Au moins 79 personnes sont mortes, vendredi 21 octobre, dans le déraillement d’un train reliant les deux principales villes du pays, Yaoundé et Douala. Pour ce journal guinéen, cela ne fait aucun doute, la catastrophe est la conséquence des trente-quatre ans de mauvaise gestion du régime de Paul Biya.
Ce lundi 24 octobre, le Cameroun est en deuil. Ainsi en a décidé le président Paul Biya, de retour au pays après l’accident de train qui, vendredi [21 octobre], a fait au moins 79 morts et plus de 650 blessés.
Mais cette mesure ne suffira pas à calmer la colère des victimes et, au-delà, de l’opinion publique dans son ensemble. Les Camerounais, qui, n’entendant pas se contenter des explications fatalistes habituelles, souhaitent surtout savoir ce qui s’est passé et découvrir celui ou ceux dont les manquements ou les défaillances ont conduit au drame.
Anticipant sa mise en cause, l’État, à travers certains ministres, décline déjà sa responsabilité. Sauf que les ministres en question ne sont guère convaincants. Parce que, dans cet accident, la responsabilité des autorités au plus haut niveau est engagée.
Un accident aux causes évidentes
Pour ne pas avoir à répondre aux questions gênantes, les responsables de la Camrail et les autorités camerounaises se bornent à annoncer que des enquêtes sont ouvertes. Mais il n’est pas nécessaire d’attendre les résultats de ces procédures pour se faire une idée des causes du déraillement tragique. Celles-ci sont si évidentes qu’elles sautent aux yeux.
Tout d’abord, il y a la décision qui a consisté à greffer au train huit wagons supplémentaires. On peut en effet supposer que cette imprudence a non seulement conduit au déraillement, mais qu’elle a aussi contribué au bilan élevé des victimes. Certes, on peut envisager que les responsables de la Camrail aient été soumis à de fortes pressions de la part des passagers qui ne pouvaient plus rallier le port de Douala par la voie routière. Mais ils n’avaient certainement pas à céder à ces pressions.
Un État laxiste, à la merci des multinationales
Mais s’ils se sont autorisé un tel écart, c’est parce qu’en face l’État est laxiste, moribond et notoirement impuissant. Comme c’est le cas dans de nombreux pays africains, l’État camerounais est à la merci des multinationales qui peuvent en faire ce que bon leur semble. Et cette incapacité à inspirer l’autorité requise est la première responsabilité de l’État dans cette catastrophe nationale. À celle-ci s’en ajoute une autre qui ramène à la gouvernance du pays.
En effet, la cause ultime de l’accident, c’est la paralysie du trafic routier entre les deux principales villes du pays. Paralysie qui a provoqué une ruée anormalement élevée vers le train de la Camrail. Or, cette paralysie résultait de l’effondrement d’un pont de l’autoroute reliant Yaoundé et Douala.
Laxisme et approximation
Il se trouve que cet effondrement, à son tour, est révélateur de la manière dont le pays est géré. Comment en effet n’a-t-on pas anticipé l’écroulement de ce pont ? Il y a là un manque de suivi qui, lui-même, procède du laxisme et d’une certaine approximation. Pour une route aussi stratégique pour le pays, de tels manquements sont gravissimes et justifieraient toutes les condamnations.
Malheureusement, aucune de ces condamnations n’affectera le président Paul Biya. Lui et beaucoup de ses homologues du continent s’accrochent au pouvoir plus pour sa dimension jouissive que pour les responsabilités qui incombent au pouvoir. D’ailleurs, vendredi, au moment où l’accident se produisait, le président camerounais, en vacances depuis cinq semaines, humait l’air frais et vivifiant sur les bords du lac Léman, en Suisse.
avec courrierinternational.