Statutairement prévu ce mois de septembre, ce conclave annoncé par des pontes du parti au pouvoir est incertain. Pour éviter l’impasse, le président national s’apprêterait à utiliser le bureau politique pour proroger son mandat. Tout ne devrait pourtant pas se réduire au bail de Paul Biya. Sauf coup de théâtre, le congrès du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) ne se tiendra pas ce mois de septembre. Même les thuriféraires du parti qui l’annonçaient en grande pompe se rétractent les uns après les autres. Les plus «futés» se réfugient grossièrement derrière les textes du parti pour justifier ce «faux bond» aux militants et observateurs de la scène politique camerounaise. Certains analystes invoquent l’agenda du chef de l’état, qui pourrait se rendre dans les prochains jours à l’assemblée générale des Nations Unies. Une instance où il n’a plus été aperçu depuis cinq ans et devant laquelle la voix du Cameroun n’a pas été entendue en plénière en 2015 ; Paul Biya ayant choisi de limoger celui qu’il avait mandaté alors que ce dernier séjournait déjà à New-York. D’autres expliquent le renvoi sine die du congrès par le non achèvement des travaux de réhabilitation du Palais des congrès de Yaoundé, qui offre l’espace et la sécurité idoines pour accueillir Paul Biya et le millier de congressistes. Un argument assurément court si l’on s’en tient au communiqué final de la dernière session du conseil d’administration du Palais des congrès de Yaoundé. «Au 31 août 2016, le taux de réalisation est estimé à 65% et le chantier devrait être livré en fin 2017», écrit Aminatou Ahidjo, la présidente du Conseil d’administration. En toute logique, le Rdpc ne saurait attendre fin 2017 pour tenir son congrès dans cet édifice public… Un qui ne sautera pas au plafond si le congrès du Rdpc ne se tient pas à date, c’est le sultan Ibrahim Mbombo Njoya. Le 20 février 2016 à Bafoussam, en qualité de chef de délégation du Rdpc dans la région de l’Ouest, ce membre du bureau politique situait la nécessité de ce conclave, au plus fort du concert des appels à la candidature de Paul Biya pour la prochaine élection présidentielle. «Il devient (…) très urgent et impératif d’envisager la convocation d’un congrès extraordinaire de notre parti, en vue de débattre de la situation préoccupante qui pointe à l’horizon, pouvant menacer sérieusement la paix qui nous est chère, et qui a été acquise de haute lutte». Investitures L’ordre du jour envisagé ? «Trouver des solutions pertinentes et durables aux problèmes de l’heure. Nous pourrions donc à l’issue de ces débats, permettre à notre président national de répondre valablement à l’appel lancé par les militants et sympathisants de notre parti. Les résolutions pertinentes qui sortiront de ces débats nous permettrons de résoudre avec lucidité, un certain nombre de problèmes que les Camerounais attendent», indique Mbombo Njoya, qui ajoute : «Nous pourrions par exemple en ce qui nous concerne, saisir l’occasion pour envisager la tenue de notre congrès ordinaire, prévu statutairement cette année, afin de permettre à notre grand parti, non seulement de faire son toilettage de jouvence que nous appelons de tous nos vœux ; mais aussi de s’arrimer aux nouvelles résolutions issues de notre congrès extraordinaire, et éventuellement, de certaines dispositions législatives que les deux chambres pourraient être amenées à prendre, dans le sens de cette situation qui préoccupe tant tout un chacun…». En clair, la tenue d’un congrès du Rdpc ne saurait être facultative dans le contexte de l’heure au Cameroun, mais également au stade actuel de la vie du parti. Comme l’affirmait le président national, Paul Biya, dans son discours d’ouverture et de politique générale au 3e congrès extraordinaire du Rdpc, tenu le 21 juillet 2006, le congrès est «la plus haute instance statutaire de notre parti. C’est une rencontre nécessaire pour le bon fonctionnement de notre mouvement. Elle nous permet également de faire le point de l’activité du gouvernement dont le Rdpc est la poutre maîtresse. Il est donc normal que nos militants sachent dans quelle mesure les engagements que nous avons pris ont été tenus et quels sont nos objectifs pour les prochaines années». Même si les textes du parti lui donnent des marges de manœuvres, tout ne saurait donc se réduire à la prorogation du mandat du président national. S’agissant du bilan politique, économique et social du gouvernement pour les cinq dernières années, même si le congrès vient à se tenir à date, on ne devrait pas assister à des annonces spéciales. Sur le plan économique, le discours du président national du Rdpc ne devrait pas s’éloigner du message de fin d’année dernière à la nation, dans lequel il magnifiait l’agriculture et l’économie numérique. À propos des «grandes réalisations», un point d’honneur sera certainement mis sur l’entrée en service du Port autonome de Kribi et les autres chantiers structurants en cours. Ce congrès, qui sera le premier à se tenir après la déclaration de guerre contre la secte Boko Haram, le 17 mai 2014, sera l’occasion pour le chef de l’état de saluer les prouesses des forces de défense et de sécurité, mais aussi de se féliciter du lien armée-nation. Le président de la République évoquera aussi les conséquences de cette guerre sur la relance de la croissance économique. Paul Biya est particulièrement attendu sur l’échéancier politique. L’élection présidentielle, les législatives, les municipales et les sénatoriales sont toutes théoriquement prévues en 2018. Cet «embouteillage électoral » n’est pas le moindre des casse-têtes pour le très probable candidat président. Les militants de son parti l’appellent d’ailleurs, avec insistance, à anticiper la présidentielle et à se porter candidat. Le calendrier électoral à l’échelle national aura nécessairement une incidence sur la vie au sein du Rdpc. après les épreuves déchirantes des investitures et du renouvellement des bureaux organes de base, les candidats déclarés du parti aux prochaines élections législatives, municipales et sénatoriales tiennent à Rdpc Le congrès en eaux troubles Statutairement prévu ce mois de septembre, ce conclave annoncé par des pontes du parti au pouvoir est incertain. Pour éviter l’impasse, le président national s’apprêterait à utiliser le bureau politique pour proroger son mandat. Tout ne devrait pourtant pas se réduire au bail de Paul Biya. Savoir quelle option le parti prendra pour ces prochaines joutes électorales. Tout comme ils veulent être édifiés sur le fonctionnement de l’académie du parti, dont les responsables nommés paraissent plutôt désœuvrés. Bureau politique Comme à chaque congrès ordinaire, le bureau politique et le comité central devraient s’enrichir de nouveaux membres. Dans ce sens, les batailles de couloir ont commencé. Si les heureux élus et nommés vont mettre une ligne supplémentaire sur leurs cartes de visite (avec le clientélisme qui va généralement avec), on peut à juste titre s’interroger sur l’importance de ces organes dans la marche du parti, tant il est vrai qu’ils ne se réunissent pas selon la périodicité prévue dans les textes du parti, deux fois par an pour le Comité central. Le bureau politique n’est convoqué qu’au gré des états d’âme et de l’agenda du président national. D’ailleurs, chose curieuse, depuis le congrès ordinaire de 2011, cette instance «chargée d’assister le président national dans la conduite des affaires du parti, en dehors des réunions du comité central» n’affiche toujours pas complet. Paul Biya avait pourtant promis à la clôture des assises tenues il y a cinq ans au Palais des congrès de Yaoundé de procéder à des «consultations» pour nommer les sept membres manquants sur un total de 30.
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