La conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) qui s’est ouverte mardi à Nairobi, la première à se dérouler en Afrique, apparaît comme la dernière chance de faire avancer le cycle de Doha, actuellement dans l’impasse.
Cette conférence, qui se tient jusqu’à vendredi, “est vitale pour l’avenir de l’OMC”, a estimé début décembre devant le Parlement européen Cecilia Malmstroem, Commissaire européen en charge du commerce mondial, alors que les 162 pays-membres sont profondément divisés.
En 2013, à Bali, les ministres de l’OMC s’étaient mis d’accord in extremis sur un accord douanier, censé relancer le commerce mondial, le premier accord multilatéral depuis la création de l’organisation en 1995.Deux ans après, ils se retrouvent dans la capitale kényane pour tenter de sortir de 14 ans d’impasse le cycle de Doha, lancé en novembre 2001 au Qatar.
Le cycle de Doha vise à réformer en profondeur, sur une base multilatérale, le système commercial international en réduisant les barrières commerciales et en révisant les règles commerciales.Mais dans le contexte d’enlisement, des pays ont préféré ces dernières années négocier en dehors de l’OMC des accords régionaux, en concurrence directe avec l’organisation basée à Genève.
“Il nous a fallu 18 ans pour accoucher de notre premier accord multilatéral à Bali, c’est bien trop long, nous ne pouvons pas attendre 18 ans pour donner naissance à un autre”, a expliqué mardi à la presse le directeur général de l’OMC Roberto Azevedo.
Fin novembre, il avait pourtant admis qu’aucun progrès n’avait été enregistré lors des négociations préparatoires à la conférence de Nairobi, et le pessimisme semblait de mise à l’ouverture de la conférence.
Les ministres devraient également plancher sur le sujet controversé des subventions agricoles et sur un ensemble de mesures spécifiques d’accès aux marchés pour les PMA (pays les moins avancés).
Mais sur cette question, “en dépit de nombreux efforts, peu de progrès ont été faits et une avancée à Nairobi semble peu probable”, estime le Centre européen pour la gestion des politiques de développement (ECDPM), un centre de réflexion.
Nouvelles voies –
L’OMC traite de sujets complexes telles que la règlementation liée au commerce mondial, comme les subventions, les aides publiques, ou les barrières douanières, les stocks alimentaires, en vue de simplifier ces règles ou les rendre plus transparentes pour qu’elles ne constituent pas d’obstacles aux relations commerciales entre pays.
Selon David Shark, directeur-général adjoint de l’OMC, l’enjeu des discussions actuelles est encore plus large : “Comment allons-nous mener les négociations commerciales dans l’avenir ?” “Continuons-nous dans la même veine, dans le cadre du cycle de Doha ?Ou cherchons-nous de nouvelles voies ?”, a-t-il poursuivi, estimant “le sujet très controversé au sein des pays-membres.”
Hôte de la conférence, le président kényan Uhuru Kenyatta a appelé l’OMC à poursuivre “l’intégration des pays moins développés et des nouveaux membres dans le régime du commerce mondial”.
Il a rappelé que l’Afrique avait “la responsabilité première de l’industrialisation” du continent et devait “approfondir et poursuivre les réformes économiques, juridiques, institutionnelles et structurelles”.
Mais “nous avons, nous tous membres de l’OMC, aussi des responsabilités”, a-t-il poursuivi.”Les règles commerciales dans l’agriculture doivent être plus équitables”, a-t-il estimé, soulignant que “les aides nationales qui faussent le commerce nuisent à l’agriculture et à l’industrie africaines”.
Il a dénoncé “l’escalade des droits de douane et les pics tarifaires” ainsi que les “moyens commerciaux défensifs” qui “entravent les économies africaines produisant de manière compétitive”.”Les normes ne doivent pas être la prochaine frontière du protectionnisme”, a-t-il lancé.
Au cours de cette conférence ministérielle, deux nouveaux états-membres viendront signer solennellement leur acte d’adhésion : le Liberia et l’Afghanistan.Des cérémonies en leur honneur seront organisées, en présence de la présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, et du chef du gouvernement afghan, Abdullah Abdullah.
Quelque 6.000 délégués sont réunis à Nairobi, sous haute sécurité.C’est un nouveau grand rendez-vous international cette année pour le Kenya, cible ces dernières années de plusieurs attaques des islamistes somaliens shebab, liés à Al-Qaïda, mais qui a ces derniers mois accueilli avec succès le président américain Barack Obama et le pape François.
Africa1.com Nairobi (AFP)