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Les chefs d’entreprise sont le plus souvent des gens ordinaires, issus de la classe moyenne. Mais tous ceux qui réussissent ont trois points communs : ils pensent à long terme, misent sur l’innovation et savent investir.
Chefs d’entreprise : les nouveaux maharadjahs
Ces mœurs culturelles ont influencé l’idée que nous nous faisons du chef d’entreprise indien moderne : les photos qui s’étalent à la une des magazines économiques et financiers sont trop souvent des versions pour adultes des couvertures des albums d’Amar Chitra Katha. On a simplement remplacé l’ancien guerrier assoiffé de conquêtes par un capitaine d’industrie bombant le torse devant son luxueux bureau, avec une légende qui nous dit obligeamment comment il a “transformé” ou “dynamisé” son entreprise.
Pour être plus précis, les articles de la presse d’affaires portent soit sur des grandes familles capitalistes, soit sur des entrepreneurs qui ont fait fortune très vite. Ces caricatures aident peut-être les magazines à vendre un peu plus d’exemplaires, mais elles s’allient également avec nos vieilles obsessions pour créer une image déformée de l’homme ou la femme d’affaires qui réussit en Inde.
Des patrons issus de la classe moyenne
Les dirigeants d’entreprises cotées en Bourse que je rencontre sont en général des gens qui travaillent dur, qui ne pavoisent pas et qui sont partis de rien ou presque. Ils passent leur temps à chercher à améliorer et développer leur activité tout en se battant contre les aléas de l’économie et les problèmes de réglementation. Lorsque vous les croisez dans la rue, vous ne les reconnaissez pas. Plusieurs conduisent des voitures ordinaires et la plupart mènent une vie basée sur les valeurs de la classe moyenne.
Il y a trois ans, je me suis tout à coup rendu compte que la plupart des entreprises indiennes qui gardent le vent en poupe sont dirigées par des personnes comme celles-ci, tout à fait anonymes. C’est ce qui m’a poussé à écrire The Unusual Billionaires [“Les milliardaires inhabituels”, inédit en français, août 2016]. Parmi ces fameuses entreprises cotées en Bourse, moins de vingt ont enregistré dans la dernière décennie une augmentation de leur chiffre d’affaires de 10 % minimum par an et une rentabilité économique d’au moins 15 %. En fait, depuis 1991, huit entreprises répondent régulièrement à ces deux critères : Asian Paints, Berger Paints, HDFC Bank, Axis Bank, ITC, Marico, Page Industries et Astral Poly Technik.
Mes collègues et moi avons passé presque deux ans à réunir toutes les informations possibles sur ces entreprises. Nous avons rencontré leurs dirigeants actuels et ceux qui tenaient les rênes dans les années 1970, 1980 et 1990, leurs clients, leurs fournisseurs et même leurs concurrents. The Unusual Billionairesrelate ce périple mémorable.
Les trois clés du succès
Voici trois choses que font les patrons indiens qui ont du succès (et que vous pouvez appliquer) :
- Miser sur le long terme
Il est important de se concentrer sur le long terme sans se laisser distraire par des paris à court terme. Chez 99 % des patrons indiens, le gène de l’“opportunisme” est si virulent qu’ils laissent tomber leur stratégie dès qu’ils repèrent un nouveau créneau dans lequel ils peuvent s’engouffrer. Selon le fameux conseiller en stratégie d’entreprise Rama Bijapurkar, “la plupart des entreprises ont tendance à privilégier les résultats à court terme, ce qui les conduit fréquemment à faire des choses qui les éloignent de la stratégie qu’elles s’étaient fixée [et] de leurs objectifs à long terme”. - Adopter le modèle “Ibas”
Veiller à améliorer constamment la performance de l’entreprise en appliquant le modèle “Ibas” (innovation, brevets, architecture et actifs stratégiques), formalisé par l’économiste britannique John Kay. Selon ce modèle, les grandes entreprises prennent plusieurs décennies pour se donner des avantages concurrentiels durables. Le recours à l’informatique dès les années 1970 par Asian Paints pour prévoir les ventes est un bon exemple, de même que l’innovation dont a fait preuve Astral Poly Technik en ajoutant des produits flexibles et sans plomb dans sa gamme de tuyauterie en CPVC. - Bien répartir l’argent
Distribuer le capital à bon escient et éviter les aventures coûteuses et hors sujet. Lorsque les entreprises prospèrent et grandissent, elles dépensent de plus en plus d’argent. Le défi est de répartir cet argent sans que la rentabilité économique en pâtisse. Au bout d’un moment, la meilleure façon de protéger la rentabilité économique est de rendre de grandes quantités d’argent aux actionnaires, chose que la plupart des patrons ont du mal à accepter. ITC se distingue des autres sur ce point : elle a toujours versé de gros dividendes aux actionnaires et fait en même temps de petits investissements dans de nouvelles entreprises. De même, Asian Paints s’est aventurée à l’international mais sans jamais grever son bilan comptable.
- Miser sur le long terme