En quelques années, Huawei et ses compatriotes sont devenus les nouveaux géants du mobile dans le monde, à travers une stratégie bien huilée et surtout parfaitement adaptée aux besoins occidentaux.
Dans les années 2000/2010, le finlandais Nokia régnait sans partage sur le marché des mondial des mobiles, suivi par des acteurs comme Samsung (Corée du Sud), Motorola (Etats-Unis), Blackberry (Canada). Aucun fabricant chinois n’était présent. Moins d’une décennie, ce tableau a complètement été bouleversé.
Nokia, Motorola, BlackBerry, ces stars ont disparu du radar, tandis que Samsung s’est hissé en tête des ventes sans oublier Apple et ses iPhone. Mais le vrai changement est la montée en puissance des acteurs chinois qui sont devenus en quelques années incontournables dans le Top 10.
Au troisième trimestre de cette année, les ventes combinées des acteurs chinois représentent 145,5 millions d’unités soit une part de marché globale de 41%. Un poids considérable, sans précédent. Quatre acteurs de l’Empire du Milieu sont désormais dans le Top 10 mondial des vendeurs.
C’est le géant Huawei qui a le poids le plus lourd avec une part de marché de 16% et une croissance de ses ventes à deux chiffres depuis plusieurs trimestres. Il s’est offert le luxe de dépasser Apple pour lui prendre la seconde place mondiale et de progresser dans un marché mondial qui a tendance à saturer.
Il est aujourd’hui rejoint par des acteurs très agressifs comme Xiaomi et Oppo qui entendent dupliquer le carton du pionnier.
Comment ce dernier est-il parvenu à ce niveau en si peu de temps ? Pour être honnête, c’est un autre acteur chinois qui a ouvert la voie : ZTE.
4 acteurs chinois dans le Top 10 mondial
Le fabricant débarque en Europe et en France dans les années 2010. Pour autant, sa stratégie ne fonctionne pas : ZTE décide d’attaquer ces marchés par le bas, notamment en proposant des terminaux en marque blanche auprès de partenaires.
La demande n’est pas au rendez-vous et ZTE abandonne petit à petit ses ambitions occidentales, plombé également par un manque de notoriété. Ce qui n’est pas le cas de Huawei qui relance l’offensive chinoise en Europe.
Cette fois, la stratégie est bien différente puisque le groupe parie justement sur la montée en gamme et la notoriété de marque via de massifs investissements marketing et publicitaires. Huawei se concentre en effet sur des smartphones de plus en plus premiums en insistant notamment sur l’innovation dans la photo.
Bonne pioche, les capacités photographiques des smartphones sont en tête des attentes des consommateurs. Huawei passe même un partenariat avec la prestigieuse firme Leica pour le développement de lentilles.
« Huawei a profité de différents facteurs en Europe », souligne Roberta Cozza, analyste au sein du cabinet Gartner. « D’abord, les consommateurs européens sont les plus enclins à essayer de nouvelles marques. Ensuite, le fabricant s’est appuyé sur l’essor des ventes de smartphones en dehors du circuit des opérateurs qui ont désormais moins de poids dans la distribution de terminaux. Enfin, et c’est sûrement le principal, Huawei offre des spécifications techniques semblables à des fabricants très premiums mais avec un prix bien inférieur et ils sont capables de s’adapter très vite aux demandes des marchés locaux et c’est un point essentiel pour le time to market ».
En quelques années, le fabricant s’offre ainsi la place de spécialiste des photphones de qualité et booste sa notoriété qui était égale à zéro à son arrivée, tout en proposant du milieu de gamme très qualitatif qui lui permet de faire du volume et de manger la laine sur le dos de Samsung dont les ventes baissent depuis plusieurs trimestres.
Résultat des courses, Huawei génère désormais 70% de ses ventes hors de Chine. « Huawei progresse partout sauf en Amérique du Nord et est particulièrement puissant en Europe », commente Zaker Li, analyste chez IHS Markit. En l’espace de cinq ans, le constructeur a multiplié ses ventes de smartphones par cinq, bondissant de 29,1 millions de terminaux en 2012 à 153 millions en 2017. Et sa montée en gamme lui permet de soigner sa rentabilité contrairement à de nombreux autres fabricants. Dans un marché proche de la saturation, la croissance des ventes ne peut en effet plus être l’unique priorité du fabricant.
Ventes multipliées par 5 en 5 ans
Huawei profite du dynamisme du marché chinois pour attaquer l’Europe, stratégie maintenant appliquée par Xiaomi, désormais numéro 4 mondial qui après avoir attaqué l’Inde avec succès (2e marché mondial, 27% de parts de marché), prend position en Europe, en se concentrant également sur le premium. « Les grands fabricants chinois ne font plus de copies bas de gamme des succès internationaux. Ils sont même à la pointe des innovations. Donc oui, Xiaomi a la capacité d’obtenir le même succès et c’est même bien parti : ils font déjà partie des leaders en Espagne et en Italie », commente Roberta Cozza.
Internationalisation et montée en gamme sont donc les deux leviers actionnés par ces acteurs pour conquérir des parts de marché. Mais comme dans tout secteur, rien n’est acquis (demandez leur avis à Nokia, HTC, Motorola…)
Les fabricants chinois vont ainsi devoir relever un certain nombre de défis. Il y a d’abord la stagnation voire la baisse de la demande mondiale. Ainsi, les livraisons se sont repliées au troisième trimestre de 3,3% à 354,8 millions d’unités après un recul de 2,1% entre avril et juin. Sur les neuf premiers mois de l’année, les ventes dépassent le milliard d’unités mais sont en baisse de 1% sur un an.
« C’est vrai mais à l’heure actuelle, Huawei gagne des parts de marché sur ses concurrents et c’est là l’essentiel pour eux. Et c’est Samsung qui en souffre le plus », nuance la spécialiste.
Il y a également la question de la sécurité. Huawei est ainsi régulièrement accusé aux Etats-Unis de se livrer à de l’espionnage à travers ses équipements réseaux (ceux vendus aux opérateurs pour déployer leurs antennes). Les autorités appellent ainsi à son boycott. Conséquence, Huawei en particulier et les chinois en général ont bien du mal à pénétrer le marché américain des terminaux, ce qui pourrait freiner leur expansion internationale.
« Ca ne sera en effet pas facile pour eux aux Etats-Unis, ils ont donc un vrai besoin de poursuivre leur internationalisation ailleurs, en attaquant notamment de nouveaux marchés européens », souligne Roberta Cozza.
Avec bfm