Pour 2 millions de dollars, Idriss Deby, le président du Tchad aurait cédé une concession pétrolière à une entreprise chinoise. Pour moins (500.000 dollars), Yoweri Kaguta Musveni, le chef de l’Etat ougandais, aurait accordé des avantages commerciaux à la même société dans le secteur banquier et énergétique. Pourtant, bien avant ces deux présidents africains, certains de leurs pairs ou ex-pairs ont été éclaboussés par des scandales de corruption. La Tribune Afrique vous en dresse une liste non exhaustive.
Dans le sulfureux rôle d’entremetteur, Chi Ping Patrick Ho, ancien ministre de l’intérieur de Hongkong, aidé dans le cas tchadien par Cheikh Tidiane Gadio, ancien chef de la diplomatie sénégalaise, aurait réussi à obtenir des présidents tchadien et ougandais, des avantages commerciaux pour le compte de la CEFC China Energy, une société de Shanghai dirigée par Ye Jianming. L’affaire, pendante devant la justice américaine dans un scénario proche d’une guerre économique américano-chinoise, n’est pas sans rappeler d’autres présidents africains qui auraient trempé les mains dans des esclandres du même acabit.
Jacob Zuma : « Mister Scandal », l’homme aux pieds de béton
Locataire du « Palais de la Nouvelle Aube » depuis 2009, Jacob Zuma pourrait connaître des lendemains sombres. Même si l’affaire Gupta a fait chuter des multinationales, le successeur de Thabo Mbeki a vacillé devant douze motions de censure, mais est toujours retombé sur ses pieds de béton, renforcés par son image au sein de la jeunesse militante de l’ANC.
Le septuagénaire a accumulé une tirelire de scandales lors de son passage à la vice-présidence avec le versement de pots-de-vin dans l’affaire d’achat d’armes Thint-Thales en 2005, annulée de justesse à cause d’un vice de forme sous la pression de la jeunesse de l’ANC. Au moment d’ouvrir la boîte, il faudra aussi ressortir une pléthore de casseroles liées aux Gupta qui ont entaché son fils Duduzane et sa fille Duduzile.
Joseph Kabila : quand la RDC devient un « bien familial »
Hors des versements sous le manteau pour débaucher des adversaires ou les courtisans politiques, une ardoise de faits de corruption accable Joseph Kabila. Avec la transmission du pouvoir par son père il y a 16 ans, le président congolais ne prend pas seulement le nom d’« héritier du Mzee ».
Dans son testament, Laurent Désiré Kabila lui lègue aussi un embryon de pouvoir économique qu’il va s’empresser de faire fructifier et d’étendre à tous les secteurs de l’économie de la RDC, au point d’en faire « un bien familial ». Le système de corruption, généralisé dans une nébuleuse opaque, place sa famille et ses proches pour des détournements via des sociétés-écran, des affectations et des détournements dans les comptes des grandes entreprises publiques, comme déjà largement documenté par une enquête du quotidien belge Le Soir ou encore du Groupe d’études sur le Congo (GEC).
Muhammadu Buhari : le boomerang de la lutte anticorruption
Il a fait de la lutte contre « le cancer de la corruption », son cheval de bataille. Mais Muhammadu Buhari, président du Nigéria a dû mal nettoyer l’appareil d’Etat avec le balai qu’il exhibait durant sa campagne électorale. Sa lutte anticorruption est éclaboussée depuis fin octobre 2017 par l’esclandre Abdulrasheed Maina, du nom de cet ancien fonctionnaire de la Caisse des retraits destitué de l’administration après avoir détourné près de 5 millions de dollars.
Le scandale réside dans le fait que malgré sa radiation, l’ancien fonctionnaire continuait de percevoir son salaire et avait même été réaffecté aux ressources humaines du ministère de l’Intérieur. L’homme originaire de la même province musulmane du président, avait un temps fui le pays mais été rentré secrètement et placé sous protection policière. Aujourd’hui, il s’est encore évaporé entre les mailles des frontières nigérianes. Le boomerang de l’anticorruption semble faire un retour à l’envoyeur si l’on compte la mise à pied puis la destitution de Babachir Lawal, secrétaire général du gouvernement et Ayodele Oke, le chef des services de renseignements.
Alpha Condé, le filon du scandale Rio Tinto
La société minière australo-anglaise est visée par une triple enquête des justice américaine, australienne et britannique. A la source des poursuites judiciaires, une enquête de Mediapart révélant un versement occulte de 700 millions de dollars pour obtenir le permis du méga-gisement de fer guinéen de Simandou, en 2011.
Face à une fuite de mails évoquant le versement de 10 millions de dollars au banquier français François de Combret, un proche conseiller d’Alpha Condé, le pouvoir guinéen avait nié les faits. Mais la publication de conversations téléphoniques par France 24 avait poussé Rio Tinto à reconnaître le versement et révélé au passage que Conakry avait réclamé un acompte sur les 700 millions de dollars. Malgré ses grands discours de lutte contre la corruption, l’affaire Rio Tinto, toujours sur la table de la justice, montre bien que le pouvoir guinéen continue de creuser, à la lumière du scandale, le filon de Simandou, méga-gisement de fer dont le projet d’exploitation nécessiterait 20 milliards d’euros d’investissement.
Avec latribuneafrique