L’émotion a pris le pouvoir… Où que vous regardiez, c’est l’émoi, et moi et moi…
Colères, agacements, injustices, angoisses, peurs, défiance, révolte, … la liste n’est pas exhaustive. Elle témoigne bien du ressenti et encore plus souvent des ressentiments qui émergent de façon dominante en cette période de trouble social profond. Mais qui a raison?
Celui qui fustige le gouvernement qui protège les riches? Celui qui loue le courage d’un Président qui ose réformer? Celui qui revendique la démission du Président pour parvenir à rétablir l’équité sociale ? Celui qui râle contre la violence des manifestants qui détruisent des emplois? Celui qui écœuré considère qu’il n’y a plus rien à perdre et prône l’antisystème ou la révolution ? Celui qui s’insurge contre un porte-monnaie insuffisamment rempli à partir du 15 du mois? Celui qui pleure, qui crie, qui panique, qui renonce, qui dénonce, qui se montre agressif ?
L’étude des processus émotionnels nous indique une loi émotionnelle incontournable. Le ressenti est incontestable pour celui qui l’éprouve! D’ailleurs, tous les conflits naissent de la contestation du ressenti de l’autre.
Or, le ressenti est une “altération” de la réalité! C’est une perception élaborée selon notre propre prisme émotionnel.
Et la raison?
Elle nous permet de légitimer notre ressenti. Elle nous guide dans la recherche de faits, de preuves qui accréditent notre scénario émotionnel intérieur!
Dans certains cas, la discussion devient impossible. Le ressenti s’impose à chacun comme étant la réalité, voire la vérité, absolue!
L’émotion nourrit et légitime notre idéologie, nos valeurs et nos convictions. Ce ressort est le fruit de notre histoire, des expériences émotionnelles fortes que nous avons vécues, subies: abandon, rejet, trahison, humiliation, perte, imposture, … Ces blessures étayent une estime de soi plus ou moins solide.
L’aide que nous avons eue, le réconfort, le soutien, la reconnaissance, ou à l’inverse l’isolement, la critique, l’indifférence ou la désapprobation sont autant de repères qui contribuent à forger nos personnalités, nos croyances, nos représentations d’un monde que l’on peut considérer comme exaltant, tranquille, apaisant ou inquiétant, dédaignant, menaçant!
Dans ce nouveau monde où l’émotion est jetée au-devant de la scène, il y a une contagion émotionnelle que les réseaux sociaux favorisent. Celles et ceux qui se “croyaient” isolés dans leur perception d’un monde insupportable, se retrouvent, se comprennent et se soutiennent. Ce qu’ils pouvaient minimiser jusque-là comme une injustice locale, prend une tournure de réalité partagée. Et là, c’est comme une révélation instantanée!
La force de l’émotion ressentie est étroitement corrélée à l’intensité du préjudice ou de la menace perçue, voire des deux quand colère et peur fusionnent.
Le cocktail émotionnel peut être détonnant! Le système très solide, déforme la perception de la réalité extérieure pour qu’elle se conforme à celle de son propre monde intérieur.
Si le monde intérieur est menaçant; le monde extérieur l’est aussi (l’Europe qui dissout l’identité locale, le migrant qui envahit les espaces, la finance qui domine le monde, les gouvernants qui décident pour le peuple, …)!
Si le monde intérieur s’est construit sur des préjudices lourds ; le monde extérieur nous confronte sans cesse à nos préjudices antérieurs et c’est insupportable (le rejet familial, la violence du foyer, l’indifférence d’un parent, la privation d’études, l’obligation de s’ajuster à une autorité arbitraire, …)
Voici donc de nouvelles formes de pathologies: les pathologies de l’émotion.
L’émotion est le lion dont nous sommes le dompteur. Chacun invente le manuel au gré de son histoire et s’en débrouille comme il peut. Ce lion en grandissant devient un animal de compagnie plus ou moins docile…
Dans les pathologies de l’émotion, ce lion s’est muté en fauve et prône l’instinct et la survie! Il décuple la perception des moindres failles, incohérences, contradictions, gâchis et autres imperfections du monde.
L’émotion agit comme un système de réalité augmentée!
Elle insère dans la réalité des éléments. Ils se superposent et transforment l’expérience vécue. Chacun de nos sentiments, états, ressentiments, sensations agissent comme autant de filtres qui modifient l’image perçue.
Si le ressenti est incontestable, alors ne cherchons pas à convaincre celui dont l’opinion est contraire.
Plus cette opinion est affirmée, moins elle est négociable! Fatalité ?
Soignons nos blessures émotionnelles, ce sont elles qui construisent ces couches de sédiments qui nous protègent comme elles nous entravent.
L’émotion est une source d’énergie qui, bien canalisée, nous réconcilie d’abord avec nous-mêmes puis avec les autres!
Le champ est libre pour l’essor de nouvelles approches de cohésion sociale!
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