Le Premier Ministre Béninois, Lionel Zinsou, l’a recommandé spécialement comme « Le Prix Nobel du Numérique ». Ulrich Sossou, avez-vous entendu parler de lui? Peut-être que non, mais derrière les grands succès, se trouve un faiseur de rois, qui ne se montre pas.
Ulrich Sossou est un jeune Béninois de 28 ans qui, parti de rien, construit peu à peu un empire. Des études scientifiques aux études d’ingénierie, il est devenu l’un des chantres de l’émancipation économique de l’Afrique.
Je suis partie à sa rencontre, dans l’espoir secret, d’être touchée par la grâce Sossou, le nouveau nom de l’effet Midas.
Il n’y a pas de difficultés, il n’y a que des leçons. Il y a moins de dix ans, je me lavais dans la rue à Cadjèhoun, derrière une vieille feuille de tôle. La petite boutique, transformée en chambre à coucher, dans laquelle je passais les nuits avec des amis n’avait pas de douche. Je le faisais pour économiser de l’argent et lancer mon business.
Aider les autres à s’enrichir, n’est-ce pas là un drôle de métier ?
Il m’est difficile de définir ce que je fais en quelques mots en utilisant les termes professionnels habituels. Je définis donc mon métier par rapport à l’impact que j’ai sur les gens avec lesquels je travaille.
J’aide des créateurs à gagner de l’argent en faisant ce qu’ils aiment. Je forme des personnes qui auraient été au chômage aux nouveaux métiers du numérique. J’aide des entreprises à créer des produits pour réaliser leur mission, des organisations à but non lucratif à être plus efficaces, etc.
Toutes ces personnes, entreprises, organisations, le but de ma collaboration avec elles c’est de les rendre plus riches, non seulement en argent mais aussi en connaissance, en bonheur, en liberté, etc.
Takitiz, FlyerCo, Etrilabs et TEKXL. Seriez-vous un serial… entrepreneur ?
Takitiz, c’était ma première entreprise au Benin. Une agence web fondée à Cotonou en 2010 dont l’objectif était de vendre des solutions numériques a ses clients. Il y avait moins de 50.000 béninois sur Internet en ce moment-là. L’aventure n’a duré qu’un an.
FlyerCo est une entreprise créée en 2014 qui s’adresse aux agents immobiliers. Le marché auquel elle s’adresse principalement pour le moment est celui des USA où elle compte déjà plus de 7.000 agents immobiliers comme utilisateurs.
Etrilabs est une ONG créée en 2010 par Senam Beheton. Je ne l’ai rejoint que récemment. Nous travaillons avec d’autres ONG, gouvernements et organisations internationales à mettre en œuvre des solutions technologiques innovantes pour régler des problèmes sociaux.
TEKXL c’est l’incubateur que nous avons créé au Bénin, avec Senam Beheton, pour participer à la création d’un écosystème de startups et former les jeunes à créer des entreprises qui vendent dans le monde entier.
Donc, oui. Je suis un serial entrepreneur. Ma plus grande passion c’est de résoudre des problèmes de la vie quotidienne, ce qui conduit à la création d’entreprises pour assurer la pérennité de ces solutions.
Et dire qu’au départ, vous n’aviez même pas de quoi vous payer un ordinateur.
C’était de 2006 à 2008 environ. Je n’avais pas d’argent pour m’acheter un ordinateur, je n’avais même pas assez d’argent pour payer les heures au cyber. M’acheter un ordinateur et prendre une connexion à la maison étaient hors de prix.
J’ai donc dû travailler à partir d’un cyber café pendant environ deux ans. La majorité de mon argent servait à payer le cyber, et en plus j’avais des heures de navigation gratuites en aidant le gérant du cyber à maintenir leurs ordinateurs et leur réseau.
Qu’est-ce qui vous motive donc autant depuis 20 ans de passion ?
Ce qui me motive, c’est trouver des solutions aux problèmes que les gens rencontrent tous les jours. Aujourd’hui, le numérique est la façon de le faire rapidement sans utiliser de grandes ressources.
Le numérique c’est la façon de développer l’Afrique sans des milliards de dollars d’investissement. La lumière que je vois au bout du tunnel pour le continent africain en particulier, et pour la condition humaine en général, c’est ce qui me motive.
« Les diamants ne peuvent être conçus que sous la pression », êtes-vous né de la pression ?
La seule pression que j’ai, c’est celle que je me mets tous les jours, l’impression constante que je n’ai encore rien accompli de remarquable. Si je devais citer une chose plus adéquate que la pression pour expliquer ma vie jusqu’ici, je citerais l’amour avec tous les sacrifices qui viennent avec.
J’ai eu de la chance d’être éduqué par des personnes qui m’ont appris un amour inconditionnel pour les autres et pour ce que je fais.
Quelles sont les grandes réalisations de votre parcours ?
Je ne pourrai pas citer de grandes réalisations parce que je n’en vois pas. Je m’efforce constamment de faire que chaque chose que je réalise soit plus grande que la précédente. Mes grandes réalisations sont celles à venir.
Par contre je peux citer quelques événements qui m’ont inspiré :
- le premier contrat pour un client à l’international en 2006 qui m’a fait comprendre qu’il était possible d’avoir des clients dans le monde entier.
- la conception d’une plateforme de cours en ligne pilote pour l’Université de Stanford, la meilleure université en Informatique, en 2011-2012 , qui m’a montré que mes compétences étaient rares et appréciées.
- La conception d’une application Web pour faciliter la création de pages de ventes pour un client au Royaume Uni en 2013 qui a rapporté plus de 3 milliards de F CFA (5 millions de dollars) de revenus en moins de 6 mois.
Et quelles grandes autres réalisations visez-vous ?
Mon objectif actuel est de participer à la création en Afrique francophone d’écosystèmes de start-ups de classe mondiale au cours des 5 prochaines années. Si nous réussissons, dans 5 ans, il y aura plusieurs entreprises avec des centaines de millions de dollars (centaines de milliards de francs CFA) de capitalisation à Cotonou, à Dakar, à Libreville, et autres grandes villes d’Afrique francophone. Ces entreprises emploieront des milliers de personnes.
Si nous réussissons, dans 5 ans, il y aura plusieurs entreprises avec des centaines de millions de dollars (centaines de milliards de francs CFA) de capitalisation à Cotonou, à Dakar, à Libreville, et autres grandes villes d’Afrique francophone. Ces entreprises emploieront des milliers de personnes.
Devrait-on résumer votre success story à celle du geek, accro aux mangas et aux pizzas qui a eu de la chance ?
Je n’aime pas particulièrement les mangas, les pizzas, ou autres stéréotypes qui caractérisent le geek de nos jours. Et si je compte le nombre de mes échecs, je fais un piètre chanceux.
Si vous étiez Mentor de l’Etat Béninois, quel est le premier conseil que vous lui donneriez ?
Se concentrer. Aujourd’hui lorsque les dirigeants politiques parlent de développer le pays, ils ont un plan pour tous les secteurs à la fois. Il ne faut pas qu’on disperse le peu de ressources disponibles. Il faut d’abord cibler quelques secteurs à très forte valeur ajoutée, les développer. La valeur créée pourra être réinvestie ailleurs.
Le pays, étant l’un des moins riches du monde, a besoin qu’on s’intéresse à tous les domaines. Mais on ne peut se le permettre, compte tenu des ressources limitées. Il faut de la discipline.
Et quels conseils donneriez-vous aux jeunes béninois en difficultés ?
Il n’y a pas de difficultés, il n’y a que des leçons. Il y a moins de dix ans, je me lavais dans la rue à Cadjèhoun, derrière une vieille feuille de tôle. La petite boutique, transformée en chambre à coucher, dans laquelle je passais les nuits avec des amis n’avait pas de douche. Je le faisais pour économiser de l’argent et lancer mon business.
Combien de jeunes Béninois sont prêts à faire cela ? D’autres auraient préféré prendre un appartement, acheter une moto, manger à leur faim, etc. Quand l’on veut réussir, on doit faire des sacrifices et ne jamais croiser les bras. Quand je vois des jeunes qui ont un toit, qui mangent à leur faim, qui sont en bonne santé, qui sont allés à l’école et qui se plaignent de difficultés, cela m’attriste. Ils n’imaginent pas toutes les chances qu’ils ont.
Je ne nie pas qu’il y ait des gens qui ont des raisons de se plaindre. Il y en a qui n’ont pas du tout de quoi manger. Il y en a qui sont en très mauvaise santé. Ceux-là peuvent se plaindre des difficultés. A ceux-là, je ne peux m’adresser parce que je n’ai jamais été dans une telle détresse.
Mais tous les autres, qui constituent la majorité, le premier conseil que je peux leur donner, c’est d’apprendre quelque chose de nouveau chaque jour. Apprendre permet d’élargir le champ des possibilités, de créer de nouvelles opportunités. Apprendre permet d’entrevoir la lueur au bout de la route qui nous permet d’avancer et de réussir.
Le second conseil, c’est de ne pas sombrer dans le désespoir. Quand on se laisse aller au désespoir, il est difficile de s’en sortir.