Après la pluie, le beau temps. Accord de Coopération, Convention, protocole de coopération, Mémorandum… Les rapports entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso sont de nouveau au beau fixe après deux années de bisbilles. Tous les secteurs en bénéficient. L’économie en particulier.
Peu avant les brouilles, les échanges entre ces deux Etats se chiffraient en 2014 à 289 885 073 285 FCFA. Mais cette bonne santé des relations a pris un coup avec les différentes crises diplomatiques entre ces deux pays frères. Ecoutes téléphoniques, mandats d’arrêts, protection du président Blaise Compaoré par les autorités ivoiriennes depuis sa chute du pouvoir d’Etat, ont créé des nids de poule sur l’axe Ouagadougou-Abidjan. Aujourd’hui, cela est rangé au rayon « crises passées ». Le 5ème Traité d’amitié et de coopération (TAC5) signé le 25 juillet dernier à Yamoussoukro entre les deux pays en donne la preuve.
Ce rapprochement permet la relance de la coopération. Et les deux Etats retrouvent leurs activités économiques là où ils les avaient laissées. Rénovation de la voie ferroviaire, construction d’un port sec à Ferkéssedougou, dans la région du Tchologo, à quelque 100 Km de la frontière burkinabè, pourraient être considérés comme un dispositif mis en place par la Côte d’Ivoire pour mieux charmer le voisin Burkinabè.
Que gagne concrètement la Côte d’Ivoire à faire la cours à son voisin du nord ?
Pour Claude Koffi, consultant indépendant, la Côte d’Ivoire essaie de maintenir ses relations avec le Burkina Faso afin de continuer à lui fournir de l’électricité. Il y a également le fait qu’elle veut que le fret Burkinabè transite par le port d’Abidjan plutôt que par un autre. Il explique qu’il y en ce moment une compétition appelée « compétition des corridors » entre plusieurs pays. « Elle se fait entre les ports d’Abidjan, Dakar et Lomé et maintenant Cotonou».clarifie-t-il.
Pour l’expert économique, la perte de ce partenaire stratégique serait préjudiciable à l’économie ivoirienne même s’il nuance son analyse.« Effectivement il y a une compétition pour maintenir le flux économique. Mais, de là à dire que cela n’a pas d’importance sur l’économie ivoirienne, non. Par contre pour le Burkina avec les 3 ou 4 millions de ressortissants qui travaillent ici et qui envoient leur argent régulièrement là-bas oui, c’est déterminant pour eux».
Un macro-économiste spécialiste des questions de finances publiques qui a requis l’anonymat, affirme que dans les relations économiques entre ces deux pays «La Côte d’Ivoire a beaucoup à gagner …C’est plutôt dans notre intérêt que forcement dans le sens des burkinabé » Il explique que si l’accès à la Côte Ivoire est plus simple, cela va amener les autres pays à importer leurs produits via la Côte d’Ivoire au lieu de les importer par les pays comme le Ghana qui est un concurrent direct et qui a les mêmes structures économiques que la Côte d’Ivoire.
« Les pays de l’hinterland par exemple, auront soit à importer par la Côte d’Ivoire soit par le Ghana. Je pense que si l’accès du Burkina Faso a notre port est plus aisé c’est par notre port que ces pays vont importer leurs produits » fait-il savoir. Au delà, il n’ignore pas certaines raisons politiques.
Dans cette course de fond économique, la région du Tchologo a été choisie pour être un fer de lance de l’économie ivoirienne. En direction du Burkina Faso et même du Mali et quelque peu du Niger, dans le transit de leurs frets. C’est à Ferké que sera construit le premier port sec ivoirien. Diamouténé Alassane Zié vice-président du conseil régional du Tchologo situe les enjeux de cette infrastructure pour la région et pour la Côte d’Ivoire.
« Ces travaux au niveau de la région du Tchologo vont au-delà du fait de vouloir courtiser le Burkina Faso » relève celui qui est par ailleurs directeur de cabinet du ministre de l’Intégration Africaine et des Ivoiriens de l’Etranger. Il explique que « ce sont des échanges commerciaux. Autant il y a un flux de commerce entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso autant il y a en entre notre pays et le Mali, donc personne ne perd, tout le monde gagne. On est dans la dynamique de l’intégration régionale. Il s’agit donc de décloisonner les pays. Et quand on veut décloisonner les pays on ne parle plus de « faire la cours » à un pays mais plutôt de créer un espace commun d’échanges et de commerce. D’où le fait de faire tomber les barrières frontalières entre les pays» explique cet expert en Economie.
Diamouténé Alassane précise que « l’idéal serait d’avoir un marché commun de l’espace ouest-africain estimé à 300 millions d’habitants. Ce qui est une opportunité pour rendre les économies de la zone Cedeao forte ».
« Ce port sec qui sera bâti sur plus de 600 hectares, a coûté 3 milliards de FCFA pour les études du projet. Il aura trois composantes dont une plateforme multimodale ou le terminal à conteneurs, un dépôt d’hydrocarbure et le marché à bétail ou abattoir moderne » énumère le vice-président du conseil régional.
« C’est des milliers d’emplois qui seront créés et le projet en lui-même se situe entre 250 à 300 milliards de FCFA », se satisfait Diamouténé Alassane. Une véritable bouffée d’oxygène pour les économies des pays ayant en commun l’usage des ports d’Abidjan et de San Pedro. Seulement, c’est le début effectif qui est pour l’heure attendu par toutes les parties tant ce projet générera des bénéfices liés.
Ferké attend de reprendre son développement par ce port destiné à renforcer les liens avec les voisins sans port.
Avec politikafrique