Études à Paris. Début de carrière à New York et à Brazza, sa ville natale. Installation en 2015 à Abidjan, où il crée Africab, le numéro un des VTC dans la capitale économique. Le jeune patron congolais, Vangsy Goma, revient sur son parcours.
Arrivé à proximité de la maison d’hôtes, dans le quartier des Deux-Plateaux-Vallon, le chauffeur de la berline peine à trouver l’adresse, et c’est en se faisant guider par téléphone que la voiture d’Africab rejoint sa destination. Pourtant, le lendemain, c’est sans avoir eu besoin d’aide qu’un autre chauffeur de la société attend devant la porte de la villa.
Vangsy Goma, 32 ans, patron d’Africab, le numéro un des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) à Abidjan, le sait : toujours assurer la même qualité de service est l’un de ses principaux défis. « Il faut beaucoup de patience pour élever le niveau des prestations. Nous avons formé plus d’une centaine de chauffeurs, mais 40 % d’entre eux ont depuis quitté la société. Heureusement, le turnover ralentit », constate le jeune entrepreneur.
L’idée de créer une compagnie de VTC, Vangsy Goma l’a eue en 2014, quand il effectuait de nombreux allers-retours entre Brazzaville, où il résidait, et la capitale économique ivoirienne, où vivait sa future épouse.
« Il m’arrivait souvent de prendre des taxis dont la plupart sont dans un état déplorable et sans climatisation », déplore-t‑il. Avant de se lancer, le jeune homme a pris conseil auprès de son ami Benjamin Cardoso, fondateur de LeCab, l’un des principaux concurrents d’Uber en France.
Il a aussi testé son idée auprès de la famille Pariente – 277e fortune française en 2016 selon Challenges –, ex-propriétaire de la marque Naf Naf.
Une adolescence privilégiée
Né à Brazzaville, Vangsy Goma a grandi à Puteaux, en banlieue parisienne, avant de déménager pour les beaux quartiers de la capitale. Scolarisé aux lycées Janson-de-Sailly à Paris puis Saint-Martin-de-France à Pontoise, il a ensuite passé un an à Bruxelles, où il a fréquenté le lycée français de Belgique, et a achevé son cycle secondaire dans une boîte à bac du 15e arrondissement de Paris.
Autant d’années durant lesquelles il s’est constitué un solide réseau parmi les « fils et filles de » des élites économiques parisiennes.
Doué pour entretenir les amitiés, il n’a en revanche pas brillé dans ses études. C’est sans conviction qu’il a entamé un premier cycle universitaire à la faculté d’Assas avant d’intégrer l’Idrac, une école de commerce, qu’il a quittée au bout de trois ans, après sa licence. « Je n’étais pas un très bon élève. Je survolais les choses », avoue-t‑il.
Une photo où il figure avec le chef de l’État trône d’ailleurs en bonne place dans son bureau.
La pression familiale était pourtant forte. Son père, le colonel Sébastien Goma, est l’un des premiers officiers congolais diplômé de Saint-Cyr. Surtout, il est le fils de Blandine Malila et, donc, le petit-fils d’Antoinette Sassou Nguesso, l’épouse du président congolais, qu’il considère comme son grand-père. Une photo où il figure avec le chef de l’État trône d’ailleurs en bonne place dans son bureau.
« Enfant, je le voyais tous les week-ends. Il était très strict », se remémore-t‑il. Une proximité assumée qu’il jure n’avoir jamais utilisée pour ses affaires. Tout au plus reconnaît-il avoir bénéficié de garanties financières familiales pour décrocher le crédit qui lui a permis de lancer son entreprise.
Et si, entre 2008 et 2012, il a été embauché par la fondation Congo Assistance de sa grand-mère puis au sein de la Société nationale des pétroles congolais (SNPC), il n’a pas souhaité y faire carrière pour autant. « D’ailleurs, à Abidjan, personne n’aurait eu vent de ma parenté avec Denis Sassou Nguesso, s’il n’était pas venu à mon mariage », insiste-t‑il.
Des rencontres fructueuses
C’est aux États-Unis que Vangsy Goma a découvert son goût pour l’entrepreneuriat. Parti suivre des cours de management, de leadership et de logistique à New York après avoir abandonné son cursus à l’Idrac, il s’est lié d’amitié avec la famille Chabbott, propriétaire d’une société de fabrication de bijoux. Chaque après-midi, il est allé dans les bureaux du joaillier, où il a été initié à l’achat de pierres précieuses.
« J’ai aussi vu la manière dont on valorise son carnet d’adresses, dont on mobilise des fonds. Tout ce que ne font pas les enfants de bonne famille en Afrique, qui pensent, avec une certaine arrogance, que leur avenir est assuré », regrette-t‑il.
Comme ses mentors, il se repose sur un management avec lequel il entretient des liens presque familiaux.
Quelques années plus tard, il fait une deuxième rencontre décisive au Congo. Proche de Boris Morin, héritier d’une famille française installée de longue date dans le pays, il rejoint sa société de construction, MBTP, et quand celle-ci est revendue à l’homme d’affaires Hassan Attié, il reste en place.
Directeur commercial, il observe le pragmatisme des patrons libanais « capables de comprendre les besoins des Africains mieux que les Africains eux-mêmes ».
Un modèle dont Vangsy Goma s’inspire aujourd’hui pour faire prospérer son entreprise, en se reposant comme ses mentors sur un management avec lequel il entretient des liens presque familiaux.
À Abidjan, sa garde rapprochée est congolaise. Le directeur général adjoint d’Africab a été recruté au sein du cabinet de sa grand-mère. Son directeur de l’innovation n’est autre que le fils de Paul Obambi, le PDG de Sapro, le plus important consortium privé congolais.
Mais d’autres profils comme celui de son directeur adjoint chargé des finances d’origine coréenne, Younseo Rhee, recruté au sein de la Société générale, arrivent pour renforcer les compétences d’Africab et partir à l’assaut de nouveaux marchés à travers le continent.
Avant de se lancer, il a pris conseil auprès de son ami Benjamin Cardoso, fondateur de LeCab, l’un des concurrents d’Uber en France.
Un business en pleine expansion
Si beaucoup regardent encore Africab comme un ovni, se demandant comment l’entreprise peut être viable, Vangsy Goma assure que 100 voitures lui suffisent pour atteindre le seuil de rentabilité. Début juin, son centre de contrôle gérait en permanence une quarantaine de véhicules, auxquels il était sur le point d’en ajouter trente. « il y a encore quelques semaines, nous étions victimes de notre succès et avions un vrai problème de disponibilité », explique Vangsy Goma.
Si les fêtards trouvent en général une voiture pour les ramener chez eux à l’aube, en journée, malgré le coût de la course, souvent deux fois plus élevé qu’un taxi classique, mieux vaut réserver la vieille pour le lendemain.
« La demande est plus importante que prévu. Le nombre de VTC à Abidjan est d’environ 200 [Taxijet, son principal concurrent, en possède une cinquante] quand il pourrait y en avoir plus de 500 », estime-t-il.
Pour faire grimer son chiffre d’affaires, estimé à plus de 70 millions de F CFA (environ 106 700 euros) par mois au premier trimestre 2017.
Avec jeuneafrique