La Californie est devenue aujourd’hui une région clé de l’économie mondiale. Ce n’est pas nouveau, mais la puissance économique et technologique californienne a pris un essor considérable depuis 20 ans. Cette croissance s’est accélérée avec l’arrivée des applications, du cloud et des nouvelles technologies connectées.
La Californie a également profité des conséquences de la mondialisation financière de l’ensemble des pays industrialisés et des conditions de financements attractives mises en place par Alain Greenspan au début des années 2000. Avec un PIB de 2.500 milliards de dollars en 2015, si la Californie était un pays, elle serait aujourd’hui la sixième puissance économique mondiale devant la France, selon le Bureau of Economic Analysis. Véritable poumon vert de l’Amérique du Nord, la Californie affiche une croissance de 4,1% comme celle de l’état de l’Oregon. À titre de comparaison, le taux de croissance des Etats-Unis est alors de 2,4% en 2015, tandis que celui de la France est de 1,1% durant la même période. Comme le rappelle Walker et Suresh (2013) : « La Californie est un monde à part, une région en soi, un État dans l’État, un territoire doté d’un caractère propre ». Avec un taux de chômage de 6,2% (10,5% en 2012) et une augmentation de la population de 0,9% en 2015, doit-on attribuer le dynamisme économique du Golden State aux stars de la Silicon Valley ou à l’ensemble des acteurs économiques de cet état ? La réussite mondiale des Gafa a-t-elle contribué à la santé financière de cet état devenu attractif ?
L’économie
En 2012, la Californie connaissait un déficit budgétaire de 24 milliards de dollars et une dette cumulée de 350 milliards de dollars. Ainsi, elle licencie de nombreux professeurs des universités de Californie et augmente significativement les frais d’inscription de ses étudiants. De nombreux fonctionnaires sont également licenciés. En s’approchant de la faillite, la Californie était considérée comme la future Grèce des États-Unis. Pour remédier à cette crise profonde, le Gouverneur Jerry Brown a réduit le train de vie de l’état et a défendu une politique basée sur l’environnement, l’entrepreneuriat et l’attractivité fiscale. En outre, l’état s’est appuyé à la fois sur la stimulation de l’innovation technologique et la préoccupation environnementale abordée comme une valeur ajoutée pour le secteur économique californien comme le rappelle Michel Ktitareff dans son analyse : « La silicon valley s’appuie en priorité sur ses points forts, c’est pourquoi elle s’est focalisée notamment sur l’énergie solaire. Le mode de production des panneaux solaires nécessite du silicium, donc des semi-conducteurs, dont la silicon valley reste la capitale mondiale. Le savoir-faire industriel local et les ressources humaines disponibles ont ainsi permis à de grands acteurs de ce secteur, comme sunpower par exemple, de racheter récemment une usine de semi-conducteurs et de la convertir à la production de panneaux solaires ». L’économie locale s’est considérablement améliorée depuis 2013. La Californie est aujourd’hui un état riche puisqu’il représente 14% du PIB américain. Avec une population de 39,1 millions d’habitants, la Californie est 40% moins peuplée que la France. Le secteur touristique se porte très bien. En effet, les touristes étrangers n’ont jamais été aussi présents ces dernières années. Durant l’année 2015, plus de 251 millions de touristes sont venus dépenser leurs devises à Los Angeles, San Diego et San Francisco. Dès la fin de la dernière crise financière des subprime en 2013, l’état a créé plus d’un million d’emplois. Ainsi, en 2015, il a créé davantage d’emplois que la Floride et le Texas réunis. Par ailleurs, la Californie a bénéficié d’une évolution favorable du taux de change du dollar face aux autres devises comme l’euro en 2015. Les exportations de ses produits et services ont joué en sa faveur. La Californie du sud est également dynamique économiquement puisque l’industrie du cinéma a toujours laissé une empreinte économique forte à Los Angeles dès le début du XXe siècle. Les métropoles de San Francisco et de Los Angeles cumulent des talents et des activités à forte valeur ajoutée, constituant désormais d’immenses concentrations d’opportunités professionnelles et de ressources financières disponibles pour des projets à l’échelle nationale et mondiale. L’innovation est le principal moteur de l’économie avec l’arrivée d’internet. La puissance et l’innovation technologique de Google, Amazon, Facebook, et Apple, ne sont plus à démontrer.
Les Gafa sont aujourd’hui le symbole de l’hégémonie financière de la Californie et des États-Unis par rapport au reste du monde. Elles ont réussi à conquérir en une dizaine d’années l’ensemble des données mondiales puisqu’elles possèdent actuellement 80% de nos informations personnelles numériques.
La Silicon Valley
En 1995, Steve Jobs répondait à une interview dans le cadre de l’institut de recherche scientifique Smithsonian : « J’ai grandi dans la Silicon Valley, Mes parents ont déménagé de San Francisco pour Mountain View quand j’ai eu 5 ans. Mon père a été transféré directement au cœur de la Silicon Valley, donc nous étions entourés d’ingénieurs. La Silicon Valley était pratiquement remplie de vergers : des abricotiers et des pruniers, et c’était vraiment, le paradis. Je me souviens que l’air était pur comme le cristal, nous pouvions voir la vallée d’un bout à l’autre… C’était vraiment le plus merveilleux endroit pour grandir ».
Au sud de San Francisco, l’industrie électronique et informatique de la Silicon Valley demeure la locomotive industrielle de la région. Dans la continuité de ces activités à haute valeur ajoutée, s’est développée une industrie multimédia performante tandis que l’industrie des biotechnologies et les industries « vertes » rencontrent un véritable succès. Ces terres s’étendent sur une cinquantaine de kilomètres de long et une dizaine de kilomètres de large. Nous trouvons au sud de San Francisco le triangle d’or de la Silicon Valley avec Menlo Park, Palo Alto, Moutain View et San José. Plus de 350 000 ingénieurs, scientifiques, développeurs (sur une population totale de 2,3 millions d’habitants) venus du monde entier sont répartis sur plus 25 000 entreprises technologiques.
Hewlett-packard est née dans le fameux petit garage de Palo Alto en 1938. Un lien étroit entre l’université et le monde entrepreneurial se met en place. L’ingénieur et professeur Frederick Terman encourage ses étudiants de l’Université de Stanford à créer leur entreprise électronique plutôt que de travailler dans le secteur industriel de la côte est. Ainsi, Google a été créée par Larry Page et Segueï Brin de Stanford. Ils ont été soutenus par leur université afin de lancer leur start-up et commercialiser leur technologie immédiatement. La revente des actions de Google durant son introduction en Bourse a rapporté 336 millions de dollars à l’Université de Stanford qui avait accompagné ces deux étudiants. Stanford perçoit plusieurs centaines millions de dollars chaque année grâce aux fruits des innovations de ses étudiants et de leurs enseignants.
La Californie est devenue un périmètre unique au monde où l’on trouve une grande proximité entre l’univers académique et le monde industriel comme le rappelle Michel Ktitareff dans son article : « Nulle part ailleurs n’existe une telle symbiose entre le milieu académique (Stanford, Berkeley, l’université de San Francisco ou de San Jose), le milieu financier (près de la moitié des entreprises de capital-risque américaines sont installées dans la région), le tissu industriel de haute technologie et les services associés (juridiques, experts en propriété intellectuelle, etc…) ». Certaines entreprises sont déjà célèbres comme Cisco ou Oracle alors que d’autres le seront demain. Le coût de la vie est devenu prohibitif pour les locaux. Le prix de l’immobilier résidentiel est en relation avec le niveau des revenus lié au secteur des hautes technologies. Le prix médian d’une maison à Palo Alto est de 2,5 millions de dollars selon Zillow (juin 2016). La citation du cofondateur de LinkedIn Reid Hoffman résume l’esprit d’entrepreneuriat qui règne dans la Silicon Valley : « Les entrepreneurs sont comme des visionnaires. Leur manière d’avancer est de voir ce qu’ils font aujourd’hui comme quelque chose qui deviendra le monde entier ».
Avec Economie matin