Le directeur général des Laboratoires Vénus, fleuron des produits de beauté dans son pays, veut accroître ses exportations vers l’Afrique subsaharienne, un marché en croissance constante.
Début décembre, il faisait partie des patrons algériens qui ont accueilli avec le plus grand intérêt le Forum africain pour les affaires et les investissements à Alger. Un événement inédit qui a réuni le monde des affaires national et celui du reste du continent, dans un pays où les acteurs économiques sont plutôt habitués à traiter avec les Européens ou les Chinois.
C’est le marché le plus porteur, où la culture de consommation ne cesse de mûrir
Kamel Moula, 40 ans, directeur général des Laboratoires Vénus Sapeco, veut désormais exporter vers l’Afrique subsaharienne. « C’est le marché le plus porteur, où la culture de consommation ne cesse de mûrir », assure-t-il. Estimé à 6,93 milliards d’euros en 2012, le secteur africain du soin et de la beauté progresse, selon plusieurs études, de 8 % à 10 % par an et devrait atteindre les 10 milliards d’euros cette année.
Une manne dont le jeune patron entend bien tirer profit. « Tout est à faire sur ce continent. De plus, si l’on regarde la proximité géographique et les coûts bas du transport de marchandises via la route transsaharienne, on voit bien qu’il y a une opportunité », soutient-il.
Une notoriété aidée par la contrebande
Déjà exportés vers les marchés maghrébins (Libye, Tunisie et Maroc), les produits Vénus arrivent depuis peu au Niger, en Côte d’Ivoire, ou encore à Madagascar. « Nous nous sommes lancés dans l’exportation quand nous avons été sûrs que la demande était là. Cette dernière a été boostée par les nombreux jeunes de ces pays qui sont venus poursuivre leurs études en Algérie et ont ramené nos produits chez eux, mais aussi par la contrebande, qui nous a fait connaître dans de nombreux pays africains », explique Kamel Moula.
D’après lui, le rapport qualité-prix des articles de la marque algérienne sera un argument clé pour sa conquête des foyers africains – l’offre de Vénus est deux fois, voire trois fois, moins chère que les marques internationales largement importées à travers le continent. Cet atout sera indispensable pour vendre les produits algériens sur un marché certes en pleine expansion, mais aussi très convoité.
Marché concurrentiel
Des géants comme le leader mondial du cosmétique, L’Oréal, ou encore les pros de l’hygiène Unilever et Procter & Gamble, arrosent largement l’Afrique subsaharienne. Sans compter les grandes entreprises locales comme Biopharma au Cameroun ou Sivop en Côte d’Ivoire – l’un des pays que vise Kamel Moula -, qui sont parvenues à devancer les marques internationales.
La législation étant stricte avec les investissements à l’étranger, pas question de produire sur place
« Nous connaissons nos concurrents dans les pays, mais nous étudions encore leur positionnement pour nous adapter et proposer un produit de qualité supérieure », explique Kamel Moula, confiant dans son futur succès. « Notre objectif pour 2017 est de lancer des produits adaptés à ces marchés et de bonne qualité. Nous réalisons actuellement des études de marché pour mieux comprendre les attentes du public », poursuit-il.
Depuis la chute des prix du pétrole, le secteur privé progresse
Il s’agira d’abord d’exportation et de distribution. Pas question de produire sur place pour le moment. « Nous n’écartons pas cette idée, mais la législation algérienne est assez stricte avec les investissements à l’étranger, c’est un gros frein », regrette le directeur des Laboratoires Vénus. L’Algérie exige en effet que l’argent investi à l’étranger provienne des recettes d’exportation. Il faut donc d’abord avoir une activité importante, et les Laboratoires Vénus en sont encore loin.
« Peut-être qu’un jour on pourra envisager d’envoyer des produits semi-finis dans ces pays et d’achever la production sur place », espère Kamel Moula, qui projette d’attirer des investisseurs étrangers en Algérie et de servir d’intermédiaire entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne par le biais de sociétés mixtes. Il estime que l’Algérie se doit d’être un moteur pour l’Afrique et juge que la chute des prix du pétrole est finalement « bénéfique » pour le pays : « Désormais, le secteur privé compte, on peut enfin envisager une réindustrialisation de l’Algérie et des exportations régulières à l’étranger. »
La référence algérienne
Partis de quelques shampooings basiques présentés dans des emballages kitsch, les Laboratoires Vénus sont devenus en trente-cinq ans une sorte de L’Oréal en Algérie. Hygiène, cosmétique, parapharmacie… plus rien n’échappe à la famille Moula, qui se vante de vendre des produits dont la qualité égale celle des grandes marques européennes. « Nous utilisons les mêmes matières premières que les grands groupes, nous avons les mêmes fournisseurs européens », précise le directeur général.
Lorsque nous le rencontrons, fin 2016, Kamel Moula explique avec enthousiasme les vertus de chaque produit Vénus, du gel douche « avec de vraies étoiles pleines de vitamines qui éclatent lorsque vous le passez sur le corps » à la bouteille « unique et très moderne », fabriquée sur place.
Une entreprise familiale
Le quadragénaire est devenu au fil des ans la principale figure de cette entreprise que son père, Mourad Moula, a fondée en 1981 et dont il est encore le président. Après un DES en finances, il commence à travailler au service marketing du groupe familial. Puis il gravit les échelons de l’entreprise pour en prendre la direction en 2006. Très actif, Kamel Moula préside aussi le Club des entrepreneurs et industriels de la Mitidja (Ceimi, 1 068 adhérents). Le patron, qui ne communique pas les données financières de sa société, revendique une croissance annuelle de 10 % en moyenne et une année 2016 très réussie grâce à une croissance exceptionnelle de 18 %.
Les Laboratoires Vénus comptaient dix salariés au moment de leur création, aujourd’hui ils font travailler plus de 500 personnes à Blida avec une gestion entièrement familiale. Les deux frères de Kamel sont aussi dans le top management. L’un est à la tête du marketing de la marque et l’autre gère l’unité de production locale d’emballage et de plastique, récemment mise en place pour des questions d’autosuffisance et d’innovation. L’entreprise compte désormais cinq sites, dont un laboratoire de recherche.
C’est dans les années 2000 que le groupe a profité de l’ouverture du marché algérien pour s’imposer dans le secteur du cosmétique et de l’hygiène. Un défi difficile dans un pays où les consommateurs préfèrent les références internationales aux marques locales. Les importations de ces produits atteignent en moyenne 14 milliards de dinars (119 millions d’euros) par an. Sans oublier les marques internationales contrefaites vendues à des prix défiant toute concurrence dans les commerces de proximité. Les Laboratoires Vénus parviennent toutefois à arracher, selon leurs propres chiffres, 35 % de parts de marché et rêvent de faire de même en Afrique subsaharienne.
MARCHÉ SUBSAHARIEN : ENFIN LE RÉVEIL DE L’ALGÉRIE ?
Contrairement aux entreprises marocaines, aucune société algérienne n’est encore implantée en Afrique subsaharienne. Mais elles sont de plus en plus nombreuses à l’envisager. Fin 2014, Condor Electronics a conclu un accord avec le soudanais Giad concernant l’exportation – et à plus long terme la production – de ses réfrigérateurs et climatiseurs. Et alors que le premier investissement africain du conglomérat Cevital se fait attendre, NCA Rouiba, le leader national des jus de fruits, a bien failli exploiter six usines au Bénin – mais le contrat de location-gérance avec l’État n’a pas abouti.
Avec jeuneafrique