Depuis leur interpellation en janvier dernier, le président de l’Etat imaginaire de l’Ambazonie et ses neuf coaccusés ont été aperçus pour la première fois hier à la Cour d’Appel.
Le dispositif sécuritaire visible ce 1er novembre 2018 devant la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé suscite la peur. Dans cette juridiction située au quartier administratif, l’on a aperçu hier de 10h jusqu’à 14h, plus de 30 éléments du groupement polyvalent d’intervention de la gendarmerie (Gpign). Postés dans tous les coins avec des armes de guerre, ces gendarmes avaient le regard inquisiteur sur tout passant. Ils ont été chargés d’escorter Ayuk Tabe et ses neuf coaccusés. Ces leaders anglophones ont été arrêtés depuis le 5 janvier 2018 dans un hôtel au Nigeria. Trois semaines après leur arrestation, ils avaient été extradés au Cameroun. Les 10 prévenus sont détenus au Sed. Ils sont poursuivis dans le cadre de l’enlisement de la crise socio-politique dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Hier à l’entrée des bureaux des magistrats de la cour d’Appel, un coaster de couleur blanche avec vitres fumées était stationné. C’est dans ce véhicule de la gendarmerie nationale que les détenus ont été transportés du Sed vers le tribunal. La sécurité déployée à la cour d’Appel du Centre n’a pas empêché aux membres de famille des prévenus de se mobiliser autour du véhicule dans l’espoir de leur adresser un message de soutien. Cette foule d’environ 200 personnes a rendu pénible la circulation des usagers dans les couloirs du tribunal. Parmi les personnes présentes, certaines affirment n’avoir pas vu leurs proches depuis qu’ils sont entre les mains des autorités camerounaises. « C’est un grand jour pour nous les membres de famille des personnes détenues depuis 10 mois au Sed. Je suis fière d’avoir vu mon frère Kwanga Cornelius. Depuis son arrestation au Nigéria le 5 janvier 2018, je ne l’avais jamais vu. Un nouveau vent a soufflé aujourd’hui et j’espère qu’il sera libéré bientôt », déclare Edwige, la grande sœur d’un détenu anglophone. « Je vais passer une très bonne fin de semaine. Je viens de voir mon cousin Ayuk Tabe. Depuis son arrestation, il est très difficile de le rencontrer. J’ai vraiment espoir qu’il nous retrouvera bientôt dans notre famille car il nous manque beaucoup » ajoute une autre dame.
L’espoir des avocats
Les 10 accusés détenus ont été extraits hier pour comparaître devant la cour d’Appel du Centre, dans le cadre d’une procédure d’habeas corpus. Cette demande de libération immédiate des détenus introduite depuis juillet dernier a été rejetée le 30 août dernier par le tribunal de grande instance du Mfoundi. Le président du tribunal avait estimé que la demande était irrecevable sur la forme. Après ce rejet, les avocats de la défense ont fait appel. La première audience tenue il y a deux semaines à la Cour d’Appel s’est déroulée malgré l’absence des dix prévenus. Des mesures fermes ont été prises ce jour afin qu’ils puissent comparaitre à la prochaine audience. C’est finalement hier qu’ils ont été extraits de leurs cellules pour comparaitre.
Il était 14h20 lorsque l’audience s’est achevée dans le bureau de la présidente du tribunal. Les dix prévenus vêtus tous d’un ensemble de survêtement, ont rejoint leur véhicule pour le Sed, devant les youyous des membres de la famille. Quelques minutes après, le collège d’avocat a fait sa sortie avec une mine d’espoir. « Nous sommes très satisfaits, les choses se sont déroulées très bien. La présidente de la Cour d’Appel a donné la possibilité à chacun des détenus de raconter son histoire. Nous sommes fiers d’avoir écouté ces gens parler aujourd’hui. La loi ne nous autorise pas de vous dire ce qui a été déclaré pendant l’audience, mais nous sommes trop fiers que ces gens aient pu parler dix mois après leur interpellation. Le délibéré est prévu le 15 novembre prochain », affirmé Me John Fru Nsoh, l’un des avocats des prévenus.
En rappel, les avocats de la défense ont introduit la procédure pour exiger la libération des détenus interpellés pour dénoncer certaines violations des droits dont ces personnes ont été victimes pendant leur interpellation et leur extradition au Cameroun. Les avocats soutiennent que ces gens ont été illégalement interpellés alors qu’ils avaient un statut des réfugiés.
Avec 237online