Les groupes africains s’imposent de plus en plus sur le continent face aux multinationales. Portrait de 3 patrons, du nord au sud, qui réussissent leur pari de se déployer au-delà des frontières de leur pays.
Francis Nana Djomou, fondateur de Biopharm : même pas peur de L’Oréal
Un vaste déploiement industriel en Côte d’Ivoire, au Nigeria, en RD Congo, en Angola et probablement en Afrique du Sud : c’est l’ambition de Francis Nana Djomou qui est déjà devenu le leader du marché camerounais des cosmétiques. Il exporte dans une vingtaine de pays, où il réalise environ 60 % de son chiffre d’affaires (18,3 millions d’euros en 2013). Ce représentant au Cameroun de marques étrangères a trouvé sa pierre de touche en s’intéressant aux 90 % de consommateurs qui ne peuvent pas s’offrir les marques européennes et américaines.
Grâce à une approche par cible, une communication offensive et des conditionnements adaptés, il contrôle 30 % du marché des produits d’hygiène corporelle et de la parfumerie. Et il se prépare à s’attaquer au segment des produits capillaires, très convoité par les grands groupes internationaux actifs en Afrique, comme L’Oréal ou Unilever
Youssef Omaïs, PDG de Patisen : la bête noire de Nestlé
Les bouillons, margarines et autres pâtes à tartiner qui sortent des usines de Youssef Omaïs résistent solidement face aux grands noms du secteur. Une performance qui tient notamment à la stratégie profondément locale adoptée par le patron de Patisen (150 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012). C’est à domicile que cet entrepreneur sénégalais d’origine libanaise s’approvisionne en matières premières, réduisant d’autant ses coûts de revient. Et pour distribuer ses produits, il quadrille au plus près le territoire, avec un schéma allant « du grossiste à la ménagère ».
Surtout, ce sexagénaire autodidacte excelle dans le domaine du marketing. Le sigle jaune sur fond rouge de ses bouillons Ami et Mami évoque habilement celui de Maggi, la marque de Nestlé. En revanche, leurs slogans reprennent des expressions communes en wolof (comme « Adja meuné founé » : « la margarine Adja, parfaite dans toutes les situations »). De quoi accrocher l’œil et l’oreille du consommateur.
Jubril Adewale Tinubu, PDG de Oando : il défie les majors pétrolières
Jubril Adewale Tinubu pilote le pétrolier Oando depuis ses débuts. Diplômé en droit de la prestigieuse London School of Economics, il a démarré sa carrière dans le cabinet d’avocats familial avant de créer Ocean and Oil en 1994, qui a acquis en 2000 la part de l’État du Nigeria dans Unipetrol, ancêtre d’Oando. D’abord spécialisé dans la distribution pétrolière, avec un réseau de 420 stations-service au Nigeria, le groupe a remonté sous sa houlette la filière des hydrocarbures, investissant le domaine de l’exploration-production en reprenant des champs onshore exploités auparavant par Shell et BP. Son dernier coup : le rachat en 2014 des exploitations de l’américain ConocoPhillips au Nigeria, pour 1,65 milliard de dollars (1,2 milliard d’euros), a multiplié par cinq sa production de brut.
Considérant que les futures opportunités seront plus intéressantes dans l’amont que dans l’aval, Adewale Tinubu a commencé à se désengager de ce dernier, avec la revente de 40 % de ses actifs dans la distribution, pour se donner les moyens de nouvelles acquisitions de gisements. Reste à savoir si le brillant patron saura naviguer dans la difficile conjoncture pétrolière actuelle, avec des cours du brut tombés en dessous des 50 dollars le baril, et alors que son groupe a affiché des pertes après impôts et taxes de 183,9 milliards de nairas (821 millions d’euros) pour l’année 2014 et de 35 milliards de nairas pour le premier semestre 2015…
avec jeuneafrique