À 31 ans, Marielle Yasmine Agbahoungbata remporte le premier prix du jury du concours «Ma thèse en 180 secondes» face à 19 autres candidats de plusieurs pays francophones. L’événement a été organisé le 29 septembre dernier à Liège en Belgique.
Elles sont huit Africaines sur 20 candidats à avoir concouru lors de la finale internationale du concours «Ma Thèse en 180 secondes», une compétition qui permet à des doctorants de présenter leur sujet de recherche, en trois minutes avec comme support une seule diapositive, à un public profane. L’édition 2017 a vu la participation de 8 doctorantes africaines issues du Maroc, du Bénin, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de la République Démocratique du Congo, du Sénégal, et de la Tunisie. Et celle qui a remporté le premier prix du jury et un chèque de 1 500 euros n’est autre que la Béninoise Marielle Yasmine Agbahoungbata.
Un speech travaillé
Cette doctorante de 31 ans à l’Université d’Abomey-Calavi où elle est également monitrice de travaux pratiques et de cours de cristallographie, devait expliquer à un auditoire de plus de 600 personnes sa thèse qui a pour intitulé L’Élaboration de matériaux photo-catalyseurs à base d’oxyde de titane (TiO2) pour l’élimination des micro-polluants organiques des milieux aqueux. Un exercice pas facile que Marielle Yasmine réussira avec Brio.
«Je viens ce soir vous parler de votre moitié que je connais très bien et que je partage avec vous». Ce sont là les premiers mots prononcés par la Béninoise à l’adresse de son auditoire. Elle poursuit : «Pas de panique, pas de celle de votre cœur, mais celle de votre corps : l’eau. Nous sommes constitués d’une moyenne de 60% d’eau. Je suis de l’eau. Vous êtes de l’eau. Je suis votre moitié et vous êtes ma moitié».
Avec une entrée en la matière aussi ingénieuse, Marielle Yasmine Agbahoungbata a capté l’attention du public en 27 secondes. Son exposé était plein de métaphores permettant d’expliquer le sujet de ses travaux, notamment lorsqu’elle compare le fonctionnement du photo-catalyseur (un matériau capable, à l’aide de la lumière, de détruire les polluants), l’objet de sa thèse, à «un homme qui s’excite et change d’état en voyant une belle femme et qui serait capable de cogner un autre homme qui perturberait son élan».
La chimie dans la peau
La Béninoise, qui a remporté la finale de son pays avant de le représenter à la finale internationale, baigne dans la chimie. Après avoir obtenu une maîtrise en sciences, option Chimie, en 2009, elle poursuit avec le diplôme d’études approfondies (DEA) en chimie inorganique qu’elle obtient en 2012. Elle sort major de sa promotion.
Pour sa thèse de doctorat, elle choisit de se consacrer à la problématique de traitements des eaux usées, car «quand on pollue l’eau, il faut la traiter et la réutiliser comme quand on lave nos vêtements sales pour les remettre». C’est la meilleure façon de pallier, selon elle, la crise de l’eau.
Dans une vidéo diffusée sur la chaîne YouTube de l’Agence universitaire de la Francophonie au lendemain de sa victoire, Marielle Yasmine Agbahoungbata explique que ce prix «est une fierté, car on ne voyait pas tout de suite que l’Afrique pouvait s’en sortir», disait-elle. Et d’ajouter : «J’ai beaucoup aimé cet exercice, car il m’a permis de comprendre ma propre thèse : à force de chercher les outils et les moyens pour l’expliciter et la vulgariser, cela m’a permis de l’aimer davantage».
Un sujet de thèse d’actualité
Au-delà du concours, la thèse de Marielle Yasmine Agbahoungbata est d’une importance capitale pour le Continent qui accuse un grand retard dans ce domaine. Mieux encore, son sujet de recherche tombe à pic avec un important changement de paradigme qui s’opère actuellement. En mars dernier, un rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau a appelé à «cesser de considérer les eaux usées, qu’elles soient domestiques, industrielles ou agricoles, comme un problème ou un coût et qu’on les envisage comme une ressource». «Les eaux usées représentent une ressource précieuse dans un monde où l’eau douce disponible est limitée et la demande en hausse», a déclaré Guy Rider, président de l’ONU-Eau. «Chacun doit faire sa part pour atteindre l’Objectif de développement durable consistant à diviser par deux le niveau des eaux usées non traitées et promouvoir la réutilisation d’une eau sûre d’ici 2030. Il s’agit de gérer l’eau avec soin et de recycler celle qui est rejetée par les ménages, les usines, les fermes et les villes. Nous devons tous recycler davantage les eaux usées pour satisfaire les besoins d’une population en augmentation et préserver les écosystèmes».
Avec latribuneafrique