Vu de Dakar d’où j’ai débarqué pour mon travail à la Banque mondiale, Bamako renvoie l’image d’une ville calme aux températures élevées et aux longues siestes comme le décrit si bien Albert Londres dans Terre d’Ebène. Une œuvre indispensable pour connaître le Mali d’autrefois et peut-être d’aujourd’hui ? Il y a certes un décalage, mais le pays reste caractérisé par la chaleur et une certaine torpeur. Il dépend de ses voisins pour tout importer, notamment les biens et services, « et même la mode, ou encore les idées ! », ironise parfois un ami.
Pfff, combien il se trompe !
Avec près de 2,5 millions d’habitants, Bamako, « La ville des trois Caïmans » (le motif de ses armoiries), bouge, innove et invite à la découverte grâce à sa jeunesse très active, qui bouscule les obstacles et les idées reçues. Certains se lancent par exemple dans des activités destinées à améliorer le quotidien des citadins ou à apporter de l’énergie solaire dans les zones rurales. Tout cela est bien mûri, réfléchi et passe par un bac à idées et des incubateurs qui entrent en scène pour offrir des espaces et accompagner les start-ups. Comme Impact Hub, avec ses 55 membres et 38 start-ups.
C’est pour encourager cette dynamique que la Banque mondiale accompagne ces initiatives à travers le Projet d’appui à la compétitivité agro-industrielle au Mali (PACAM) qui offre des conseils sur mesure aux jeunes Maliens pour les aider à réaliser tout leur potentiel et créer des projets innovants porteurs d’emplois.
Abdoulaye Gackou fait partie de ces jeunes talents. Après un séjour dans son village d’origine cet ingénieur a décidé de se lancer dans l’énergie solaire en créant, avec Moussa Camara, la société d’équipement en énergie solaire « Yeelen solar » (Lumière d’Afrique) pour fournir de l’électricité en milieu rural avec un dispositif simple et facile à utiliser : la Solarbox.
Composée d’un projecteur LED puissant, de panneaux solaires et de batteries, cette box sur mesure apporte de l’éclairage et alimente les appareils électroménager, réfrigérateur, télévision etc. ou encore les téléphones portables. « Son avantage, c’est qu’elle est mobile et sans câble. Elle peut être installée n’importe où, y compris dans les villages les plus excentrés », m’a confié Abdoulaye Gackou. « Il suffit de deux à trois box pour éclairer les rues d’un petit village, recharger les lampes des maisons et faire fonctionner les appareils électriques. »
Comme Abdoulaye, Boubacar Keïta est sensible aux enjeux d’urbanisation à Bamako et souhaite y apporter des solutions innovantes. Avec d’autres jeunes, cet ingénieur en environnement et aménagement durable du territoire a créé, Map Action, une application qui combine à la fois cartographie interactive, géolocalisation et participation citoyenne. « Le projet consiste à faire en sorte que les citoyens et les employés des services techniques des mairies et ministères utilisent une application mobile installée sur leurs téléphones pour géolocaliser les endroits qui sont problématiques à Bamako », m’a expliqué Boubacar. « Le but est de recueillir, analyser et transmettre des données pour améliorer la gestion urbaine et environnementale.»
Leur slogan, « Faire de l’innovation technologique une solution aux problèmes urbains ». Et des problèmes urbains, la capitale malienne en connaît ! Notamment, en ce qui concerne la mobilité et l’assainissement. L’offre actuelle de services publiques est insuffisante ou mal adaptée à la demande d’une population en constante augmentation. Comme la distribution d’eau potable, qui n’est pas généralisée à tous les quartiers, ou l’accès aux services de santé, qui reste difficile pour certains habitants.
Map Action permet de répertorier ces dysfonctionnements et d’aider les autorités à trouver des solutions. En phase pilote, l’appli ne couvre pour l’instant que deux des six communes de la capitale malienne mais devrait aller loin. Elle a d’ailleurs remporté le concours Water Innovation Challenge II organisé par Via Water et a été présentée lors de la 23e conférence internationale sur les changements climatiques COP23 à Bonn (Allemagne) comme solution innovante climatique.
Bamako bouge aussi du côté de l’agroalimentaire et se met au bio. La transformation des produits locaux se fait de plus en plus sous ce label. Ce n’est plus une question de mode, mais plutôt un besoin de vivre sainement et de dire stop aux dangers liés à l’utilisation de certains produits phytosanitaires dans l’agriculture et l’élevage. Impact Hub Bamako collabore avec des startups évoluant dans l’agrobusiness comme Boubou Lait. Il s’agit d’une mini laiterie qui permet de conserver du lait frais, local, sans additif et qui propose d’autres produits dérivés bio et naturels comme le yaourt, le lait caillé, le fromage et “ghee“ (beurre local).
« J’ai eu cette idée quand je vivais à Djenné, j’ai constaté qu’il y avait une importante production laitière de 35 600 litres par jour dont 10 000 litres restaient invendus. Les femmes passaient des journées à parcourir des villages pour écouler leurs produits laitiers. En fin de compte, le lait perdait de sa valeur, tournait et finissait dans le fleuve faute de moyens de conservation », m’a raconté Boubou Sangho, fondateur de Boubou Lait et lauréat du prix Best Crazy Crowdfunder du programme The Next Economy, ainsi que du prix de la meilleure startup d’Afrique 2017 dans la catégorie Agriculture.
Ces différentes initiatives, parmi tant d’autres, montrent que le Mali regorge de talents et d’idées.
avec : worldbank