ENTRETIEN EXCLUSIF. 18 mois après ses déclarations à Médias24 où il dévoilait ses ambitions en Chine, le président du groupe BMCE revient sur l’état d’avancement de ses investissements. Tanger Tech, Fonds africain d’investissement, banque d’affaires et assurance en Chine, réseau bancaire en Afrique et au Maroc, Tour BMCE, internet, Othman Benjelloun fait le point pour 2018.
Médias24: Quelle est l’actualité de votre groupe en 2017 et pour 2018?
Othman Benjelloun: En 2017 et 2018, elle est principalement axée sur le développement de nos activités, bancaires et autres, en Chine et en Afrique.
D’abord, le développement de la cité Mohamed VI “Tanger Tech” lancée par Sa Majesté. Nous avons déjà obtenu des résultats probants avec plusieurs conventions signées en décembre dernier et notamment celle avec le groupe BYD (Build your dreams) qui va s’établir dans la ville du détroit.
La raison sociale de cette société chinoise est éloquente sachant qu’en plus, c’est l’une des plus importantes au monde concernant l’électrification des véhicules (voitures, camions …).
A elle seule, elle va occuper 50 hectares de la future cité industrielle (30 couverts et 20 à ciel ouvert pour le stockage), ce qui est énorme en termes de superficie d’installation.
Il y a plusieurs autres projets en cours que je ne peux pas vous décrire dans le détail mais la dynamique d’installation des entreprises chinoises à Tanger, à laquelle nous contribuons, est bel et bien enclenchée.
L’autre axe de notre développement en 2018 est l’Afrique. Le réseau du groupe BOA (Bank of Africa) s’est élargi en 2017 avec l’obtention d’une licence bancaire au Cameroun. Nous négocions également l’ouverture de nouvelles banques en Afrique australe et devrions à fin 2018 planter notre drapeau dans cinq nouveaux pays dont l’Afrique du Sud et le Zimbabwe …
Cette stratégie d’augmentation des investissements en Afrique permet le développement des résultats de BOA qui affiche une bonne santé financière d’année en année. En fonction des aléas, le groupe enregistre une croissance comprise entre 1 et deux chiffres. BOA a 5.300 salariés sur le continent et dans les années à venir, nous passerons à 10.000 puis 20.000 salariés africains.
L’Afrique est notre priorité car la réintégration du Maroc dans sa famille de l’UA et les négociations politiques avec la CEDEAO, vont entraîner des belles répercussions économiques pour nos activités.
-Pour la CEDEAO, ce n’est pas encore joué?
-C’est pour très bientôt. Etre partenaire avec ce groupe de 360 millions de consommateurs, est une belle opportunité. Pour notre groupe, ce n’est pas que des habitants car dès que les bébés naissent, il faut les accompagner en leur fournissant du lait, des langes, des habits, des médicaments … Au final, c’est plus qu’un marché commun que nous allons intégrer.
Le groupement professionnel des banques du Maroc GPBM que je préside est mêlé de près aux négociations qui devraient bientôt aboutir.
-Et au Maroc?
-Nous y sommes très présents. Nous multiplions notre réseau d’agences et sommes à l’origine, avec nos confrères, d’un taux de bancarisation qui dépasse désormais les 70%.
C’est extraordinaire sachant que dans certains pays d’Afrique, il atteint à peine, entre 5 à 7%. Certains sont à 20-25% mais le Maroc est un des meilleurs élèves du continent.
-Où en est l’ouverture de votre banque en Chine prévue au départ en 2017?
-Cette succursale banque commerciale et d’affaires sera basée à Shanghai. Nous avons fini par obtenir une licence de banque universelle alors que jusque là, nous n’avions qu’un simple bureau de représentation à Pékin qui avait ouvert en 2000.
Il n’a pas été aisé de l’obtenir du régulateur (Banque centrale chinoise) qui est très sévère en termes d’attribution mais aujourd’hui, tout est en ordre.
Notre banque sera opérationnelle en septembre ou octobre 2018. Nous avons déjà des équipes sur place qui travaillent pour préparer son ouverture.
-Qu’en est-il du fameux fonds d’investissements africain?
-C’est un fonds sino-marocain dans lequel un organisme étatique chinois qui gère des milliards de dollars est le partenaire du groupe BMCE.
Il faudra attendre le milieu de l’année 2018 pour vous donner davantage de nouvelles mais lors du dernier forum Maroc-Chine qui s’est déroulé à Marrakech, le président chinois de ce fonds était très positif pour étendre son développement au Maroc et en Afrique.
-Quelle sera votre quote-part avec China Bank Développement dans ce fonds?
-Je vous donnerai des chiffres précis dans quelques mois car dans ce genre d’opérations, il importe d’avoir l’autorisation préalable des autorités monétaires des deux côtés. Il est toujours prévu qu’il passe de 1 milliard de dollars à 10 milliards dans quelques années.
-Selon nos informations, le siège qui va gérer la cité industrielle chinoise de Tanger sera localisé à Casablanca pas loin de vos locaux de la BMCE…
-Nous avons créé une société pour le développement de ce projet. Ce projet s’étendra sur 2.000 hectares et sera complètement finalisé dans les 10 années à venir. Cette société a effectivement son siège à Casablanca mais le siège opérationnel sera à Tanger pour recevoir les investisseurs.
-RMA Wataniya a obtenu sa licence d’assurances en Chine?
-Nous sommes toujours en pourparlers avec le régulateur chinois pour l’obtention d’une licence avec des partenaires assureurs chinois et étrangers.
Comme rien n’a encore été approuvé, je préfère ne pas me prononcer même si nous espérons que ce soit pour 2018. C’est une procédure qui requiert beaucoup de temps mais la particularité de notre groupe est de prendre des risques partout dans le monde où il investi. Alors que tout le monde mise sur la prudence, BMCE Group prend des risques pour se développer.
-Avez-vous toujours l’intention d’accueillir un partenaire chinois dans votre capital?
-C’était d’actualité en 2016 mais cette volonté d’ouverture du capital n’a pas abouti car l’administration chinoise a limité ses investisseurs, en dehors de certaines opérations, à s’engager dans notre banque.
L’augmentation de capital réservée de la BMCE est en cours. Elle ne se fera pas avec des étrangers mais avec des actionnaires locaux. Vous en saurez plus très vite au mois de mars prochain après l’accord de notre conseil d’administration.
-Où en est la construction de la tour BMCE?
-La tour n’a pas encore émergé car les travaux de fondation qui viennent de démarrer depuis un mois devraient prendre 7 à 8 mois.
En dehors du chantier de construction, nous sommes très actifs pour commercialiser les locaux. Un tiers de l’édifice sera consacré à des bureaux, un autre à des appartements résidentiels de très haut-standing et le dernier aux étages supérieurs à un hôtel.
Les bureaux de la BMCE occuperont un étage sur les 50 que comportera la tour qui devrait coûter entre 4 et 5 milliards de dirhams.
-Quand sera t-elle inaugurée?
– Les accords signés prévoient 36 mois de travaux mais il est possible qu’ils accusent du retard car il y a toujours des aléas en termes de construction surtout pour un édifice de cette taille. Je pense que son inauguration aura lieu fin 2020 ou début 2021.
-Dernière question de curiosité intellectuelle, vous informez-vous par le biais d’internet?
-Je lis la revue de presse marocaine et internationale que me préparent mes collaborateurs.
Les informations en provenance d’internet qui concernent directement ou indirectement le groupe y sont bien évidemment présentes mais à titre personnel, je ne m’informe pas du tout sur mon téléphone.
Quand nous sommes en comité, mes collaborateurs ont interdiction formelle d’utiliser leur téléphone pour envoyer des messages ou surfer. On ne peut pas travailler correctement en ayant l’esprit ailleurs et en étant l’esclave de cet outil même s’il peut être positif.
Dans notre groupe, plusieurs termes sont bannis de notre lexique. Il est interdit de dire les mots impossible, fatigue, retraite et c’est valable pour tout ce qui a une connotation négative.
Notre rôle est de rendre positif tous les facteurs négatifs et tous les matins, mes collaborateurs dessinent au stylo le signe positif pour commencer leur journée.
Ceci se ressent sur les résultats du groupe dans l’intérêt de l’économie nationale et au final, même s’il y a du négatif dans la vie, nous gagnons beaucoup à le transformer en positif .