Le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) craint que certains critères de la prochaine certification Forest Stewartship Council (FSC) rendent très difficile, voire impossible dans certains cas, l’exploitation de la forêt au Québec. «Il faut tenir compte de la réalité qui est propre au Québec», souligne son pdg, André Tremblay, dans un entretien avec Les Affaires. Il s’inquiète en particulier des futurs critères liés à la protection du caribou forestier et à la protection de la forêt boréale.
Depuis le 24 novembre, FSC Canada mène des consultations au pays afin de recueillir des commentaires sur les modififications qui seront apportées à sa certification, et ce, à compter de cet automne – les consultations se terminent le 17 février. D’ores et déjà, le CIFQ s’inquiète de la portée que pourraient avoir les nouveaux critères pour protéger le caribou forestier (une espèce menacée au Canada) et la forêt boréale (qui couvre une bonne partie de l’hémisphère Nord, du Canada à la Russie, et qui fait partie des «poumons de la Terre» avec les forêts de l’Amazone, du bassin du Congo et du sud-est asiatique).
Selon André Tremblay, la législation au Québec – et celle en gestation – accorde déjà une place importante à la protection du caribou forestier et de la forêt boréale.
FSC est une certification internationale qui garantit que les produits forestiers (bois, papier, etc.) proviennent de forêts aménagées de manière responsable. Le Canada détient le tiers des certifications accordées dans le monde, selon FSC Canada, l’organisme qui gère le label au pays. Cette certification n’est pas obligatoire. Par contre, pour l’obtenir, les entreprises forestières doivent se soumettre à des audits indépendants réguliers. FSC Canada l’accorde par usine et non pas pour l’ensemble des activités d’une société. La FSC est prisée auprès des sociétés forestières, car de grandes entreprises comme Procter & Gamble, McDonald’s, Lowe’s, Hydro-Québec ou le Mouvement Desjardins l’exigent de leurs fournisseurs de produits forestiers.
Il y a d’autres certifications dans l’industrie : la Sustainable Forestry Initiative (SFI) et la Canadian Standards Association (CSA). Des entreprises ont d’ailleurs souvent deux certifications. La FSC est cependant plus exigeante, notamment au chapitre des bonnes relations à avoir avec les Amérindiens, disent des sources de l’industrie.
À quel territoire s’appliquera-t-elle ?
La future norme exigera que 80 % de la forêt boréale au Canada soit exempte de toute activité forestière. Ce qui n’est pas clair, en revanche, c’est à quel territoire s’appliquera cette limite de protection de 80 % : à l’ensemble du territoire québécois ou à chacune des quelque 70 unités d’aménagement du territoire forestier au Québec ? «Si on applique uniquement la limite par unité d’aménagement, ce sera impossible pour les forestières de respecter ça !» laisse tomber André Tremblay.
Par contre, si on applique la limite à l’ensemble du territoire québécois, les entreprises pourront s’adapter. Selon le CIFQ, le Québec protège déjà 90 % de la forêt boréale, si on inclut les régions situées au nord de la limite septentrionale, où aucun aménagement forestier n’est autorisé.
Joint par Les Affaires, le président et chef de la direction de FSC Canada, François Dufresne, affirme qu’il est trop tôt pour dire quelle sera l’approche retenue. Par contre, il souligne l’importance de «bien cartographier» les forêts intactes au Canada, et ce, selon un consensus entre les parties prenantes. «Néanmoins, on peut dire que le but est de protéger une grande majorité de ces forêts», insiste-t-il.
Vers une approche flexible pour protéger le caribou forestier ?
Pour ce qui est de la protection du caribou forestier, l’industrie québécoise craint de devoir se soumettre à des normes qui ne tiennent pas compte de la réalité du Québec.
La future norme FSC demandera qu’il y ait une perturbation maximale de 35 % du territoire du caribou forestier. Par exemple, sur un territoire de 100 kilomètres carrés, une entreprise forestière ne pourrait exploiter que 35 % de la forêt, le reste étant réservé aux caribous.
Selon le CIFQ, cette limite de perturbation maximale de 35 % est inspirée des caractéristiques de l’environnement des caribous forestiers dans l’Ouest canadien, où les montagnes morcellent le territoire. Or, le territoire québécois n’est pas aussi morcelé, fait remarquer André Tremblay. «La réalité du Québec, c’est que les hardes de caribous peuvent se promener partout», dit-il. C’est pourquoi il estime que la limite de perturbation maximale de 35 % devrait s’appliquer à l’ensemble du territoire du caribou au Québec et non pas à des régions spécifiques.
À ce sujet, François Dufresne affirme que FSC Canada fera preuve de flexibilité. Il souligne que les caribous forestiers ne sont pas présents dans toutes les unités d’aménagement forestier au Québec et que la proposition de la nouvelle norme offre trois approches possibles afin de protéger ses habitats, ce qui laisse une certaine marge de manoeuvre aux entreprises forestières. «Selon les conditions spécifiques régionales-provinciales, une des options offertes ouvre la porte à d’autres stratégies qui pourraient, dans certains cas, réduire les impacts socioéconomiques de la mesure», précise François Dufresne.
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