Le slogan « La force de l’expérience » et la photo de l’affiche principale de campagne de Paul Biya au scanner de l’Histoire et des catégories de Joseph Messinger (1945-2012), psychologue et expert belge mondialement connu en gestuelle et communication non verbale.
L’affiche principale de campagne de Paul Biya présente un message verbal et un message gestuel. Connu pour sa vingtaine de livres dont le best-seller Ces gestes qui vous trahissent, la bible illustrée pour décoder le sens caché de tous les gestes (Editions First / J’ai lu,2008) et Les gestes prédictifs, anticipez les réactions de votre interlocuteur en décodant son langage corporel (Editions Pocket Evolution / Presses du Châtelet, 2007), Joseph Messinger explique que le message gestuel qui constitue «une dimension primordiale de nos modes de transmission de l’information […]largement escamoté par la mise en avant du message verbal ». Mais dès lors que «le geste, après tout, n’est jamais que le décor de la parole ou de l’émanation silencieuse de la pensée », il importe de commencer par s’intéresser au message verbal de la célèbre affiche avant de s’attarder sur le message gestuel qu’elle véhicule.
C’est l’Histoire
qui éclaire le mieux l’efficacité du message verbal de la principale affiche de campagne de Paul Biya. Pendant l’un des débats organisés lors de l’élection présidentielle américaine de 1984, qui opposait le Président Ronald Wilson Reagan, candidat à sa réélection, à un jeune challenger, Walter Mondale, le 21 octobre, le journaliste du Baltimore Sun a posé au président-candidat la question suivante «Ne pensez-vous pas que votre âge est un handicap pour faire face aux défis qui se présentent devant l’Amérique? ? ». Et Reagan de répondre au pied levé: «I want you to know that also I will not make age an issue of this campaign. I am not going to exploit, for political purposes, my opponent’s youth and inexperience » (traduction de la réponse complète : Monsieur Henry Hank, je ne veux pas inscrire la question de l’âge au cœur de cette campagne électorale. Je ne veux pas exploiter la jeunesse et l’inexpérience de mon adversaire à des fins politiques. Si les aînés ne corrigeaient pas les erreurs des jeunes, il n’y aurait pas d’Etat). La formule fit mouche, fut applaudie et colora le débat d’une note d’humour portée au crédit de Ronald Reagan qui fut unanimement déclaré victorieux de ce débat, grâce à cette répartie bien servie entrée dans les annales planétaires des campagnes électorales Ronald Reagan fut réélu.
L’on a également en mémoire cette interview du jeune président Thomas Sankara dans un célèbre panafricain où il a reconnu que son équipe de révolutionnaires alors au pouvoir au Burkina Faso depuis deux ans avait commis beaucoup d’erreurs dans la gestion du pouvoir suprême. «Combien?? » interrogea le journaliste. «Au moins une par jour, pendant la première année », répondit Sankara, avec la candeur qui le caractérisait. En offrant la force de son expérience aux électeurs, le candidat Paul Biya se présente comme un rempart face à la fureur des éléments que constituent les nombreux défis sécuritaires connus de tous, démotiques (gestion de la diversité de l’élément humain de l’Etat), économiques (chocs extérieurs et réorientaton endogène). Il est évident que dans un tel contexte, le pays ne peut se permettre d’avoir un apprenti-président dépourvu d’expérience probante dans la gestion de l’Etat et n’ayant vocation qu’à multiplier des erreurs pendant les premières années de son mandat.
Chacun pouvant aisément évaluer le coût de chaque erreur à ce niveau de responsabilité, un président inexpérimenté dans le contexte actuel conduiait à coup sûr le pays au désastre. Quant au décodage du message gestuel de l’affiche du président-candidat, Joseph Messinger en offre, à travers ces ouvrages, une lecture saisissante à travers l’analyse de son regard, de son sourire et de la « chorégraphie de ses doigts». Sa grille de lecture atteste que Paul Biya est un être de chair, de sang, d’écoute et de regard. Ce décodage est d’autant plus important que c’est la même image rassurante et éloquente du Chef de l’Etat qui illustre aussi bien le slogan principal que les slogans secondaires, comme « Le septennat des grandes opportunités ». Le regard du président
Biya est persuasif, focalisant et charismatique. Ce charisme oculaire traduit « l’implication massive du moi » Biya dans cette campagne, le rendant presque présent à celui qui contemple son affiche. Son regard posé sur un interlocuteur situé à sa droite rend en effet celui qui contemple cette image témoin d’une séquence de persuasion inspirée et entraînante d’un orateur passionné à l’élégance distinctive saluée par tous, au cours de laquelle Paul Biya « est fortement motivé pour convaincre ». D’où le sentiment d’omniprésence, au-delà du nombre des affiches, unanimement relevé par les uns et les autres. Le regard du président sur ses affiches de campagne complète son message verbal, car autant ce dernier fait passer un message rationnel, autant son regard interpelle nos émotions.
Le sourire du président sur ses affiches de campagne, lèvres ouvertes, s’inscrit également dans le registre des émotions. Mais cette fois, il s’agit des émotions du président qu’il exprime en envoyant «des signaux de sympathie » aux électeurs. En mettant ainsi en scène son «intelligence émotionnelle », il montre qu’il a conscience que «l’homme n’est pas seulement ce qu’il pense, mais qu’il est surtout ce qu’il sent » (Paulo Coelho). Ce faisant, il apparaît comme le seul candidat ouvert, accessible, disponible et fiable, «digne de confiance a priori, voire a posteriori». Cette confiance qu’il sait inspirer est sans doute l’une des clés de sa longévité au pouvoir. Quant aux mains du président, précisons d’emblée avec Joseph Messinger que «les mains interviennent dans un nombre incalculable de séquences gestuelles [car] elles sont avant toute chose le siège symbolique de toute communication entre hommes ». Le langage des mains est jugé «essentiel au sous-titrage du discours » par l’éminent spécialiste. L’analyse des mains de Paul Biya sur la photo de ses affiches de campagne, faite par Joseph Messinger, dévoile qu’elles «n’appartiennent pas à la catégorie des refrains gestuels mais à celle des codes d’intention ». Ses mains sont ouvertes, les paumes dirigées vers le haut, les doigts déliés: «elles révèlent une ouverture d’esprit de la part d’un individu coopératif et convivial. Les doigts déliés s’expriment en toute liberté au rythme des propos », explique l’expert belge décédé en 2012. Il ajoute que « l’attitude est évidemment qualifiante pour l’image publique du locuteur ».
Ainsi, ces mains démonstratives qui participent du sous-titrage du discours sont en consonance avec le sourire sincère (jusqu’aux yeux) qui arrondit le slogan tantôt énergique («La force de l’expérience »), tantôt porteur d’espérances (« Septennat des grandes opportunités ») imprimé en regard et qui semble sortir de sa bouche, dans une synchronisation parfaite du message verbal et de l’illustration qui l’accompagne.
Avec 237online