Le changement dans la continuité. Urjit Patel deviendra, en septembre, le nouveau gouverneur de la banque centrale indienne (RBI). Il succède à Raghuram Rajan, dont il était l’adjoint. Ancien responsable du département de politique monétaire de la RBI, M. Patel ne devrait pas infléchir la politique menée par son prédécesseur, à savoir la lutte contre l’inflation.
C’est lui qui a mené les travaux de la commission de la RBI chargée de la refonte de la politique monétaire indienne. Lors de la remise de ses conclusions, en janvier 2014, M. Patel avait plaidé pour l’adoption d’un objectif d’inflation à 4 %, avec une marge d’écart de 2 points, et la création d’un comité chargé de fixer le niveau des taux d’intérêt, dont la moitié des membres seront nommés par le gouvernement.
« Signal positif envoyé aux investisseurs »
Cette nomination « indique que le gouvernement attache de l’importance aux politiques fiscales et monétaires saines, explique Navneet Munot, responsable du fonds d’investissement SBI FundsManagement, le signal envoyé aux investisseurs et aux agences de notation devrait être positif ».
La tâche qui attend M. Patel à la tête de la RBI n’est pas mince. L’Inde enregistre la croissance la plus élevée parmi les grandes économies mondiales (7,6 % lors de la dernière année fiscale 2015-2016, clos fin mars), avec l’une des inflations les plus élevées, et un gouvernement souvent réticent à l’égard de taux d’intérêt directeurs élevés.
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La politique économique du pays est sous la pression des entreprises et des ménages, qui rechignent à payer cher leurs emprunts, dont les taux avoisinent les 15 %. Et pourtant, comme l’a rappelé, fin juillet, M. Rajan, lors d’une conférence donnée à l’occasion de la « Journée de la statistique », l’inflation pèse sur le pouvoir d’achat des ménages, surtout les plus pauvres, et devient par nature hors de contrôle lorsqu’elle dépasse un certain seuil.
Menace de l’inflation
C’est ce qui s’est produit en juillet 2013 ; lorsque l’Inde, en pleine tourmente financière, avait gagné le surnom, avec d’autres pays, des « cinq fragiles ». L’inflation élevée avait fait plonger la roupie indienne et poussé les épargnants indiens à investir leurs économies dans l’or. Cela avait creusé le déficit de la balance courante. M. Rajan a non seulement contenu la hausse des prix mais il l’a aussi stabilisée.
Mais la menace de l’inflation n’a pas disparu. Après une baisse continue, de 8 % en 2015 à 6 % en 2016, une nouvelle hausse pointe à l’horizon. Les prix de gros et de détail ont augmenté au cours des quatre derniers mois. Et, en juillet 2016, les prix à la consommation ont augmenté de 6,07 %, au-delà du nouveau seuil fixé par la RBI.
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Le second grand défi de M. Patel consiste à assainir les bilans des banques publiques indiennes. Entre 2004 et 2010, lorsque l’économie du pays a atteint son pic de croissance, ces dernières ont multiplié les prêts, dont certains ont été consentis sous la pression des responsables politiques.
Bureaucrate discret
Les « créances douteuses » qui figurent aux bilans des banques indiennes ont plus que doublé en trois ans, en atteignant, en mars, les 80 milliards d’euros. Les crédits accordés aux entreprises par les banques publiques ont diminué, tandis que ceux distribués par les établissements privés ont augmenté. La preuve que la mauvaise santé des banques publiques indiennes freine la distribution de crédits, davantage que les taux d’intérêt élevés.
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La principale rupture entre MM. Rajan et Patel concerne le style. La rockstar de la finance, admirée pour avoir prédit la crise économique de 2009, cède sa place à un bureaucrate discret.
L’éditorialiste Sanjiv Shankaran, du quotidien Mint, dit de lui qu’il est « insondable » et qu’il est « le plus réticent à exprimer une opinion dans ses discours » parmi les vice-gouverneurs de la RBI. Un profil discret qui conviendra mieux aux attentes du premier ministre indien, Narendra Modi.
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Les plaidoyers pour la tolérance et la liberté de ton de M. Rajan avaient irrité le gouvernement nationaliste hindou. C’est la première fois, depuis 1992, qu’un gouverneur de la banque centrale indienne n’aura effectué qu’un mandat unique de trois ans.
M. Patel sera sans doute plus accommodant. Ex-directeur du développement du géant indien des hydrocarbures Reliance Industries Limited, réputé proche du pouvoir en place, et directeur non exécutif de Gujarat State Petroleum Corporation, qui appartient à l’Etat du Gujarat, dont M. Modi était le ministre en chef, il saura se faire discret sur les questions de tolérance religieuse et ne s’aventurera pas, comme son prédécesseur, à critiquer les « politiciens vénaux ».
avec lemonde.fr