A peine 28 ans, la burkinabè Cendrine Nama est déjà à la tête de deux entreprises implantées à Ouagadougou. Celle qu’on peut considérer parmi les jeunes leaders du continent croit fermement à une Afrique émergente qui, selon elle, doit se baser sur ses propres ressources pour aller de l’avant. Portrait de celle qui n’a pas froid aux yeux.
Tous ceux qui la rencontrent une première fois font le même constat. « Cendrine Nama est une jeune femme pleine de vie, ambitieuse, qui n’a pas froid aux yeux ». Il faut en effet ne pas avoir froid aux yeux pour être, à 28 ans, chef d’entreprise de deux sociétés au Burkina Faso, où le chômage des jeunes est très important. L’Agence de communication Topaze et la marque et boutique d’accessoires de mode Case Kamite, proposant aussi des prestations de décoration d’intérieurs et d’évènements, sont les deux bijoux de la jeune femme joviale, au regard toujours déterminé et aux pas vifs.
Plusieurs défis à relever
C’est après avoir obtenu ses diplômes en management des projets et marketing et gestion commerciale qu’elle se lance dans l’entrepreneuriat. « Au regard des difficultés rencontrées dans le milieu de l’emploi des jeunes en Afrique, j’ai décidé de me lancer », raconte-t-elle. Mais entreprendre n’est pas une mince affaire. « Les difficultés, comme pur la plupart des entreprises qui démarrent, ont surtout été financières et la manque d’appui et de suivi des initiatives des jeunes, déplore-t-elle. Il a fallu me débrouiller seule et démarrer à zéro par des petites prestations ici et là afin de me faire un portefeuille de clients prêts a accompagner la jeune entreprise en lui confiant des marchés » . Elle a dû faire plusieurs nuits blanches pour voir le bout du tunnel.
L’autre difficulté qu’elle a rencontrée est due à son jeune âge. « Beaucoup me trouvaient trop jeune pour diriger une affaire, voire exécuter de façon sérieuse et professionnelle les tâches qui me seraient confiées. Mais je pense avoir relevé le défi même si mes concurrents, au départ, ont utilisé comme argument ce sempiternel : Vous n’allez pas confier cela a une si jeune fille ! Vous connaissez les jeunes ils ne pensent qu’a s’amuser » » , dit-elle dans un grand éclat de rire.
« Il a fallu montrer que je pouvais être aussi compétente qu’un homme »
Sans compter qu’elle a dû faire ses preuves dans un pays où les instances dirigeantes sont encore dominées par par les hommes. « En tant que femme effectivement il faut dans le milieu du travail avoir une rigidité et un professionnalisme indéfectibles à toute épreuve. Il a fallu montrer que je pouvais être aussi compétente qu’un homme et cela sous entend de travailler parfois dans de rudes conditions a des heures indues, dans des milieux à risque , déplore-t-elle. Mais à force de devoir être forte si on n’y prend pas garde on risque de le transposer même là où il ne faut pas. C’est pourquoi j’ai toujours veillé à faire la part entre la femme entrepreneure et la femme tout court ».
Malgré toutes ces épreuves, la jeune femme a relevé le défi en entreprenant, en créant son propre emploi, mais en donnant du travail à plus d’une dizaine de salariés. Elle est confiante en l’avenir du Burkina Faso, surtout depuis le départ de Blaise Compaoré. Elle a activement participé aux manifestations massives qui ont précédé sa chute, au péril de sa vie. « Je savais qu’on risquait notre vie, et j’avais le ventre noué, mais je devais être là pour écrire cette page de l’histoire de mon pays », clame-t-elle.
« La crise au Burkina est l’aboutissement de longues années de malversations et d’exactions »
Pour elle, « la crise qu’a connue le Burkina Faso n’a pas commencé en octobre 2014, mois qui aura vu la chute de l’ancien régime. Ce qui s’est passé est l’aboutissement de longues années de malversations, d’exactions en tous genres. Ma participation active n’aura cependant été que celle d’une citoyenne lambda, vu que je n’appartiens a aucun corps politique ou autre organisation, précise-t-elle. J’ai voulu, comme ces milliers d’autres jeunes, jouer ma partition afin de libérer ma nation du joug d’un dictateur qui avait fini par considérer tout un pays comme une cour familiale où les individus sont soumis bon gré mal gré à ses désirs ».
Cendrine a été de toutes les marches et meetings pour dire « Non au Pouvoir a vie », « Non au tripatouillage de la constitution afin de satisfaire une boulimie de pouvoir », « Non a la tenue d’un référendum ». Elle a également participé, samedi 27 octobre 2014, à la marche des femmes munies de spatules, qui réclamaient le changement.
« On assiste à une Afrique qui prend son destin en main »
Cendrine est également parmi celles qui ont foi au développement du continent. « L’avenir de l’Afrique, tel que je le perçois, apparaît plus encourageant voir lumineux. De plus en plus, on assiste à une Afrique qui veut prendre les choses en main à travers sa jeunesse qui s’éveille, estime la jeune Burkinabè. Le travail devra passer par l’union de ses fils, car c’est unis que nous sommes plus forts. Nous devons continuer à nous battre pour remettre notre continent sur les rails, travailler à l’éveil des consciences, car l’Afrique a besoin pour cela de tout ses fils et de toutes ses filles ! ». Selon la jeune femme, « il faut encourager l’initiative des jeunes, promouvoir le genre, lutter contre la fuite des cerveaux, travailler à instaurer un environnement où il ferait bon vivre, un environnement où tout citoyen sera pris en compte dans l élaboration des différents processus de développement » .
Un message qu’elle a porté lors de son séjour aux Etats-Unis, du 16 février au 1er mars, après avoir été sélectionnée parmi les jeunes leaders à fort potentiel par le gouvernement américain pour le International Visitors Leadership Program. Un programme destiné à construire la compréhension mutuelle entre les citoyens des États-Unis et les citoyens d’autres pays, auquel ont participé des personnalités comme Camel Bechikh, Rokaya Diallo, Nicolas Sarkozy, Tony Blair, Francois Fillon… On peut dire qu’à tout juste 28 ans, Cendrine Nama joue dans la Cour des grands…
Source : afrik.com