Dans son projet de loi de finances pour l’exercice 2019, le gouvernement a introduit de nouvelles mesures fiscales destinées à rehausser les recettes fiscales. Il s’agit pour les autorités de faire face à certains défis socioéconomiques, mais aussi de se conformer aux engagements souscrits avec le FMI. Ce qui n’est pas sans soulever les inquiétudes des consommateurs qui craignent une hausse des prix de certains produits alors que le pouvoir d’achat ne cesse de s’éroder.
«Le prix de la picole va augmenter !» C’est l’un des principaux commentaires qui ont suivi l’annonce, faite par le gouvernement, de la hausse de certains impôts et taxes, dont celui sur la bière, et cela dès le 1er janvier prochain. C’est le Premier ministre, Philémon Yang, qui a détaillé les nouvelles mesures fiscales, mercredi 21 novembre, lors de la présentation du projet de loi des finances 2019 à l’Assemblée nationale.
Il s’agit, à travers ces mesures, «d’accroître la mobilisation des recettes internes à travers une augmentation du taux de la pression fiscale, un resserrement des dépenses publiques et une maîtrise du rythme de l’endettement du pays». Ainsi, parmi les mesures proposées, l’élargissement du champ d’application du droit d’assise aux boissons gazeuses importées, aux produits cosmétiques, aux articles de la friperie, aux pneumatiques, et aux véhicules d’occasion. Le gouvernement prévoit également l’institution d’une nouvelle modalité alternative de collecte des droits et taxes de douanes sur les téléphones et les logiciels importés.
Lors de sa présentation devant les députés, le chef du gouvernement a expliqué les raisons derrière ses nouvelles propositions qui participeraient à faire face «aux grands enjeux et défis» du pays. Il s’agit entre autres selon Philémon Yang, de la maîtrise des contraintes sécuritaires à l’intérieur comme aux frontières, l’optimisation des préparatifs de la Coupe d’Afrique des nations de football 2019 (CAN 2019), le parachèvement de la mise en œuvre du Plan d’urgence triennal pour l’accélération de la croissance, ainsi que l’exécution du Plan triennal «Spécial Jeunes» du président Paul Biya.
Le Premier ministre s’est également référé à la finalisation des chantiers des grands projets infrastructurels et énergétiques en cours, le développement de l’économie numérique, de l’industrialisation et de l’agriculture, la modernisation de l’économie, la relance de la croissance et la création des emplois en particulier pour les jeunes, et surtout la poursuite de la mise en œuvre du Programme économique et financier conclu avec le FMI pour la période 2017-2019.
«L’importance et la grande sensibilité de toutes ces questions nécessitent que le gouvernement se dote, au titre de l’exercice 2019, des ressources budgétaires et financières conséquentes lui permettant d’atteindre les objectifs», a souligné le Premier ministre, selon qui, le projet de budget de l’exercice 2019 prend appui sur un cadrage macroéconomique adossé sur tous ces différents éléments de contexte.
«A l’orée du nouveau septennat du chef de l’Etat, Paul Biya, septennat des grandes opportunités, le Programme économique, financier, social et culturel que le gouvernement voudrait mettre en œuvre en 2019, s’inscrit dans une perspective de consolidation des acquis. Il est surtout question de maîtriser les enjeux et défis qui interpellent désormais les pouvoirs publics, afin de maintenir notre pays sur le sentier de l’Emergence à l’horizon 2035», a expliqué le Premier ministre Philémon Yang.
Budget et croissance en hausse
Le projet de loi de finances 2019 présenté par le chef du gouvernement repose sur l’hypothèse d’un taux de croissance du PIB réel de 4,4%, contre 3,8% projetés cette année, et d’un taux d’inflation maintenu en dessous de 3%. Selon Philémon Yang, «la politique budgétaire projetée en 2019 s’inscrit également dans la perspective du rééquilibrage de nos finances publiques à moyen terme et entend ainsi poursuivre l’optimisation de la mobilisation des recettes internes non pétrolières». Il s’agira également pour le gouvernement, a-t-il ajouté, «de maintenir le cap de la rationalisation des dépenses publiques, en vue d’une plus grande efficacité et efficience de l’action publique».
Ainsi, sur la base de ces hypothèses, le présent projet de loi de finances, s’équilibre en recettes et en dépenses à la somme de 4805,5 milliards de francs CFA, soit 7,3 milliards d’euros, en «augmentation modérée» de 161 milliards de FCFA, soit 3,4 % par rapport à celui 2018. Pour 2019, le gouvernement anticipe un déficit budgétaire de 482,6 milliards de FCFA, soit 2,2 % du PIB 2019, ce qui cadre avec les projections du FMI. S’agissant du déficit courant, il devrait s’établir à 2,9 % l’année prochaine, en légère hausse aux estimations de 2,5 % en 2018.
Craintes des consommateurs
Selon les explications du Premier ministre, malgré une baisse prévue des recettes pétrolières et gazières, les recettes fiscales devraient augmenter de plus de 187 milliards de Fcfa, et atteindre quelque 2 899,5 milliards, grâce notamment aux mesures prises pour élargir l’assiette fiscale. Le projet de loi de finances table sur une hypothèse d’un baril à 63,5 dollars et sur une parité de la devise américaine à 555,1 Fcfa. Dans son projet de budget, le gouvernement a également prévu une hausse des dépenses courantes, ainsi que de l’investissement public qui va représenter plus du quart du budget, en raison notamment de la CAN 2019.
En dépit de tous ces arguments développés par le Premier ministre, les commentaires ont été des plus critiques. Les consommateurs s’attendent en effet à une augmentation des prix de certains produits et anticipent même d’autres hausses, notamment des produits de première nécessité, à l’issue des prochaines législatives prévues cette année. Le gouvernement n’a en tout cas pas envisagé ces mesures dans son projet de loi des finances, mais face à la conjoncture et surtout à la pression du FMI pour rehausser les recettes fiscales, rien n’est exclu. D’autant que c’est cette année, le gouvernement pourrait réajuster ses prévisions et introduire de nouvelles mesures en, à travers une loi de finances rectificative.
Avec la tribune afrique