Le gouvernement américain demande au président de la République de songer à passer la main lit-on dans les colonnes du quotidien privé Mutations.
Soupe à la grimace pour le pouvoir de Yaoundé après l’audience accordée par le chef de l’Etat, Paul Biya, à l’ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, jeudi dernier au palais de l’Unité. Alors même que le soutien américain, sous forme de «meilleurs vœux du président Trump à l’occasion de la fête nationale du Cameroun», était porté par le diplomate au président Paul Biya et faisait la Une des médias à capitaux publics ; l’ambassadeur Peter Henry Barlerin se fendait d’un communiqué dans la soirée du même jeudi dans lequel il rappelait au président Biya de songer à céder le pouvoir.
«[…] Enfin, le président et moi avons discuté des prochaines élections. J’ai suggéré au président qu’il devrait penser à son héritage et à la façon dont il veut se souvenir dans les livres d’histoire pour être lus par les générations à venir, et a proposé que George Washington [le tout premier président américain, ndlr]et Nelson Mandela [héros sud-africain qui s’est retiré de magistrature suprême après un mandat, ndlr] soient d’excellents modèles», écrit le chef de la mission diplomatique américaine à Yaoundé dans un communiqué aux contours de compte-rendu d’audience.
Réactions
Une sortie qui agace au plus haut point Yaoundé, qui a répliqué par la voix de son ministre de la Communication. Sur les ondes de Radio France internationale (Rfi), Issa Tchiroma Bakary déclare vendredi que le Cameroun est un Etat «souverain», qui n’est «pas disposé à accepter quelque diktat que ce soit de la part de telle ou telle puissance». Pour le gouvernement, le président Paul Biya est «un homme d’honneur, soucieux, naturellement, de la lecture qu’on fera de lui une fois qu’il aura organisé sa succession le moment venu» ; et le ministre de la Communication de conclure que Paul Biya «entrera dans l’histoire par la grande porte, parce qu’il est conscient de sa responsabilité», et qu’«il ne s’écoule pas une seconde sans qu’il ne pense à l’avenir».
A cette réaction indignée, s’ajoute celles de militants du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), le parti au pouvoir à l’instar de Charles Atangana Manda, qui pointe le timing de cette sortie. «Sous les carillons du 20 mai, les Etats-Unis demandent au garant de notre unité […] de quitter le pouvoir pour entrer dans l’histoire !», s’insurge-t-il ; avant d’accuser Washington de se mêler des affaires de Yaoundé. Un avis partagé par Saint Eloi Bidoung, adjoint au maire de la commune de Yaoundé VI.
Cet élu Rdpc, dans une tribune, s’adresse au président américain en ces termes : «Cher monsieur Trump, que les urnes parlent, chez nous et pas chez vous. Les mêmes leçons de démocratie peuvent être données à la Chine, à l’Allemagne, à la Russie. Paul Biya a choisi la voie la plus indiquée pour la dévolution du pouvoir, les urnes, parce qu’il sait, mieux que quiconque, que quand on va à une élection on prend deux risques : celui de gagner ou celui de perdre».
Plus mesuré, Olivier Bilé, président national de l’Union pour la fraternité et la prospérité (Ufp) relève que « nous ne sommes pas à la première admonestation adressée à Paul Biya relativement à sa longévité au pouvoir ».Cependant, cet homme politique dit ne «pas être friand de distraction ou de propos lancés pour amuser la galerie […]. Il y a certainement des initiatives plus sérieuses qui peuvent être entreprises par la Maison Blanche».
Olivier Bilé «doute, qu’à travers cette sortie, qu’il y ait une intention sérieuse de mettre en difficulté un pouvoir qui est de type perpétuel». Il est à noter qu’en 2011 déjà, à la veille de l’élection présidentielle de cette année-là, le département d’Etat américain – siège de la diplomatie américaine – avait déjà entrepris de mettre une pression douce sur le pouvoir de Yaoundé en appelant le peuple camerounais à prendre ses responsabilités au cours du scrutin présidentiel d’alors.
Avec cameroun24