Avec la contribution d’experts, La Tribune Afrique a étudié les scénarios les plus plausibles pour une libération provisoire ou définitive de l’ancien président ivoirien.
Résident d’un pays européen…
Plus de six ans à Scheveningen avec une santé fragile ! Le délai d’une détention préventive est largement dépassé, mais la Cour a toujours invoqué un «risque de fuite» pour refuser 13 demandes de liberté de Laurent Gbagbo. En appel, le juge polonais Piotr Hofmanski a enjoint la Cour de revoir les «erreurs» sur sa copie. Une quatorzième demande de liberté provisoire déposée par ses avocats a été refusée depuis.
Un temps étudiée par la Cour, l’hypothèse d’une liberté provisoire est assujettie à la condition de consentir à résider dans un pays européen membre de la CPI. Selon les indiscrétions recueillies par La Tribune Afrique, Laurent Gbagbo préférerait la Belgique, voisine des Pays-Bas, aux côtés de sa femme.
Sur les traces de Kenyatta…
Vers un remake du schéma kényan dans le cas Gbagbo ? Laurent Gbagbo pourrait être le second président à repartir libre de la CPI par abandon des charges comme dans le cas Kenyatta. La procédure, motivée», doit être à l’initiative de l’accusation, donc de la procureure.
5 décembre 2014, après un ultimatum des juges, Fatou Bensouda avait reconnu ne pas avoir assez de preuves «pour prouver, au-delà de tout doute raisonnable, la responsabilité criminelle présumée d’Uhuru Kenyatta» dans les crimes contre l’humanité présumés après l’élection présidentielle de décembre 2007. Autre possibilité, la procureure peut aussi choisir de suspendre les charges pour les requalifier ou en retenir de nouvelles.
Le vice de procédure
Les révélations de Mediapart donnent un nouveau tournant au procès. Document confidentiel du Quai d’Orsay à l’appui, le site d’investigation révèle que c’est grâce à un «montage» que Laurent Gbagbo a été incarcéré, puis livré à la CPI. En janvier 2011, au cœur de la crise postélectorale ivoirienne, le procureur Luis Moreno Ocampo -dont Fatou Bensouda était l’adjointe- souhaite que les forces loyales à Alassane Ouattara maintiennent en détention Laurent Gbagbo en attendant de pouvoir le traduire devant la CPI.
Sans mandat d’arrêt ni saisine du procureur, c’est donc une «accusation biaisée» qui sert de base à toute la procédure. Un «vice de procédure» auquel la CPI peut s’accrocher pour mettre fin aux poursuites. Cela permettrait sans doute à l’institution basée à La Haye de sauver ce qui reste de son capital de crédibilité.
Acquitté à la fin du procès
Autre possibilité de voir Laurent Gbagbo quitter Scheveningen, l’acquittement à la fin d’un procès qui s’éternise depuis plus de deux ans. Si l’on compte l’appel, il faudrait attendre, en plus des six ans de détention de l’ancien président, entre trois à quatre ans avant de voir la Cour rendre un verdict qui pourrait se solder par un acquittement.
Le Conseil de sécurité suspend la procédure
La CPI, émanation d’une volonté de l’ONU, peut mettre fin à la procédure sur injonction de son Conseil de Sécurité (C.S.), chargé du maintien de la paix dans le monde. Des menaces sur la stabilité de la Côte d’Ivoire et ses conséquences géopolitiques dans la région sont des motifs suffisants.
Le C.S. peut aussi évoquer l’impossibilité pour la CPI d’enquêter sur tous les crimes de la grave crise post-électorale 2010-2011 qui a fait 3 000 morts et de nombreux réfugiés. Reste alors la question de l’impunité de certains auteurs d’exactions et de possibles crimes, lors de cette crise, qui n’ont pas été inquiétés, pire, promus.
Le scénario d’un coup de frein onusien à la procédure serait toutefois un aveu de responsabilité de l’ONU qui a octroyé un mandat pour une intervention française en Côte d’Ivoire. Il faudra espérer que la France dont on pointe la responsabilité ne pose pas son véto. L’espoir de voir Laurent Gbagbo humer l’air de la liberté ne tient peut-être qu’à une voix près.
Avec la tribune afrique