Pour classer les écoles d’enseignement supérieur, on définit des critères, qui, respectés, positionnent un établissement sur une échelle prédéfinie. En Côte d’Ivoire, on note les résultats aux examens, le paiement régulier des enseignants, la propreté de l’établissement, etc.
Pour nous, le niveau de connaissance des élèves qui sortent de ces établissements et l’attrait des entreprises pour ces diplômés devraient être prépondérants, l’école étant avant tout un lieu de formation et d’acquisition de savoirs. Peut-on raisonnablement se limiter à notre échelle d’évaluation et nous en contenter ? Si nous ne nous comparons pas aux autres écoles dans le monde nous risquons d’être dans une autosatisfaction virtuelle. Ailleurs, les écoles sont classées selon les critères comme le nombre de doctorants (y compris en co-tutelles), le pourcentage de diplômés poursuivant en thèse, la part d’enseignants-chercheurs parmi les professeurs, la moyenne au bac des étudiants, le nombre de directeurs généraux de grandes entreprises issus de ces écoles, etc.
Il y a des pays où l’on va jusqu’à prendre en considération le nombre de publications scientifiques et aussi de prix Nobel. Ramener donc notre ambition aux critères précités fera de notre pays une nation engagée véritablement dans la formation de son élite scientifique. C’est pourquoi des réformes importantes nous paraissent nécessaires pour nos universités et grandes écoles dont le nombre croît de jour en jour à la satisfaction des parents d’élèves. Et pourtant, la qualité des enseignements qui y sont dispensés inquiète.
La première réforme est de relever la qualité et surtout la disponibilité des enseignants-formateurs de nos écoles privées d’ingénieurs.
La seconde retouche sera de redonner à l’école son caractère sacré en terme de lieu d’acquisition de connaissance. Cela passe par la rigueur académique et la discipline quasi militaire qui doivent l’accompagner. Nous n’avons pas le choix. La presse nous rapporte qu’un écolier Sud-Coréen ne dort qu’à peine 3 à 4 heures par nuit tant il est constamment en train d’apprendre et à l’école ordinaire et aussi dans hagwons, ces instituts privés de renforcement. Les tablettes high-tech et autres voitures de luxe importées de ce pays et que nous utilisons avec fierté sont en partie le produit de ces efforts intellectuels assidus.
Le troisième point est l’inventivité des écoles et la promotion de ce savoir-faire dans les disciplines technologiques. On est souvent surpris par les travaux dits ‘‘innovants’’ des élèves ingénieurs. La qualité et le niveau des réalisations font souvent penser à l’adage qui dit que « Les borgnes sont rois au royaume des aveugles ». Nous ne devons pas nous enorgueillir d’une réalisation de maquette de feux tricolores ou d’une esquisse de logiciel de gestion d’une classe pour dire que nous sommes performants. Ces travaux que nous considérons comme des prouesses seraient ridicules ailleurs en Europe ou en Asie pour le diplôme affiché. Il faut rêver grand comme nous y invite le Président Ouattara. S’il a projeté notre émergence en 5, 6 ans là où certains pays le prévoient à 15, 20 ans sans encore y parvenir, c’est qu’il nous veut ambitieux, très ambitieux même.
Pour le quatrième ajustement, nous pensons qu’il est temps d’instituer un diplôme d’ingénieur d’Etat qui sera au-dessus des diplômes que nous voyons çà et là. Ce diplôme, naturellement, serait équivalent à un bac+6 et couronnerait un travail de recherche pertinent ou une réalisation notable soutenu publiquement comme on le fait pour une thèse de doctorat. Nous pensons que nos érudits membres de l’Ascad pourraient définir les contours de ce diplôme qui sera délivré sans complaisance ni favoritisme. Une fois cet examen réussi, il confèrera à l’impétrant le titre d’ingénieur d’Etat (Ir), titre que ces hommes et femmes porteront à l’instar de celui de Professeur (Pr) et de Docteur (Dr).
Le travailleur ou l’étudiant qui préparera ce diplôme national saura tous les contours avant de s’essayer à cet exercice qui ne sera ni obligatoire, ni facile non plus. On nous dira que ce diplôme et ce titre n’existent dans aucun pays ou qu’il n’y a pas d’équivalent dans le monde. Mais qui a dit que cette innovation ne peut pas partir de la Côte d’Ivoire et être adoptée par le reste du monde. C’est une autre monture de notre émergence nationale qui pourra nous conduire encore plus loin, pourquoi pas !
Avec fratmat