Permettez-moi tout d’abord de dire combien je suis honorée d’avoir été invitée à prononcer la leçon inaugurale à ce colloque international sur la contribution du secteur privé à la relance économique.
Avant tout propos, je voudrais traduire les chaleureuses salutations de SEM Alassane OUATTARA, Président de la République Côte d’Ivoire à son frère et Ami SEM Rock Marc Christian KABORE, Président du FASO.
Qu’il me soit également permis de remercier, au nom du Gouvernement de Côte d’Ivoire, Monsieur Paul Kaba THIEBA, Premier Ministre burkinabè et tout le Gouvernement pour l’invitation, l’accueil chaleureux, la cordiale hospitalité et toutes les facilités dont nous avons pu bénéficier, mon collaborateur et moi, au cours de cette mission. C’est toujours pour moi un plaisir renouvelé de me retrouver dans ce beau pays avec lequel mon pays entretient des liens séculaires.
Mes remerciements s’adressent aussi au comité scientifique et aux organisateurs du présent colloque qui m’ont fait l’insigne honneur de m’associer à cette importante manifestation intellectuelle pour poursuivre la réflexion sur les solutions pour la transformation socio-économique de nos pays.
Permettez-moi enfin, de remercier et féliciter particulièrement Monsieur Harouna KABORE, Président du Think Tank Burkina International ainsi que toute son équipe pour avoir initié ce colloque de réflexion et de partage d’expériences. Il est heureux de constater que ce type d’initiative a fortement contribué à la transformation structurelle des Pays de l’Asie du Sud-Est à travers une orientation de la réflexion stratégique et de la recherche vers l’innovation et la créativité en relation avec les objectifs stratégiques de développement des Etats.
Excellence, Distingués Participants,
Il m’a été demandé d’introduire le présent colloque par une réflexion sur “la contribution des acteurs du secteur privé pour la relance économique : enjeux et mécanismes pour un partenariat gagnant-gagnant”. Ce sujet est d’importance, car c’est principalement le secteur prive qui crée la richesse. De ce fait, ce sujet et est d’une actualité constante, car la problématique du développement secteur privé est en permanence au cœur des stratégies de développement de nos pays.
Le secteur privé a en effet joué un rôle crucial dans les récentes performances économiques et la résilience des économies africaines qui ont connu, sur plus d’une décennie, un taux de croissance annuel moyen du PIB supérieur à 5%.
A l’échelle africaine, le secteur privé représente en effet plus de 80% de la production totale, les deux tiers des investissements, les trois quarts des crédits accordés à l’économie. Ce secteur emploie 90% de la population en âge de travailler et en situation d’emplois.
C’est dire toute la place que ce secteur occupe dans le développement économique et social de nos pays et dans la réduction de la pauvreté.
Pourtant, les situations de crises aigues se soldent très souvent par le ralentissement de l’activité économique, la destruction des infrastructures socio-économiques et du potentiel de production, et la dégradation de l’environnement sécuritaire. Ceci a pour effet d’accentuer le déficit de l’offre des services sociaux de base, et d’accroître les difficultés d’accès des populations auxdits services, tant au plan géographique que financier. Il en découle une aggravation de la pauvreté, du chômage et de l’insécurité.
C’est pourquoi mon bref propos, qui s’inspirera principalement de l’expérience de mon pays qui, après avoir connu une situation de crise profonde, va s’engager dans un processus de reconstruction et de relance économique. Il s’articulera autour des points suivants : De la nécessité de créer un environnement favorable à l’éclosion du secteur privé, principal créateur durable de richesses, les réformes sectorielles et les programmes spécifiques, le financement du secteur privé et des PME, l’appui à la construction d’un secteur privé national fort et dynamique, le rôle du secteur privé dans la relance économique: le cas de la Cote d’Ivoire et les programmes d’accompagnement dans le cadre d’un dialogue permanent avec le secteur privé responsable et structuré.
Excellence, Mesdames et Messieurs,
1. En ce qui concerne la nécessité de créer un environnement favorable à l’éclosion du secteur privé ;
Permettez-moi, de rappeler que c’est aux gouvernants qu’il revient de créer les conditions de la prospérité de l’économie. Dans ce cadre, le leadership de l’Etat développementaliste en matière économique doit s’articuler autour de plusieurs actions majeures visant la création d’un cadre macroéconomique favorable à l’exercice de l’activité privée, notamment:
– la création d’un environnement de paix, de sécurité et de cohésion sociale,
– la mise en place d’un cadre juridique et réglementaire sain qui protège le citoyen mais également l’investisseur,
– la promotion de la bonne gouvernance,
– la maitrise du déficit budgétaire public A cet égard, un déficit élevé, non financé par le système bancaire, conduit à une accumulation d’arriérés vis à vis des fournisseurs intérieures, ce qui plombe le secteur privé national,
– une inflation maitrisée,
– des investissements ciblés autour des infrastructures sociales que sont l’éducation, la santé et l’eau potable,
– enfin, la d’infrastructures de soutien à l’investissement, notamment les infrastructures de transport, l’énergie, et les TIC.
A cet égard, le processus de planification, en tant que référentiel national des interventions de l’État et de ses partenaires, devrait être suffisamment inclusif afin de mobiliser toutes les énergies nationales, et requérir le soutien des partenaires au développement. Il devrait permettre de hiérarchiser et de prioriser les projets et programmes de la relance économique. Enfin, le PNDES devrait s’exécuter dans le cadre d’un budget annuel qui reflète les priorités du plan d’émergence.
Excellence, Mesdames et Messieurs,
C’est le lieu pour moi de saluer le leadership et la vision des plus hautes autorités du FASO qui ont élaboré un plan consensuel autour des réalités socio-économiques du pays.
Le Plan National du Développement Economique et Social (PNDES) en tant que référentiel national des interventions de l’État et de ses partenaires sur la période 2016-2020, vise une croissance cumulative du revenu par habitant à même de réduire la pauvreté, de renforcer les capacités humaines et de satisfaire les besoins fondamentaux, dans un cadre social équitable et durable.
Ce plan de 15.000 milliards, devrait favoriser la transformation structurelle de l’économie du Burkina Faso, par la construction d’un tissu industriel compétitif et durable. Il devrait permettre ainsi la création d’une économie dynamique qui s’appuie sur une classe moyenne émergente qui elle-même devra avoir un accès durable aux biens de consommation et constituer à la fois le levier de l’émergence économique.
2. Les réformes sectorielles
Elles devraient se décliner en mesures et programmes spécifiques et porter principalement sur :
− L’élaboration de codes sectoriels qui viendraient en complément du code des investissements en vue d’accroitre l’attractivité des secteurs vis à vis de l’investissement privé. Les secteurs concernés sont les mines, l’énergie, l’eau potable, les TIC. Pour sa part, mon pays a révisé les codes de tous secteurs spécifiques et sensibles pour le soutien à l’investissement, après avoir adopté en 2012 un code des investissements général plus attractif.
− L’amélioration de l’environnement des affaires, communément appelé “Doing business”: il s’agit essentiellement de reformes relatives à ;
• la consolidation de la paix et de la sécurité ;
• l’approfondissement des réformes macroéconomiques ;
• l’efficacité des services publics ;
• la réglementation en faveur des activités économiques et ;
• la qualité de l’offre des infrastructures économiques et sociales.
En particulier, les réformes sur l’efficacité des services publics devront porter sur l’efficacité de l’administration et des structures parapubliques, la qualité de la justice et de l’exécution des contrats ainsi que de l’efficacité de l’administration foncière.
• Les réformes pour une meilleure efficacité des services publics doivent ainsi être conduites plus spécifiquement en matière le foncier, de permis de construire, de création d’entreprise, de dématérialisation des actes administratifs, etc.) ;
• les exonérations d’impôts, les remboursements de crédits de TVA, les zones franches, sont autant de mesures visant à améliorer la compétitivité de l’économie, consacrant ainsi le rôle d’instrument de politique économique de l’impôt;
• les bureaux d’information et de crédit.
Vous le voyez, certaines des reformes sont déjà initiées dans le cadre de l’UEMOA, espace économique qui offre aux investisseurs de nos pays un vaste marché.
3. Le financement
Dans le cadre de leurs missions, les partenaires au développement multilatéraux que sont le FMI, la BM, la BAD, et l’UE ont fortement accompagné la reconstruction et la relance économique de la Côte d’Ivoire. Ils ont été appuyés par les partenaires bilatéraux, notamment la France qui a mobilisé d’importantes ressources dans le cadre du C2D. Il faut dire que notre pays s’est rapidement engagé dans un programme de réformes avec le FMI, après l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE qui a libéré ses marges d’endettement.
L’on notera toutefois une réduction substantielle de l’APD, les partenaires proposant une amélioration de nos capacités à mobiliser l’impôt.
Or, les efforts de reconstruction nécessitent des investissements importants susceptibles de détériorer les ratios de la dette. C’est pourquoi, les Etats africains développent de plus en plus des partenariats Publics Privés en vue de soutenir leurs efforts d’investissement. Ces PPP peuvent bénéficier de l’accompagnement de l’Etat dans la mobilisation des ressources pour les projets importants et stratégiques.
Ils peuvent bénéficier des approches innovantes de financement du secteur privé souvent portées par la SFI, le MIGA, et les guichets prives de la BAD et de la BID. Ces approchent ne nécessitent pas nécessairement une garantie directe de l’Etat, et n’impactent pas l’endettement.
Une revue des expériences de certains pays asiatiques comme la Malaisie montre qu’ils ont fortement impliqué le secteur privé dans le processus de transformation structurelle à travers un fort partenariat Etat-secteur privé.
Cette implication du secteur privé dans le financement du programme de transformation structurelle a permis à l’Etat de consacrer ses ressources limitées aux services sociaux de base et de maintenir ainsi la dette à un niveau soutenable.
Si les PTF accompagnent la mobilisation des ressources pour le développement de nos pays, la collecte d’une épargne nationale consistante, particulièrement l’épargne privée est essentielle au financement de la relance économique. Le relèvement substantiel du taux de bancarisation, le développement de la culture bancaire et le e-banking devraient y contribuer.
En ce qui concernent les PME/PMI, bien que forment créatrices d’emploi, elles rencontrent des difficultés a se financer auprès des banques locales. Des instruments de financement adaptés se développent pour répondre à leurs besoins: ce sont entre autres, les leasings, les mécanismes de garantie partielle ou totale, les fonds d’investissements privés, les fonds souverains, les programmes de préfinancement des factures des PME, les obligations émises à l’intention de la diaspora, etc.
Excellence, Mesdames et Messieurs,
4. L’appui à la construction d’un secteur privé national fort et dynamique
Pour promouvoir une croissance inclusive et durable susceptible de réduire la pauvreté, les inégalités et le chômage des jeunes, il faut un secteur privé dynamique dans lequel les Petites et Moyennes Entreprises (PME) prospèrent aux côtés des grandes entreprises.
− l’appui à la construction d’un secteur privé fort va au-delà du financement. A cet égard, il convient de développer des programmes d’appuis spécifiques aux PME/PMI, qui pourraient porter sur :
− la professionnalisation, par la formation et l’aide à la gestion,
− la fiscalité,
− les mesures spécifiques de soutien tel que le dédommagent de victimes de casses
− le renforcement du dialogue Etat Secteur privé. Dans le cas de mon pays, ce dialogue a été institutionnalisé et se tient tout au long de l’année, sous la présidence du MEF. Les arbitrages sont du ressort du PM.
En contrepartie de l’appui de l’Etat, il est attendu du secteur privé
− qu’il assumer pleinement ses responsabilités en saisissant toutes les opportunités offertes par l’Etat.
5. le rôle du secteur privé dans la relance économique: le cas de la Cote d’Ivoire
A titre illustratif, en Côte d’Ivoire, après la décennie de crise, le Gouvernement a renoué avec sa tradition de planification et l’a mise au cœur de l’action publique. Ainsi, depuis 2011, le Gouvernement a engagé un ambitieux programme de relance économique conformément à la grande vision du Président de la République, Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA, de « faire de la Côte d’Ivoire, un pays émergent à l’horizon 2020 ».
L’objectif visé est de favoriser une croissance économique forte, soutenue et inclusive, permettant une réduction rapide de la pauvreté.
Ce programme a permis d’enregistrer des progrès rapides et importants en matière de paix et de sécurité, de réconciliation nationale et de cohésion sociale ainsi que de reconstruction nationale et de relance économique.
Les résultats enregistrés depuis cinq (5) sont remarquables à bien des égards :
• Au niveau économique, la Côte d’Ivoire est devenue aujourd’hui, l’une des économies les plus dynamiques d’Afrique Subsaharienne, voire du monde avec une croissance moyenne annuelle de 9% sur la période 2012-2015.
• Cette forte croissance est liée à la bonne dynamique de l’ensemble des secteurs, notamment la production agricole, les investissements publics et privés et les services bénéficiant de la montée d’une classe moyenne urbaine.
• On note ainsi une croissance importante des exportations (7,6% en 2015), de la consommation finale (10,6% en 2015) et des investissements qui sont passés de 9% du PIB en 2011 à 20% en 2015.
• Ces résultats ont été obtenus dans un contexte budgétaire sous contrôle, avec un déficit budgétaire de 2,9 % en 2015, et un taux d’endettement soutenable, évalué à 41,3 % du PIB à fin 2015, pour une norme UEMOA établie à 70 % du PIB.
• Ces performances économiques se sont traduites par un accroissement de plus de 25% du revenu réel par habitant, dans un contexte d’inflation maitrisée en dessous de la norme communautaire de 3%.
• Au niveau social et humain, les dépenses pro-pauvres sont passées de 1 080,3 milliards FCFA en 2012, à 1 337 milliards FCFA en 2013 et à 1 521 milliards FCFA en 2014 et à 1 716 milliards FCFA en 2015 et à environ 1998,5 milliards de FCFA en 2016, soit une hausse de 84,9% sur la période.
• les importants investissements réalisés ont ainsi permis la nette amélioration de l’accès des populations à de nouvelles infrastructures économiques et sociales essentielles dans les domaines de la santé, de l’éducation, du logement, de l’eau potable, de l’assainissement et de l’électricité. Concernant le secteur de l’électricité, la capacité de production est passée de 1421 MW en 2012 à 2000 MW en 2015. La Côte d’Ivoire approvisionne plusieurs pays de la sous-région en électricité et ambition de devenir un hub énergétique.
Comme vous le voyez, le secteur privé a été le principal moteur de la croissance économique à travers d’importantes réformes structurelles et sectorielles mises en œuvre pour améliorer rapidement l’environnement des affaires. Les investissements publics ont été fortement soutenus par la mise en œuvre de partenariat Publics Privés (PPP). Ainsi, en moyenne 63,4% des investissements globaux réalisés sur la période 2012-2015 proviennent du secteur privé.
Excellence, Mesdames et Messieurs,
Pour conclure, l’on notera que la problématique de l’inscription du développement du secteur privé au cœur de la relance économique implique la levée des principaux freins à son développement, à savoir, l’environnement juridique et réglementaire, le développement des infrastructures, l’accès aux financements, le développement du capital humain et des compétences, le développement de l’entrepreneuriat et le gouvernement d’entreprise.
C’est pour y répondre que le Gouvernement du FASO s’est engagé résolument à accorder la priorité aux actions nécessaires au renforcement de la justice, de la sécurité au plan national, la réduction de la fracture énergétique, le développement du capital humain et de la recherche, la promotion des technopôles, le développement de zones économiques spéciales, des énergies vertes et renouvelables et la mise en place des infrastructures socio-économiques nécessaires au développement de l’initiative privée.
Dans la même dynamique, d’autres mesures prometteuses portent sur la mise en place d’un environnement favorable au développement du secteur privé, la mise en œuvre de mesures incitatives en direction du privé pour réaliser des logements sociaux, le développement de l’économique numérique, la promotion du partenariat public privé, le développement des infrastructures de transport et d’énergie, la création d’une banque agricole et d’une banque dédiée aux PME/PMI, la promotion du capital/investissement et la formalisation de l’économie informelle etc.
Ces actions permettront sans aucun doute, de faire face au diagnostic de l’économie fait par Monsieur le Premier Ministre dans sa déclaration de politique générale, notamment le déficit important de productivité et de compétitivité lié, à la faible qualification de la main d’œuvre, à la faible disponibilité et au coût élevé des facteurs de production, notamment, ceux de l’énergie et des transports, ainsi que la faible disponibilité de financements adaptés pour les activités de production
Pour être porteuses, ces mesures devront être renforcées par le règlement diligent de la question de la dette intérieure et des mesures d’indemnisation des entreprises victimes des casses et des pillages.
Le renforcement de la lutte contre le terrorisme dans une dynamique régionale contribuera à consolider l’environnement sécuritaire favorable à l’attraction des investissements privés.
Par ailleurs, le développement des infrastructures dans le cadre de l’intégration régionale, notamment projets de production et surtout d’interconnexion électrique permettra de réduire progressivement l’une des contraintes les plus importantes à la création des industries de transformation.
Les investissements important du PNDES nécessiteront une optimisation du potentiel fiscal à travers l’élargissement de l’assiette fiscale, la gestion rationnelle des exonérations et le renforcement de l’administration de l’impôt.
Enfin, le développement du secteur privé permettra de réussir incontestablement la création d’emplois décents et rémunérés. Ce défi devra être relevé avec l’accompagnement des Etats par les entreprises privées en remplacement d’une fonction publique saturée.
Dans ce cadre les entreprises devront remplir convenable leurs obligations sociétales.
Telles sont, Excellence Mr le Président du Faso, les convictions que je voudrais partager avec cette auguste assemblée.
Je vous remercie de votre aimable attention.