Le Baromètre Mondial de l’Innovation, dont l’édition 2016 a été publiée en avril, est un sondage international des dirigeants d’entreprises sur leur perception des processus d’innovation et de créativité. Parmi les pays concernés dans cette étude (commandée par GE) figurent trois pays Africains qui représentent les premières économies du continent : Afrique du Sud, Algérie et Nigéria.
L’analyse des réponses permet d’identifier les moteurs et les freins en matière d’innovation, et ce dans une double approche comparative : d’abord entre les pays africains et d’autres régions du monde, ensuite entre les pays africains eux-mêmes, et plus globalement entre les grands pôles qu’elles représentent (Afrique de l’Ouest, Afrique du Nord et Afrique Australe)
Les réponses des centaines de cadres dirigeants interrogés dans ces pays donnent ainsi un très bon aperçu de l’évolution de l’environnement économique, ainsi que les processus de prise de décisions et de gestion de la stratégie d’innovation dans les entreprises.
En dépit des obstacles auxquels font face les acteurs économiques et du manque de ressources auxquels ils peuvent être confrontés, la créativité et l’innovation semblent représenter de puissants leviers de développement pour les économies africaines. Quelles leçons peut-on tirer de ce baromètre ?
UN OPTIMISME ELEVE SUR LES ÉVOLUTIONS ÉCONOMIQUES FUTURES
Le Baromètre Mondial de l’Innovation s’est penché sur la perception des évolutions annoncées dans l’environnement économique, en particulier sur la perspective d’une « quatrième révolution industrielle » (basée sur les objets connectés et les potentialités que cela offre). La tendance mondiale est à l’optimisme, puisque plus des deux tiers (68%) des dirigeants interrogés expriment leur confiance dans ces changements annoncés. Les pays africains étudiés sont encore plus optimistes et sont même parmi les plus optimistes !
Les pays africains sont parmi les plus optimistes au monde sur la perspective d’une nouvelle révolution industrielle.
Le Nigeria est à la troisième position mondiale, avec 86% d’optimistes par rapport à la quatrième révolution industrielle, suivi par la Turquie et l’Algérie (84%). L’Afrique du Sud est juste au-dessus de la moyenne mondiale, avec 70% de réponses positives.
Cette confiance dans l’avenir peut conforter la perception de l’innovation comme opportunité, à l’inverse de certains pays anciennement industrialisés qui peuvent la percevoir comme menace. Au Japon, seuls 33% des dirigeants se déclarent optimistes, alors même que le Japon est considéré par les autres comme un champion mondial de l’innovation, juste après les Etats Unis. Même sentiment en Allemagne (39%), et dans en moindre mesure, en Corée du Sud (50%).
L’impact de l’innovation sur l’emploi, sujet anxiogène de longue date avec la peur d’être « remplacé par des machines », n’est pas perçu négativement dans cette enquête : plus des deux tiers (75%) des intéressés considèrent que le changement aura un impact positif ou neutre sur l’emploi.
LES TECHNOLOGIES DE RUPTURE: MENACE OU OPPORTUNITÉ ?
Le baromètre de l’innovation dresse un constat intéressé sur les technologies de rupture, c’est-à-dire sur une innovation technologique qui ne fait pas qu’améliorer un produit ou un service existant, mais modifie fondamentalement le marché en détrônant la technologie dominante. Le lecteur MP3 a ainsi constitué une technologie de rupture sur le marché par rapport aux cassettes et CD, de même que la photographie numérique a constitué une rupture par rapport à la photographie argentique (auquel des entreprises leaders depuis des décennies, comme Kodak, n’ont pas su faire face).
Les dirigeants interrogés ont ainsi été amenés à se positionner sur le concept de « darwinisme digital », à savoir sur la possibilité de devenir « obsolète » (et éventuellement de disparaitre) en devenant inadapté à un environnement qui a subi des changements très rapides. Dans l’ensemble du panel, 81% des acteurs partage cette crainte. Les pays Africains sont globalement en ligne avec cette tendance, même si cette crainte semble plus ressentie en Afrique du Sud et au Nigeria (respectivement 86% et 85%) qu’en Algérie (75%).
Cette crainte par rapport aux technologies de rupture peut influencer une volonté de protéger son « cœur de marché », à savoir les produits et les services qui font le succès actuel de l’entreprise et dont il faut préserver les revenus et la rentabilité le plus possible, éventuellement pour les investir dans l’innovation ensuite.
Ce comportement est nettement plus présent dans les pays Africains qu’ailleurs. L’Afrique du Sud est ainsi le pays dans lequel la proportion observée est la plus élevée au monde : 77% des dirigeants interrogés considèrent que la protection du cœur de marché est une priorité. Elle est suivie de près par le Nigeria (4éme rang mondial), puis de l’Algérie, qui se situe dans la moyenne mondiale avec 64% de réponse positive.
QUELLES STRATÉGIES D’INNOVATION ?
La perception des stratégies d’innovation au sein des entreprises est moins évidente dans les pays Africains… Les trois pays concernés se situent nettement en dessous de la moyenne mondiale dans la réponse à la question : « Votre entreprise a-t-elle une stratégie d’innovation claire ? ». Alors que 68% de l’ensemble des dirigeants interrogés répondent par l’affirmative (un « oui » qui culmine en France avec 88%), seuls la moitié des dirigeants africains pensent que c’est le cas (56% en Afrique du Sud et au Nigeria, 49% en Algérie). Fait étonnant, le Japon se situe encore plus loin, à 38%…
Enfin, une dernière indication sur la perception du temps de retour sur investissement : les entreprises africaines acceptent moins l’idée d’un retour sur investissement éloigné dans le temps que dans d’autres régions du Monde. Alors que 40% des entreprises en Allemagne et 37% aux États-Unis se disent prêtes à accepter d’investir sur une technologie dont ils récolteraient les fruits sur le long terme, seuls 9% des entreprises algériennes seront prêtes à l’accepter (17% en Afrique du Sud, 16% au Nigeria). Des positions en dessous de la moyenne mondiale (21%), mais proches de celles du Japon (4%) et de la Corée du Sud (14%).
L’AVENIR DE L’INNOVATION EN AFRIQUE
Le principal enseignement du Baromètre Mondial de l’Innovation en 2016 sur la perception des dirigeants Africains peut être résumé en un triple constat prometteur: nous observons tout d’abord un optimisme affiché sur le futur et ses potentialités (supérieur à la moyenne mondiale), une insatisfaction manifeste sur la performance actuelle (indiquant volonté de faire plus et mieux), et une lucidité sur les menaces qui peuvent se poser, notamment avec les technologies de rupture (en ligne avec la moyenne mondiale).
Un triple constat prometteur: optimisme sur le futur, insatisfaction sur la performance actuelle, et lucidité sur les menaces.
C’est donc avec un état d’esprit équilibré, à même de saisir les rapides changements à l’œuvre et de parer les risques qu’ils comportent, que les cadres d’entreprises Africains peuvent être en mesure d’anticiper, d’orienter et de maitriser des processus d’innovation pour en faire une source de développement économique et d’amélioration de la qualité de vie de leurs concitoyens.
Avec L’Afrique des Idees