L’entreprise chinoise ZTE veut construire deux centres du Réseau National de Télécommunication d’Urgence dans le cadre d’un don chiffré à 7, 3 milliards.
Cinq ministères s’affrontent autour du contenu et de la direction de ce projet. 237online.com Explosif. Engagé dans une lutte aussi féroce qu’incertaine contre le terrorisme, l’Etat du Cameroun a entrepris de se doter d’un système de communication spécifique et optimal qui pourrait entre autres lui permettre de mieux maitriser le flux communicationnel et de généraliser l’utilisation des caméras de surveillance. Et c’est dans le cadre de la mise en place de ce Réseau National de Télécommunication d’Urgence que l’entreprise chinoise ZTE a octroyé au gouvernement du Cameroun un don d’une valeur de 7,3 milliards de FCFA en vue de la construction de deux centres de données à Douala (quartier Bépanda) et à Yaoundé (Ekounou). Pour marquer le début effectif dudit projet, le ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, Louis Paul Motaze, a en date du 21 juin 2016 saisi le ministre des Travaux publics (ingénieur
de l’Etat) pour que ce dernier émette un avis technique pour la la construction des deux structures.
Accordé avec faute
Apres analyse, le Mintp a estimé dans une correspondance datée du 17 aout 2016 que le coût total de l’ouvrage a été surévalué. Au lieu des 4 378 125 092 annoncés par ZTE, le ministère des Travaux publics le situe à 2 545 846 369 dont 1.197 078 506 pour le lot Génie civil et 1 348 767 863 pour les lots technologiques. Dans sa lettre, Nganou Djoumessi attire l’attention de son collègue du Minepat sur le fait que l’estimation concernant les lots technologiques a été adoptée « sous réserve des vérifications ultérieures, étant donné que la totalité du matériel proviendra du pays donateur qui est la chine ». End dépit de ces réserves et observations clairement formulées, le Mintp a tout de même donné son accord pour le début effectif des travaux ardemment souhaité par le Minepat. Toutefois ces deux ministères sont loin d’être les seuls impliqués dans ce marché délicat qui touche à la sécurité de l’Etat. D’autres parties prenantes font entendre un son dissonant. C’est d’abord le Ministère des postes et télécommunications qui est monté au créneau par la voix de son patron Minette Libom Li Likeng dans une correspondance signée le 30 aout 2016.
Libom Li Likeng s’oppose
En réaction à un précédent courrier de son collègue du Minepat relatif au démarrage des travaux de ces deux centres, la ministre assène une cinglante mise au point de l’entame de son propos : « J’ai l’honneur de vous rappeler qu’en date du 14 mars 2016, vous avez bien voulu rétrocéder au Minspostel la convention de don signée le 21 décembre 2015, entre la République du Cameroun représentée par le Minepat et l’entreprise ZTE Corporation, en vue de la construction de deux (02) bâtiments clés en main destinés à abriter les centres de données à Yaoundé et à Douala pour le Réseau National des télécommunications d’urgence », écrit-elle. Pour Mme Libom Li Likeng, la conséquence de cette rétrocession est qu’il « revient au Minpostel de notifier à l’entreprise ZTE l’ordre de démarrer les travaux une fois le processus de la contractualisation terminé ». Une manière polie de dire à son collègue qu’il se mêle d’une affaire qui ne le regarde pas. Qui ne le concerne plus. Bien plus, la ministre indique clairement qu’elle n’est pas disposée à donner ce quitus en l’état. Elle évoque une concertation suscitée par la présidence de la République (tenue du 19 au 22 juillet à l’Ecole des postes), à laquelle le Minepat était dûment représenté par son directeur des systèmes d’information et qui a abouti à une reconfiguration du projet. Selon elle, les nouvelles données ont été transmises à ZTE qui avait 10 jours pour déposer ses offres. Les nouveaux éléments du dossier sont précisés dans un autre courrier que Mme Libom Li Likeng adresse cette fois au Secrétaire général de la Présidence de la République, « pour la très haute information du chef de l’Etat ». Ils concernent la construction / réhabilitation des bâtiments préfectoraux devant abriter les équipements du réseau, la réhabilitation des sta- tions météorologiques sur le territoire national et la mise à disposition de la technologie 4G, gratuitement et à titre expérimental, sur quelques sites pilotes, en même temps que l’installation prioritaire de la technologie 3G. En réponse ZTE a signifié au Minpostel que la construction des bâtiments préfectoraux et des stations météorologiques ne fait pas partie de son domaine d’activité. L’entreprise estime aussi que ces nouvelles exigences vont avoir une incidence budgétaire importante et n’a même pas mentionné l’installation de la 4G qu’elle renvoie sans le signifier explicitement à une éventuelle deuxième phase du projet. 237online.com Pour Libom Li Likeng, les offres de ZTE sont de ce fait « pas conforme aux prescriptions de la Présidence de la République ». La ministre note qu’en campant sur son offre initiale issue de la convention de 2013, l’entreprise remet en cause « l’atteinte des objectifs du gouvernement ». Elle insiste aussi sur le fait que le Minepat n’est plus habileté à ordonner l’exécution des travaux et évoque les réserves (mentionnées plus haut) du Mintp pour marquer son opposition face à ce projet. Elle dénonce également le fait que la quasi-totalité des équipements importés pour ce projet sont déjà stockés au port de Douala et ont même fait l’objet de délivrance des attestations de prise en charge des taxes et de droits de douane au profit de ZTE.
Mbarga Nguele n’en veut pas
Et pour donner plus de force à sa position l’ancienne Directrice des Douanes convoque un autre « opposant » de poids. Elle rappelle que la « la DGSN avait notifié ses réserves quant à l’intégration de la composante e-police dans le projet, pour les motifs que cette composante relevait de son domaine d’activité et que les négociations étaient en cours avec Huawei pour la surveillance du territoire national ». En effet, le 06 octobre 2015, le Délégué général à la sureté nationale a écrit au ministre des postes et télécommunications pour lui indiquer que « sur très haute instructions du Chef de l’Etat, la Délégation Générale à la Sureté Nationale est déjà engagée dans des négociations particulièrement avancées à ce jour, avec la société Huawei, en vue de l’installation sur toute l’étendue du territoire national, d’un système de vidéo surveillance, qui offrira aux forces de défense et de sécurité, un ensemble de services parmi lesquels l’e-police ». Dans la même lettre, Mbarga Nguele fait état de l’immaturité de ce projet et suggère même sa réorientation sur la seule thématique de la «prévention et la gestion des catastrophes » pour éviter des dépenses supplémentaires à l’Etat. Isolé sur ce dossier, Louis Paul Motaze n’a pourtant pas lâché du lest. Il a saisi Abba Sadou le ministre en charge des marchés publics en début d’année 2016 pour lui demander d’accélérer la finalisation de la signature du marché. Ce dernier lui a répondu qu’il attendait les éléments actualisés du Minpostel. Décidé, le Minepat est revenu à la charge pour exiger l’approbation du Mintp. Le dossier a été validé avec faute et Motaze a pris sur lui d’ouvrir le chantier. Le 02 Septembre 2016, Zhang Xianghu, directeur de ce projet chez ZTE a écrit au Minepat pour lui faire état de l’avancement des travaux avec photos en pièces jointes. 237online.com Il a mentionné l’aménagement de la plate-forme de travail par déblai de la terre végétale et la mobilisation de ressources matérielles et humaines. Ainsi donc, ZTE s’en va construire des centres aussi névralgiques avec un maitre d’ouvrage contesté, (Minepat) un bénéficiaire qui n’en veut pas (DGSN) et un partenaire technique (Minspostel) qui réclame la redéfinition et le pilotage du projet. Ceux qui voulaient entendre d’autres sons d’une cacophonie gouvernementale érigée en mode de management sont servis.
Hiondi Nkam IV