Déterminé à réformer le pays de fond en comble, le chef de l’État, Patrice Talon, avance vite. Trop, peut-être ? Car son style directif et ses liens avec les milieux d’affaires, dont il est issu, suscitent déjà bien des critiques…
Il est déjà presque 20 heures, ce 16 décembre 2016. Le lancement du Programme d’action du gouvernement (PAG) vient de s’achever : la cérémonie a commencé pile à l’heure mais a été plus longue que prévu. Patrice Talon fait durer le plaisir. Il convoque une photo de famille – lui devant, les autres derrière –, salue les principales personnalités présentes dans la salle du peuple du palais présidentiel, prend son temps, comme s’il voulait profiter au maximum de ce moment.
On vient le saluer, le féliciter. Le Tout-Cotonou est à ses pieds. Pendant près de trois heures, en direct sur l’ORTB (la chaîne publique), ses ministres, qu’il a lui-même coachés, se sont succédé à la tribune, les yeux rivés sur leur prompteur, pour vendre ce plan comme on fait la promotion du dernier produit d’une grande marque.
Homme de scène
Le président béninois est un homme de coups médiatiques. Cette cérémonie se devait d’en être un. Il voulait marquer les esprits, alors il fait un show, intervenant dans des séquences faussement improvisées. C’est beau, ça brille.
Le spectacle concocté par les équipes de Richard Attias ferait presque oublier que, pour Patrice Talon, le lancement du PAG, combiné au vote à l’unanimité par l’Assemblée nationale du budget 2017, arrive à point nommé. Car, alors que le Bénin fait face à une grave crise économique, le mode de gouvernance du nouveau chef de l’État fait polémique.
Dans les rues de Cotonou, sur ses grands marchés, où les conséquences de la chute du naira, la monnaie nigériane, se font sentir au quotidien, « la rupture » (le slogan de campagne de Talon) est souvent blâmée, tenue responsable du moindre problème.
Des pratiques novelles
Il faut dire que l’ancien homme d’affaires ne ménage pas son monde – y compris les Béninois. En moins d’un an, il a bousculé les pratiques traditionnelles de l’exercice du pouvoir. Peu friand des grands-messes continentales, il avait fait l’impasse sur son premier sommet de l’UA en juillet pour marier sa fille à Paris et, selon nos informations, ne devrait pas se rendre au prochain, fin janvier à Addis-Abeba.
« Qu’est-ce que cela va me rapporter », a-t-il répondu à un de ses proches qui tentait de le convaincre. « C’est un bourreau de travail, méticuleux, qui s’implique directement dans tous les dossiers et veut avoir une maîtrise totale », affirme un collaborateur. Il travaille entouré d’un petit cercle de proches et fait peu de cadeaux.
« Pendant la campagne, une rumeur prétendant que Talon avait en sa possession des conteneurs de Mouammar Kadhafi a été lancée par l’ancien régime, raconte l’un de ses proches. Beaucoup au sein de la population ont cru qu’une fois au pouvoir il déverserait cet argent. Or il est allé chercher deux banquiers, Abdoulaye Bio-Tchané et Pascal Koupaki, et a serré les vis. »
Avec Jeune Afrique