Pas besoin d’être une jeune entreprise ambitieuse pour profiter de l’innovation technologique. Il suffit d’être «jeune de coeur».
Ne dites pas à Louis Roy, associé chez Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT), à Montréal, qu’il travaille pour une firme de comptabilité. L’image stéréotypée du comptable aux «bas bruns» colle mal à la peau des employés de cette multinationale qui compte désormais des filiales spécialisées tant dans l’intelligence artificielle que dans la chaîne de blocs (blockchain) et les monnaies virtuelles. Fort de 25 ans d’expérience dans le monde de l’audit comptable, M. Roy est d’ailleurs à la tête de Catallaxy, la filiale de RCGT qui se spécialise dans les solutions de blockchain et de cryptomonnaie. «Pour l’entreprise, Catallaxy est un peu un geste défensif, mais on se prépare pour l’avenir. Ce n’est qu’une question de temps avant que nos clients aient besoin de faire auditer des actifs numériques ou des fonds de crypto, et nous sommes une des seules entreprises au Canada à avoir cette capacité, dit-il. Nous sommes aussi devenus le centre de référence en blockchain pour les autres bureaux de RCGT partout dans le monde.»
Les bureaux de la jeune pousse, filiale à part entière de RCGT, sont même séparés de la maison mère. «C’était important de conserver la culture de start-up, d’open-source, pour Catallaxy. Ça permet au reste de l’entreprise de s’imprégner de cette culture de start-up, tout en conservant ses méthodes plus traditionnelles.»
L’innovation en continu
Le Mouvement Desjardins a lancé son programme Startup en résidence il y a trois ans déjà. Issu du Desjardins Lab, lui-même fondé deux ans plus tôt, ce programme a beaucoup évolué depuis sa mise en place, à mesure que l’institution tirait des leçons de son expérience. Il a notamment permis la création d’autres programmes, dont le Coopérathon, un événement inspiré des marathons de programmation (hackathons) s’étirant sur quatre semaines, plutôt que quelques heures, et la Coupe des données, qui vise à sensibiliser les entrepreneurs à l’importance des données personnelles générées par le numérique. Par tous ces programmes, l’objectif de Desjardins est désormais mieux défini : «Aider les entrepreneurs à se lancer en affaires, tout en promettant une valeur ajoutée aux membres du Mouvement Desjardins», explique Sandra Rousseau, directrice principale, Innovation et développement Fintech. «On a vraiment appris beaucoup grâce à ce programme. Il faut garder à l’esprit que même une grande entreprise ne peut pas tout faire à l’interne, d’où l’intérêt de miser sur l’innovation ouverte. Puis, il faut d’abord commencer petit, célébrer les succès et apprendre des échecs», poursuit-elle, illustrant à merveille l’esprit start-up que ce type de programme tente justement de faire naître au sein de grandes entreprises.
Pour 2019, Startup en résidence optera donc pour une démarche d’innovation en continu ciblant les technologies financières. Les start-up seront accueillies à tout moment, pour une période d’incubation de 16 semaines, et seront réparties en deux groupes, selon l’état de leur développement. «On ne vise pas à remplacer les accélérateurs déjà présents aux yeux des entrepreneurs. On veut être complémentaires, pour aider les jeunes entreprises à mieux connaître le fonctionnement du secteur financier. En retour, travailler avec elles nous aide à accélérer notre propre virage numérique.»
Un modèle pour le Québec inc.
Rencontré alors qu’il annonçait une aide totale de 450 000 $ à Agropur et Cascades afin que les deux entreprises québécoises mettent sur pied chacune de leur côté un programme d’accélération de start-up spécialisées dans leur secteur d’affaires respectif, Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie et de l’Innovation du Québec, insiste sur les promesses de ce modèle d’innovation des entreprises pour stimuler la croissance.
«Nous avons mis en place des mesures pour favoriser, par exemple, la numérisation des entreprises manufacturières afin qu’elles passent à l’ère du manufacturier 4.0, en utilisant davantage l’intelligence artificielle, entre autres», explique le Ministre.
Il ajoute qu’une partie du nouveau rôle d’Investissement Québec sera d’aider les PME d’ici à adopter un modèle qui privilégie l’innovation interne, comme le font aussi bien Cascades, Agropur, Desjardins et RCGT.
«Les entreprises du Québec investissent l’équivalent de 1,26 % du PIB provincial, alors que la moyenne, parmi les pays de l’OCDE, est de 3 %. On doit créer davantage d’incubateurs et d’entreprises innovantes afin d’accélérer l’adoption de nouvelles technologies si on veut voir notre productivité s’améliorer», conclut le Ministre.
avec : lesaffaires