La campagne intermédiaire appelée encore petite traite du cacao est presque à terme. L’activité commerciale de l’or brun n’est pas rose aussi bien pour les acheteurs que les producteurs. Si du côté des acheteurs, la difficulté s’est trouvée au niveau de la rareté du produit, les producteurs quant à eux ont été victimes du nom respect du prix officiel qui est de 1000 FCFA. Une situation à l’origine de la reprise du trafic du cacao au Ghana voisin.
Dans la ville de Man à l’Ouest de la Côte d’Ivoire, les acheteurs font la loi. Le prix officiel garanti qui est de 1000 FCFA bord champ le kg de cacao n’est pas respecté dans bien des cas ; et ce malgré les consignes fermes fixées par le gouvernement ivoirien, se désolent des producteurs interrogés.
Beatrice Gueu est productrice café-cacao à Lamapleu, un village de Man. Selon elle, le prix oscille entre 800 et 850 FCFA : « Les prix varient selon les acheteurs ». Ces acheteurs, selon Béatrice, tablent sur la pauvreté qui sévit dans le milieu rural pour proposer ces prix non conformes aux exigences du Conseil café-cacao. « Les acheteurs se rendent directement dans nos campements puisqu’ils savent que les temps sont très durs actuellement. Et les producteurs préfèrent que les acheteurs viennent à eux puisque beaucoup ne se déplacent pas aisément pour venir en ville avec leur production » a-t-elle fait savoir.
A Abengourou, à l’Est de la Côte d’Ivoire, la situation est identique. Le prix n’est pas respecté à 100 % comme le recommande vivement la direction générale du Conseil café-cacao (CCC). Malgré les tournées d’explication effectuées par Ello Evariste, délégué régional du CCC, et les différentes mises en garde aux contrevenants, des producteurs se voient acheter leurs fèves entre 650 et 700 FCFA, malgré eux.
Les difficultés financières du moment favorisent cette pratique commerciale illégale, nous rapporte Ahi E, jeune producteur dans la localité de Diangobo, dans la sous-préfecture de Niablé : « Le cacao s’achète rarement. Si votre produit est stocké et qu’un acheteur vient vous proposer 600F, vous n’avez pas d’autre choix que d’accepter son offre. J’ai livré mon cacao à 700 FCFA ».
Même cri de cœur avec Monsieur Amand K dans la sous-préfecture d’Ebilassokro, distante d’environ 45 km du département d’Abengourou : « Il n’y a pas un prix fixe. Le prix varie selon les humeurs des acheteurs. Nous sommes dans une période financièrement difficile, le producteur n’a pas trop le choix. Si tu as la chance qu’un acheteur te propose d’acheter ton cacao, réjoui toi, étant entendu que ce n’est même pas évident. Le cacao a été acheté entre 600F et 800 F. La petite traite a été très mauvaise car le cacao n’a pas donné. Mais il nous est difficile de dénoncer un acheteur car la situation est difficile, si un acheteur t’a permis d’avoir de l’argent en achetant ton produit, tu ne peux pas l’exposer ».
Le manque de pluie à l’origine de la baisse drastique de la production
De l’avis des responsables des sociétés coopératives, le manque considérable de fèves de cacao et le grainage recommandé ont été les principales plaies de cette commercialisation pour la campagne intermédiaire.
La longue période de sécheresse y a été pour beaucoup sur l’insuffisance de la production, analyse Abou Cami, président de la société coopérative Camae dans le département d’Abengourou : « Les années se suivent mais ne se ressemblent pas. Généralement, nous avons des problèmes à la petite campagne. Cela est lié au grainage. Mais cette année, cela s’est accentué en raison du manque de pluie pendant plusieurs mois. Non seulement la production a baissé, et le grainage est très petit. En général, lorsque nous avons ce type de qualité de cacao, nous avons du mal à le vendre surtout que les structures exportatrices ne prennent pas le grainage beaucoup plus élevé».
Le grainage conventionnel, un frein à la commercialisation
Abou Cami a ajouté que « généralement le Conseil café cacao demande aux planteurs de ne pas tamiser, mais en ne tamisant pas, on ne peut pas vendre le produit. Quand on tamise aussi, le petit grain reste sous la main. Cela nous crée de nombreux problèmes. Le conseil nous exige un grainage de 120, et quand on nous demande de livrer du 140, 150, il n’y a pas d’exportateur qui accepte de prendre cette norme. En fin de compte, c’est l’exportateur qui décide de prendre le taux de grainage qui lui sied. Le conseil ne peut pas jouer sur le grainage à ce niveau. Le conseil nous recommande de ne pas tamiser les fèves, or le grainage tout venant de la brousse est de 160. On ne peut pas livrer 160 pendant que l’exportateur exige 130. Nous avons donc du mal à écouler nos produits. Quand on tamise, on peut livrer. Mais là encore, il y a de petits grains qui sont stockés. Ils ne peuvent pas être vendus, pourtant c’est de l’argent ».
Au sujet des prix, il estime qu’aucune organisation agricole sérieuse ne peut acheter les fèves en dessous du prix officiel garanti : « Une coopérative digne n’a pas le droit de sous payer le produit. La difficulté rencontrée est au niveau financier du fait que la marge de gestion qu’on concède aux coopératives n’est pas suffisante et cela crée de nombreux problèmes aux coopératives ».
Mallet Margueritte est directrice d’une société coopérative agricole à Aboisso. Sa société coopérative a été confrontée également au grainage.
« Pour cette traite, nous sommes confrontés à un problème de grainage. Ce n’est pas le fait du planteur, ni des exportateurs, mais de la sécheresse. A propos du grainage, le conseil demande 115. Les exportateurs demandent entre 130 et 140. Or, nous avons signés des contrats avec des exportateurs, donc nous sommes obligés de négocier avec ces sociétés, puisque nous sommes dans un système de stabilisation, c’est-à-dire qu’il y a des achats que nous effectuons d’avance. La production a baissé cette année, le prix est respecté mais le cacao manque », a-t-elle confié.
Le trafic du cacao vers le Ghana a repris ses droits
L’une des conséquences du non-respect du prix de l’or brun est la reprise du trafic des fèves au Ghana voisin. A Niablé, dans le département d’Abengourou, localité frontalière avec le Ghana à l’Est de la Côte d’Ivoire, l’hémorragie des fèves cacaoyères bat son plein, constate plusieurs habitants interrogés.
Il ressort des différents témoignages que le trafic qui était connu de tous par le passé, avait pris fin pendant ces deux dernières années. Ce bémol s’explique en partie, selon un acteur du monde agricole, par l’offre de prix de la Côte d’Ivoire qui était nettement supérieur à celui pratiqué au Ghana.
Cette donnée commerciale a été un élément déclencheur pour l’arrêt du trafic frauduleux en direction du Ghana. Mais à ce jour, les prix pratiqués dans ce pays voisin tournent autour de 1000 FCFA.
Les producteurs préfèrent livrer leurs productions à ce pays, où les revenus sont plus conséquents contrairement à la Côte d’Ivoire.
Avec Agrici