Les analystes s’attendent à la faillite de Tesla d’ici la fin de l’année. Néanmoins, le constructeur américain risque d’être écarté plus tôt de la course. Que s’est-il donc passé avec cet empire automobile super technologique et pourquoi y a-t-il de moins en moins de volontaires pour le prendre en remorque?Après la clôture du premier trimestre 2018, le géant américain Tesla affichait des pertes record s’élevant à 710 millions de dollars. Après la publication du rapport trimestriel, ses actions ont chuté de 7% et sa capitalisation de près de 3,5 milliards de dollars. La production de la voiture Tesla Model 3, qui devait propulser l’entreprise dans une autre dimension, n’a pas répondu aux attentes.
Projets ambitieux
Les pertes actuelles sont les plus importantes de l’histoire de Tesla, qui, par ailleurs, n’a jamais été rentable. Les supercars électriques Tesla Roadster, Tesla Model S et Tesla Model X sont un produit de niche très éloigné de la rentabilité. Néanmoins, des actionnaires avaient cru dans cette ambitieuse start-up californienne et investi des milliards de dollars.Elon Musk tenait à persuader les actionnaires qu’il ne faudrait pas attendre longtemps. Il fabriquerait une automobile qui allait séduire le marché et permettrait de gagner de l’argent. Tel devait être le Tesla Model 3 vendu à un prix de quelque 35.000 dollars. Sa production en série a été lancée en juillet 2017. Le Tesla Model 3, la plus accessible de toutes «les automobiles de demain», était la nouveauté la plus attendue dans l’histoire de l’industrie automobile.
Six mois avant le lancement de la chaîne, le modèle avait déjà été précommandé presque 500.000 fois. Ceux qui voulaient obtenir ce modèle ont fait un dépôt remboursé de 1.000 dollars tandis que la file d’attente s’étalait sur six mois.
Sur fond de cette frénésie, Tesla a dépassé par sa valeur sur le marché d’anciens acteurs du marché de l’automobile, dont Ford et General Motors. Le président de Tesla avait alors promis que vers la fin de 2017 il aurait produit 20.000 automobiles Model 3.
Échec des plans de production
Mais tout ne s’est pas passé comme prévu. Au vu les indicateurs financiers et de production, les investisseurs ont été pris de panique: en 2017, l’entreprise avait subi des pertes s’élevant à 2,2 milliards de dollars et seulement 360 véhicules avaient quitté la chaîne de montage.Comme Musk l’a expliqué, l’entreprise a été confrontée à des problèmes imprévisibles avec l’assemblage des modules de batterie. Cependant, il a promis de tout régler dans les plus brefs délais et d’augmenter la production du Modèle 3 jusqu’à entre 3.000 et 5.000 voitures par semaine au premier trimestre de 2018. Néanmoins, les experts avaient immédiatement souligné que c’était impossible à réaliser.
Le fondateur de Tesla se plaint de la sur-automatisation de la ligne de production Model 3 à Fremont en Californie. Afin d’améliorer les processus de production, l’entreprise a arrêté la chaîne de production en avril, pour la deuxième fois depuis le début de l’année.
«L’arrêt est nécessaire pour perfectionner les systèmes automatisés et éliminer les goulets d’étranglement afin d’augmenter les volumes de production», s’était alors justifié Tesla.
«Enfer de la production»
Comme l’a souligné Musk, l’automatisation excessive de l’usine Tesla a conduit à un «enfer de production» prenant la forme d’un ralentissement critique dans l’assemblage d’une voiture destinée à la consommation de masse.
«Nous avions ce réseau délirant et complexe de chaînes de production…. Et cela n’a pas fonctionné», a reconnu le fondateur de Tesla dans une interview accordée à CBS.
Les observateurs estiment que l’entreprise s’est empressée d’accélérer la chaîne de production afin de se pouvoir mettre son produit sur le marché le plus rapidement possible. D’où l’accumulation des problèmes, ce qui n’est guère surprenant. Contrairement aux constructeurs automobiles traditionnels tels que Toyota et General Motors, qui ont des dizaines d’années d’expérience, Tesla est incapable de commercialiser efficacement ses modèles.
Machine à brûler de l’argent
En 2017, Tesla avait dépensé environ 8.000 dollars par minute, ce qui fait à peu près 500.000 dollars par heure.
À un tel rythme, l’entreprise manquerait d’argent à 6 heures du matin le 6 août 2018, selon le calcul réalisé l’automne dernier par les analystes de l’agence Bloomberg. À présent, ce jour fatidique semble être beaucoup plus proche.Néanmoins, Elon Musk n’a pas l’intention de baisser les bras. Il souligne que la société a fait des progrès significatifs: en avril, entre 2.000 et 3.000 voitures du Modèle 3 ont été fabriquées chaque semaine. Et si ce nombre devait être porté à 5.000, un bénéfice pourraitêtre réalisé au troisième ou au quatrième trimestre 2018.
Toutefois, presque personne ne croit encore à ces promesses: l’entreprise dépense toujours de l’argent à une vitesse spectaculaire. Ainsi, 745 millions de dollars ont été «brûlés» au cours du premier trimestre de l’année.
Le 1er avril, Musk avait accéléré la ruine de Tesla sur Twitter, en affirmant que même vendre des œufs de Pâques ne sauverait pas l’entreprise. Cette blague risque aujourd’hui s’avérer prophétique.
L’ampleur actuelle des pertes et la vitesse du gaspillage de l’argent sèment le doute quant à la capacité de la société à payer les factures sans contracter de nouveaux prêts ou procéder à un prochain tour d’émission d’actions.Obtenir des fonds auprès des investisseurs devient de plus en plus difficile car personne ne croit plus aux perspectives de l’entreprise.
«Si les gens sont préoccupés par les changements, ils n’ont certainement pas besoin d’acheter nos actions», a tranché le fondateur de Tesla lors de la conférence avec des analystes après la publication du rapport trimestriel.
Fin avril, les deux grandes agences de notation Moody et S & P ont déclassé les obligations de la dette de Tesla jusqu’à un état indésirable, les ayant qualifiées «d’hautement spéculatives».
Comme Moody’s l’a signalé, l’entreprise a besoin d’au moins 4 milliards de dollars «pour poursuivre ses opérations courantes, ses coûts en capital et son service de la dette». Hélas, la société est actuellement loin de posséder cet argent.
sputnik