Le compartiment était attendu depuis plusieurs années. Des années qui sont nécessaires pour monter un projet inclusif pour l’ensemble des parties prenantes, depuis l’autorité de régulation jusqu’aux Pme elles-mêmes. Il fallait prendre ce temps non seulement pour faire un bon diagnostic de la situation de financement des Pme, des succès et des échecs des compartiments des Pme sur les autres bourses africaines. Et enfin, avec les parties impliquées, discuter du cadre règlementaire qui doit régir le compartiment, discuter également des modalités de fonctionnement du compartiment, mais aussi préparer sur le plan technique le lancement et identifier les Pme susceptibles de venir sur le compartiment dès les premières années de lancement. Enfin, comme nous avons une nouveauté dans le cadre de notre projet de lancement qui est l’accompagnement des Pme, il fallait aussi tout mettre en œuvre pour que le programme d’accompagnement soit finalisé et démarré.
L’avez-vous démarré ?
C’est ce que nous avons fait à travers le programme élite avec la bourse de Londres qui est notre partenaire pour l’accompagnement des Pme sur ce compartiment. Cela a pris du temps, mais nous pensons que le moment est venu pour lancer ce compartiment. Et il va effectivement apporter une réponse, on le souhaite, concrète, au financement à long terme des Pme de notre sous-région.
Concrètement, qu’est-ce qu’un tel compartiment va apporter ?
Le diagnostic qui a été fait sur le financement des Pme est très simple. Les Pme souffrent de financement à court terme et de financement à long terme. Sur le financement à court terme, c’est-à-dire l’accompagnement de leurs opérations quotidiennes et des investissements de moins de 3 ans. Malgré le fait que les banques ne soient pas toujours prêtes à accompagner les Pme, on enregistre des avancées ces dernières années en Côte d’Ivoire avec le projet « La finance s’engage », et la création du fonds de garantie pour les Pme qui font que sur le court terme, on peut imaginer que dans les années à venir, les Pme auront un accès plus facile au financement bancaire. Mais sur le volet long terme qui nous concerne, on n’a pas encore eu de solutions et c’est cette solution que nous sommes en train d’apporter avec le 3ème compartiment.
Ce compartiment de la Brvm (Bourse régionale des valeurs mobilières commune aux huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine) vise essentiellement à financer le long terme des Pme, à les aider à trouver les ressources nécessaires pour financer les investissements de long terme. Nous avons constaté qu’en l’absence d’un financement de long terme, les Pme prennent des crédits à court terme auprès des banques pour financer des investissements dans du matériel de production qui peut être un matériel qui s’amortit sur 7, 8, 15 ans mais financé avec un crédit qui est de 1 an ou 2 et même parfois financé sur de découvert bancaire.
Cette inadéquation entre les ressources et les investissements crée des problèmes qui fragilisent la situation financière de nos Pme et qui constitue pour elles, un danger pour leur survie dans les cas que nous avons constatés. Avec ce compartiment, le problème devrait en principe être réglé.
Les Pme peuvent maintenant aller à la Brvm pour lever des capitaux à long terme pour financer des investissements à long terme. C’est vraiment cette solution que nous sommes en train d’apporter. Si les Pme de notre Union arrivent à faire cela, elles pourront renforcer leurs capacités de production, envisager l’avenir plus sereinement et développer leurs activités en sachant qu’elles ont la possibilité de financer ces activités sur du long terme, donc notre compartiment est une réponse à cela.
Quelles conditions doivent réunir les Pme pour accéder à ce compartiment ?
Nous avons, de façon générale, allégé les critères d’admission. Nous avons déjà deux compartiments à la Brvm. Pour accéder au premier compartiment, il faut avoir un capital minimum de 500 millions F Cfa, il faut exister depuis plus de 3 ans avec des comptes certifiés sur les dernières années. Il faut avoir une marge nette sur chiffre d’affaires supérieure à 3%.
Ce sont les critères principaux sur le 1er compartiment. Le 2ème compartiment, il faut avoir au moins 200 millions de capital et remplir des conditions d’existence et de rentabilité requises. Aujourd’hui, avec le troisième compartiment, le capital requis est de 100 millions de F Cfa. Ce qui est une contrainte découlant des dispositions de droit commun de l’Ohada (Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique) qui dit que pour faire appel public à l’épargne au sein de la zone Ohada, il faut avoir 100 millions de FCfa de capital et être constitué sous forme de société anonyme.
Nous nous sommes donc alignés sur cette disposition de l’Ohada. En dehors des 100 millions, il y a les critères du nombre d’années d’existence ramenées à 2 pour les entreprises qui viendront sur le compartiment et il n’y a plus de critères liés à la rentabilité. C’est plutôt la situation et la structure financières de la Pme qui vont être examinées ainsi que ses perspectives de croissance et de développement. Ce sont des conditions allégées d’accès et nous pensons que cela va probablement correspondre à une frange des entreprises de nos économies qui souffrent effectivement de ce problème de financement ; nous avons essayé de regarder dans la sous-région et nous pensons objectivement qu’il y a un potentiel très important qui peut aller au-delà de 200 voire 300 entreprises dans la sous-région. Mais quand nous avons commencé à regarder de près, pour celles que nous considérons comme pouvant être les premières à remplir les conditions, on est descendu à peu près à 70. Et quand on a voulu affiner, en combinant les critères d’admission et la volonté des dirigeants et leur calendrier de mise en œuvre, on tombe à une trentaine de Pme à peu près. De cette trentaine, nous avons encore écrémé et essayé de discuter avec les dirigeants, et aujourd’hui, nous avons au moins une quinzaine de Pme qui ont manifesté clairement leur intention de venir sur le compartiment. Je crois que c’est déjà bon pour une première cohorte de Pme qui seraient accompagnées ou non. Cela fait déjà quelque chose de très bien d’autant plus que cette quinzaine de Pme de départ sont réparties quasiment dans tous les pays de l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine).
Qu’en est-il de votre initiative sur le Venture Capital (capital-risque) ?
C’est l’étape d’après le compartiment des Pme. Le compartiment des Pme va s’adresser aux entreprises de taille moyenne, mais les toutes petites qui sont surtout à la recherche de capital de démarrage pour leurs activités ne vont pas peut-être trouver leurs solutions avec le troisième compartiment parce que leurs besoins doivent s’exprimer dans des cadres différents. Et avec des niveaux de risques et d’appréciation qui peuvent être différents des Pme déjà établies et qui sont appelées à grandir.
C’est pour cela que nous voulons réfléchir à une solution spécifique pour ces entreprises qui sont à leur phase de démarrage, les start-up, et qui demain seront les grandes entreprises de la sous-région. Là aussi, nous pensons que cela va se faire dans un délai de trois à quatre ans mais qui est indispensable à ce que nos économies puissent bénéficier de tout le dynamisme des start-up, particulièrement celles qui s’orientent dans le domaine de la finance technologique.
Avec actubanque