A quatre mois de la présidentielle en Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara a accepté de répondre aux questions de la presse internationale et nationale. Il répond aux questions d’Anna Sylvestre (RFI et France 24) de Valérie Bony de la BBC, de David Mobio de la Radio-télévision ivoirienne (RTI) et de Venance Konan de Fraternité Matin.
RFI : Vous avez annoncé votre candidature à un nouveau mandat. Vous êtes porté par la Coalition rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Pour vous, est-ce une élection présidentielle gagnée d’avance ?
Alassane Ouattara : Point du tout, ce serait une injure à mes concitoyens. A ce moment-là, il ne fallait pas organiser d’élection si elle est gagnée d’avance. Mais cette décision du RHDP donne de la stabilité à la Côte d’Ivoire sur les 10, 15, 20 ans à venir. Avec la paix et la stabilité sur une génération, la Côte d’Ivoire sera totalement transformée. Et donc, je rends hommage au président Bédié parce qu’il aurait pu dire ‘Mais après tout, je n’ai pas été élu en 2010, je vais être candidat en 2015’, rien ne l’en empêchait. Mais il a décidé de me soutenir. Moi, j’en suis très heureux, mais cela ne veut pas dire que l’élection est gagnée d’avance. Nous allons faire campagne et ces élections devraient avoir lieu à bonne date. Et je suis persuadé qu’elles seront apaisées, qu’elles seront démocratiques, qu’elles seront transparentes et vous pouvez considérer que cette fois-ci, il n’y aura pas de difficulté d’acceptation des résultats.
Dans ces conditions, votre objectif, est-ce que c’est d’être réélu dès le premier tour ?
Mon objectif c’est d’être élu dès le premier tour pour que l’on puisse continuer le travail. Parce que s’il y a un deuxième tour, cela fait un mois de moins. J’y tiens, j’ai déjà perdu 4,5 mois avec la situation passée. Je souhaite être élu dès le premier tour, comme cela j’aurais rattrapé un mois. (rires).
L’alternance c’est dans cinq ans quand vous ferez la passe au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) ? Comment comprendre cette alternance ?
Attention, je suis d’accord avec l’appel de Daoukro. Nous devons faire un parti unifié, ce sera l’objectif et c’est cela qui fera la stabilité de la Côte d’Ivoire. Si on parle d’alternance aujourd’hui, c’est parce que nous avons encore le PDCI et le RDR [Rassemblement des républicains] et autres. Il y aura une alternance, elle est certaine, mais par rapport à ma personne parce que moi, je ne serai pas candidat en 2020.
Simone Gbagbo a été condamnée à 20 ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat. C’est un verdict qui a été très critiqué notamment par des ONG internationales, ça ne satisfait pas les pro-Gbagbo qui estiment que c’est une décision politique, ça ne satisfait pas les victimes qui estiment qu’elles n’ont pas eu de réponse à leurs questions. Est-ce que vous pensez que ça donne raison à la CPI qui estime que Simone Gbagbo qui ne peut pas être jugée en Côte d’Ivoire parce que la justice ivoirienne n’en a pas la capacité ?
Elle peut toujours exiger, mais moi j’ai dit qu’elle peut être jugée ici et je suis un pays souverain. On n’ a pas à venir me dire que ma justice est incapable alors que je la vois, qu’elle fait des progrès et que maintenant, elle répond aux normes internationales. Il y a une justice qui fait son travail, je la laisse faire son travail. Je n’interfère pas.
Elle travaille bien ?
Je ne dis pas qu’elle travaille bien. Il y a eu des progrès et nous devons continuer d’aller de l’avant.
Ça fait plusieurs années que vous dites qu’il n’y aura pas d’impunité dans les deux camps, que tous ceux qui ont commis des crimes seront poursuivis. Mais pour l’instant, il n’y a que des pro-Gbagbo qui ont été jugés et condamnés ?
C’est ce que je vous dis. Ces cas, c’était des cas de flagrants délits, des cas évidents. Les autres cas ne peuvent être pris que par rapport au rapport de la commission nationale d’enquête. La commission nationale d’enquête ayant fait son rapport, ça demande un certain nombre de procédures et de préalables, notamment les exhumations, etc. Mais c’est ce qui est en cours. Et je pense que la justice est en train d’entendre certaines personnes des deux camps. Il n’y a aucun problème. Mais ne venez pas me dire que je dois le régler avant le 30 juin ou avant le 30 septembre ou avant je ne sais pas quelle date. D’autant que la CPI [Cour pénale internationale] n’a même pas commencé au procès de Laurent Gbagbo, ni de Blé Goudé. Ça fait quatre ans. Vous voulez que je sois plus rapide que la CPI ?
Si vous êtes réélu, quelles seront vos priorités ?
Continuer ce que nous sommes en train de faire. Si je pensais que j’avais terminé le travail qui m’a été confié par mes concitoyens, peut-être que je n’aurais pas demandé un deuxième mandat. Mais j’ai trouvé le pays dans un tel état, il y a un travail important à faire. Nous avons fait beaucoup, mais il reste beaucoup à faire. C’est pour cela que je suis engagé à continuer. Ce que je voudrais pour mon deuxième mandat, c’est accélérer ce que nous sommes en train de faire, maintenant que nous avons les bases parce que nous avons pris un pays totalement en ruine, dans tous les domaines. Nous avons commencé à reconstruire, nous avons des ponts, nous avons des écoles. Nous avons tout ça. Maintenant, il faut accélérer, il faut aller plus vite. C’est que je dis au gouvernement, d’ailleurs ils me disent qu’ils sont épuisés. Je leur dis, ‘non il ne faut pas être fatigués, il faut continuer parce que moi je veux aller plus vite, plus loin’. Je veux que la Côte d’Ivoire soit un modèle, je veux que les Ivoiriens aient cette fierté qui est naissante que je vois partout où je vais maintenant. Je veux que dans deux, trois ans, les Ivoiriens disent maintenant, ‘nous ne sommes pas les meilleurs seulement en football, mais nous sommes les meilleurs un peu partout. Nous sommes les meilleurs et nous voulons rester en tête de liste’. C’est ce que je souhaite pour mon pays.
PME PMI MAGAZINE avec RFI