Loin des alliances médiatisées entre constructeurs européens, canadiens ou chinois, l’aéronautique russe tisse sa toile, notamment avec la France. Datant de quarante ans ou bien plus récentes, les coopérations aéronautiques franco-russes sont jalonnées de succès. Sputnik vous présente les plus réussis de ces projets franco-russes.
Les relations aéronautiques entre la France et la Russie sont loin de se résumer à la vente d’avions Airbus à Aeroflot. La coopération franco-russe dans ce secteur est en effet florissante. En témoigne la reunion de fonctionnaires et d’industriels russes et français ce 26 octobre à Paris pour discuter de l’avenir de la coopération entre les deux pays. Ces rencontres auront lieu dans le cadre d’un groupe de travail spécialisé du Conseil économique, financier, industriel et commercial franco-russe (CEFIC).
Nous vous proposons un aperçu des projets-phares qui vont de la participation française à la construction d’avions russes aux nouveaux prestataires russes qui partent à la conquête du marché européen.
1. Irkut MS-21
Véritable percée de l’aviation russe sur le marché très fermé des moyen-courriers, le MS-21, un programme d’avion monocouloir de dernière génération, devrait permettre à Irkut de venir se frotter aux Airbus A320 et autres Boeing 737 MAX. Conçu par le bureau d’étude Yakovlev, il a réalisé son premier vol le 28 mai 2017 et a rejoint Zhoukovsky depuis Irkoutsk, sa base de production, le 17 octobre. Ce programme s’appuie sur une coopération poussée avec des équipementiers et des fournisseurs français, tels que Zodiac, qui ont noué des accords structurants avec des partenaires de la chaîne logistique russe. Le succès de la certification sera déterminant pour permettre à cet appareil de s’exporter.
2. Sukhoi Superjet 100
Premier avion régional conçu en Russie depuis la fin de la guerre froide, le Sukhoi Superjet 100 (SSJ100) est maintenant produit en série et a été certifié par l’agence européenne de la sécurité aérienne (European Aviation Safety Agency, Easa). Il est déjà exploité par une dizaine de compagnies aériennes dans le monde, y compris en Amérique (InterJet —Mexique) et en Europe (CityJet).
Ce qui est moins connu du grand public: cet appareil est le fruit d’une coopération poussée entre la Russie et la France, embarquant 33% de composants français. Une dizaine de fournisseurs tricolores tels que Safran, Thales, Liebherr Aerospace ou Saint-Gobain Sully mettent à son service des technologies stratégiques tels que le moteur ou l’avionique. L’enjeu de la maintenance et du service après-vente est déterminant pour assurer les succès futurs à l’exportation.
3. SaM 146
Ce turboréacteur destiné au marché des avions de 100 places est produit par Power Jet, une société détenue à 50/50 par le français Safran et le russe NPO Saturn. Premier moteur russe certifié par l’EASA (il équipe le SSJ100), le SaM 146 incarne à lui seul le succès de cette coopération prometteuse et pleine d’avenir. D’ailleurs, l’usine de Rybinsk (à environ 270 km au nord-est de Moscou) a célébré l’assemblage de son 300e turboréacteur le 18 octobre dernier. Toutefois, la résolution des questions douanières reste un enjeu majeur pour assurer la pérennité de ce programme.
4. Kamov Ka 226 T
Le développement de ce programme d’hélicoptère de 3,6 t a permis à la Russie de diversifier ses compétences dans le domaine des hélicoptères utilitaires légers. L’intégration du moteur Arrius 2G1, du motoriste français Safran, équipé d’une régulation électronique de dernière génération (FADEC), fait de ce programme une arme absolue à l’exportation face à ses concurrents occidentaux et a permis de gagner le marché stratégique indien. Le succès des transferts de technologie et de production en Inde est le prochain enjeu pour ce programme.
5. Kamov Ka 62
Cet hélicoptère utilitaire de 6,5 t. est actuellement en phase de test en vol. Équipé du moteur français Safran Ardiden 3, qui a obtenu sa certification de l’agence fédérale russe du transport aérien (Rosaviatsia) en juin 2017, ce programme d’hélicoptère léger doit permettre à la Russie de pénétrer le marché des hélicoptères utilitaires, utilisés notamment par les sociétés pétrolières et gazières.
6. Sous-traitance pour Airbus
La coopération nouée entre Airbus et la société Irkut pour la fabrication de pièces de la famille A319/20/21 est un succès depuis 15 ans. Elle a permis aux sociétés russes d’entrer dans la chaîne d’approvisionnement globale de l’avionneur et de se conformer aux exigences et standards modernes. Détenue à 10% par Airbus jusqu’en 2008, Irkut s’est depuis envolée vers d’autres cieux grâce à l’expérience acquise durant cette coopération. Airbus a noué une coopération structurante avec d’autres fournisseurs russes, comme VSMPO Avisma. L’enjeu des nouveaux équipementiers russes du groupe Rostec sera de suivre cette tendance.
7. Les nouveaux sous-traitants russes
La réorganisation de la chaîne logistique aéronautique russe, traditionnellement répartie pendant la période soviétique entre bureaux d’études et usines de production, a progressivement laissé place à une organisation verticale, avec l’émergence de sous-traitants directs et indirects réunis sous l’égide du groupe Rostec. Ces nouveaux acteurs, tels que Technodinamika, Kret ou encore Khimkompozit et Teploobmennik ont acquis un savoir-faire et des compétences grâce aux partenariats noués avec les équipementiers français sur les programmes SSJ 100 et MC 21. Leur niveau de compétence va progressivement leur permettre à la fois de se qualifier chez des avionneurs tels qu’Airbus, mais aussi de concevoir de nouvelles technologies sur des programmes à venir tels que le programme sino-russe CR929.
8. Coopération en matière de recherche: Onera-TsAGI
Si les avions supersoniques volent un jour sans bruit, ce sera probablement grâce aux chercheurs français et russes. La coopération entre les deux principaux instituts d’aérodynamique français et russe est historique: elle remonte à la période du voyage du général de Gaulle en URSS de 1966. L’institut français, l’Onera et le russe, TsAGI, portés par la vision de leurs présidents respectifs, n’ont eu de cesse de s’engager ensemble sur des projets innovants. En témoignent le prix Denis Maugars, remis depuis 2015 par le chef de TsAGI Sergey Chernychev, à des équipes de jeunes ingénieurs français et russes, ou des programmes financés entre l’Europe et la Russie sur le bang supersonique — problème majeur pour l’aviation supersonique qui obligeait les Concordes à atteindre l’océan pour accélérer. Une coopération solide qui a devant elle un bel avenir.
9. Digitalisation — Dassault Systems
L’avenir des coopérations passe par l’utilisation de procédés et d’innovations disruptives, qui révolutionnent le monde de l’industrie. La transformation digitale et l’utilisation des nouveaux procédés de développement et de fabrication par maquette numérique et expérience 3D sont des procédés stratégiques vers lesquels se tournent la France et la Russie. Les technologies «CATIA» et «3D expérience» de Dassault Systèmes, utilisées par l’industrie russe, vont lui permettre de faire un saut technologique vers le monde de demain. Elles l’aideront à résoudre ses problématiques de restructuration des acteurs existants par l’harmonisation de ses procédés et ses outils de transformation digitale.
10. Imprimante 3D pour réparer les avions
L’arrivée des imprimantes 3D métalliques vient révolutionner le développement et la production de l’industrie aéronautique. La France et la Russie ont devant elles de nombreuses perspectives de coopération dans ce domaine. En témoigne l’engagement de sociétés innovantes, telles que la startup BeAM, qui souhaite développer sa technologie en Russie avec des partenaires universitaires et industriels russes sur la technologie SLM, avec un laser russe. Un exemple qui souligne toute l’importance de cette coopération bilatérale, qu’il convient de maintenir, de développer et de renforcer grâce au soutien des administrations française et russe au sein du CEFIC.
Pour le succès de ces projets communs l’industrie aéronautique russe va devoir s’organiser afin d’être capable de certifier ses produits et technologies aux standards et normes occidentales. C’est notamment grâce à la coopération avec la France, que certains appareils russes sont déjà certifiés par l’EASA.
Cette reconnaissance progressive des réalisations russes par l’Occident est déterminante pour l’industrie russe, qui devra se conformer aux règlements EASA et FAA reconnus à l’international et s’organiser de façon à appliquer leurs méthodologies lors des différentes étapes de développement, de production et de maintenance du cycle d’un avion.
Avec sputnik