Le chef du gouvernement Pedro Sanchez va obliger les établissements bancaires à payer un impôt sur les crédits immobiliers, malgré l’avis contraire de la Cour suprême.
Après des semaines de controverse, le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez est monté au créneau ce mercredi pour faire payer un impôt aux banques, malgré l’avis contraire émis la veille par la plus haute cour du pays.
À la Une de tous les journaux mercredi, l’affaire fait grand bruit en Espagne depuis des semaines. En question, le paiement d’un impôt sur les crédits versés lors de l’achat d’un bien immobilier.
Cet impôt est actuellement versé par les clients des banques mais la Cour suprême espagnole avait opéré le 18 octobre un revirement de jurisprudence en jugeant que c’était aux banques de le payer.
Après la chute en Bourse des banques, la plus haute cour du pays avait suspendu dès le lendemain sa décision, revenant finalement dessus mardi soir en jugeant qu’il appartenait bien aux clients d’acquitter cette taxe.
Alors que ces revirements ont suscité une vague d’indignation, le chef du gouvernement socialiste Pedro Sanchez a convoqué la presse mercredi pour annoncer qu’il ferait adopter jeudi en Conseil des ministres un décret obligeant les banques à payer cet impôt.
“Les Espagnols ne paieront plus jamais cet impôt, qui sera payé par le secteur financier, par les banques. Nous allons pour cela modifier la loi qui réglemente les actes patrimoniaux”, a-t-il déclaré.
Appel à l’autocritique
Arrivé au pouvoir le 1er juin, Pedro Sanchez a au passage vertement critiqué la Cour suprême pour sa gestion du dossier.
“La Cour suprême doit évidemment mener une réflexion” sur ces semaines de revirements. “Aucun pouvoir n’est ou ne peut être à l’écart des critiques, elle doit faire son autocritique”, a-t-il souligné, tout en assurant “respecter” l’indépendance de la justice.
“Nous ne pouvons que regretter la situation générée par cette décision, (qui) n’est positive ni pour les établissements financiers, ni pour les juges, ni pour les citoyens”, a-t-il encore dit.
Disant “accepter” les critiques, le président du tribunal Carlos Lesmes s’est défendu en jugeant que ses revirements étaient la “conséquence du manque de clarté de la loi”.
En désavouant la Cour suprême sur ce dossier, Pedro Sanchez tente de se faire le représentant politique du mécontentement d’une partie de la population à l’égard du pouvoir judiciaire, jugent des analystes.
“C’est un sujet de réputation, de crédibilité de la Cour suprême dans sa gestion” de l’affaire et “Sanchez y a vu une opportunité et tente d’en profiter” en contestant une décision judiciaire “hautement impopulaire”, souligne Antonio Barroso, du cabinet Teneo Intelligence.
Dans un pays traumatisé par la crise financière, Pedro Sanchez tente de répondre à “la perte de confiance d’une partie des citoyens envers certaines institutions qui agissent, selon eux, plus en faveur d’intérêts particuliers, en l’occurrence le secteur financier, que de l’intérêt général”, estime Oriol Bartomeus, politologue à l’Université autonome de Barcelone.
Manifestation samedi
“La banque gagne et les citoyens perdent. L’indépendance de la Cour suprême est remise en question”, avait dénoncé mardi Pablo Iglesias, dirigeant du parti de gauche radicale Podemos. Ce parti, héritier du mouvement des Indignés et allié crucial de Pedro Sanchez au parlement, a appelé à manifester samedi devant le tribunal.
“C’est bien mais ce n’est pas suffisant”, a insisté Pablo Iglesias mercredi après l’annonce de Pedro Sanchez, en exigeant que les banques remboursent aux familles l’argent de cet impôt collecté depuis des années par les banques pour le compte des régions espagnoles.
Depuis 2014, un million et demi de personnes ont payé cette taxe, selon le syndicat Gestha des fonctionnaires du ministère des Finances. Elle varie entre 0,5% et 1,5% selon les régions.
La Cour suprême se retrouve sous le feu des critiques alors qu’elle doit juger en début d’année prochaine, dans un procès hautement sensible, les dirigeants indépendantistes catalans pour leur rôle dans la tentative de sécession d’octobre 2017.
Le parquet de ce tribunal a requis vendredi de lourdes peines de prison (jusqu’à 25 ans) contre ces dirigeants pour rébellion, un chef d’accusation controversé rejeté par le représentant du ministère de la Justice, qui demande lui jusqu’à 12 ans de prison.
Avec AFP