L’enquête sur ces deux hauts fonctionnaires qui a duré six mois, vient-elle de livrer ses conclusions ? C’est la question que tous les Nigérians se posent depuis la surprenante annonce de Muhamadu Buhari en ce début d’après-midi. Mis à pied depuis avril, respectivement sur des allégations de corruption et de négligence, Babachir Lawal, secrétaire général du gouvernement et Ayodele Oke, le chef des services de renseignements, ont été limogés. Est-ce le début d’une opération mains propres dans ce pays où les scandales de corruption grugent les caisses de l’Etat.
Babachir Lawal et Ayodele Oke ne font plus partie de l’Administration Buhari depuis ce lundi 30 octobre. Un décret présidentiel de l’Aso Rock Villa, le palais présidentiel, a mis fin aux fonctions des deux hommes qui avaient été mis à pied en avril dernier sous réserve d’une enquête. Le rapport de l’enquête dirigée par l’intrépide Abubakar Malami, procureur général, et l’intransigeant vice-président Yémi Osinbajo, a-t-il été accablant pour les deux hauts fonctionnaires ?
Un rapport d’enquête accablant
L’annonce de Muhammadu Buhari ne s’accompagne pas de commentaires sur les conclusions et le contenu de l’enquête. Mais ce rapport a indubitablement conduit au limogeage des deux hommes, selon un communiqué de la présidence, en début d’après-midi de ce lundi. «Le président a accepté la recommandation du panel d’enquête dirigé par le vice-président Yémi Osinbajo de mettre fin aux nominations de MM. Lawal et Oke», souligne le communiqué.
Pour revenir aux origines de ce double limogeage, il faut remonter à avril 2017. Après son retour aux affaires, Muhammadu Burhari annonce, à la surprise générale, le limogeage de Babachir Lawal et Ayodele Oke. Le premier, secrétaire général du gouvernement fédéral, a fait les frais d’accusations par le Sénat de délit d’initié dans la passation de marchés dans le cadre l’Initiative présidentielle pour le nord-est (PINE).
Le second, chef des services de renseignements nigérians (NIA), est tombé paradoxalement après une grande opération coup de poing. L’agence anti-corruption rattachée à son service avait mis la main, à la mi-avril dernière, sur 80 millions de dollars en liquide, dissimulés en coupure de nairas, de livres sterling et de dollars, dans un appartement dans le quartier huppé d’Osborne à Lagos. Malgré cette grosse prise, il est reproché à l’«homme le plus informé du pays» d’avoir délibérément épargné des hommes d’affaires influents impliqués dans ce trafic de devises.
Un général-président en croisade contre la corruption d’Etat
Pour autant, ce limogeage présage-t-il la culpabilité des deux hommes ? L’Aso Rock Villa est restée muette sur cette question, en dépit de l’insistance des réseaux sociaux nigérians qui s’interrogent sur d’éventuelles poursuites contre ces deux commis de l’Etat. Au plus, le communiqué se borne à annoncer le remplacement de Babachir Lawal par Mustapha Gida, précédemment directeur général de l’Agence nationale de la navigation fluviale (NIWA). Ayodele Oke sera remplacé par un triumvirat chargé d’«examiner la structure opérationnelle, technique et administrative de l’Agence».
Plus loin, le limogeage de Babachir Lawal et Ayodele Oke s’inscrit dans une vaste opération d’assainissement de l’Administration lancée par Muhammadu Buhari qui a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. De l’ancien président Goodluck Jonathan, à Diezani Alison-Madueke, son ex-ministre du Pétrole, le Nigéria est régulièrement secoué par des scandales de corruption qui grugent les caisses de l’Etat et impliquent les plus hautes personnalités du pays. En moins de 50 ans, entre 1960 et 2005, près de 20 000 milliards de dollars ont été subtilisés aux caisses de l’Etat nigérian, soit l’équivalent du PIB des Etats-Unis en 2002 (18 000 milliards), selon un rapport de l’ONG britannique Oxfam.
L’officialisation du limogeage de Babachir Lawal et Ayodele Oke intervient une semaine après la destitution d’Abdulrasheed Maina, ancien président du Groupe de travail présidentiel sur la réforme des retraites. Radié en 2013 de la fonction publique pour des faits de corruption, l’homme s’était vu réintégré en tant que responsable des ressources humaines au ministère de l’Intérieur. L’affaire qui s’est soldée par une nouvelle radiation du fonctionnaire confirme la volonté présidentielle de couper la tête de la corruption généralisée.
Avec camerounweb