».
Des incidents en nombre
La bataille entre les diverses forces politiques a donc bien eu lieu, dans une atmosphère teintée de suspicion de fraudes. Plusieurs incidents et des violences ont d’ailleurs été constatés. Près de Séguela, deux partisans d’un candidat indépendant, battu à l’élection, ont été tués dans des affrontements avec les forces de l’ordre. À Grand-Bassam, une charge de la police contre des habitants qui réclamaient la proclamation des résultats de l’élection municipale a fait plusieurs blessés. Les deux principaux candidats – Georges Ezaley, maire sortant PDCI, et Jean-Louis Moulot, du RHDP – y revendiquaient tous deux la victoire, alors que la CEI avait déclaré vainqueur le candidat du RHPD.
Dans la commune du Plateau, le candidat du RHDP Fabrice Sawegnon, spécialiste en communication qui a orchestré les campagnes de plusieurs chefs d’État africains, a finalement concédé la mairie, via un message sur son compte Facebook. La dispersion d’une marche des supporteurs de son adversaire du PDCI Jacques Ehouo avait provoqué de petites échauffourées. L’apaisement est finalement revenu dans le quartier des affaires d’Abidjan, qui concentrait l’un des duels phares de ces élections municipales, le premier d’une longue liste. Car, lors de son 6e congrès extraordinaire, le PDCI a validé la tenue d’une convention pour désigner son propre candidat à la présidentielle.
Avec le point afrique