Dans le royaume, son nom est encore lié au souvenir du plus grand scandale du secteur. Souhaitant faire table rase de ses déboires passés, le groupe bancaire s’est modernisé.
Dans les milieux d’affaires marocains, le nom de CIH Bank(anciennement Crédit immobilier et hôtelier) renvoie encore au souvenir du plus grand scandale bancaire de tous les temps.
En 2001, un rapport d’une commission d’enquête parlementaire avait dressé une liste accablante de dysfonctionnements au sein de cet ancien office financier spécialisé créé sous le protectorat français en 1920 : non-maîtrise du métier de banquier, dilapidation des fonds, mauvaise gestion, clientélisme, absence ou inadéquation des procédures de contrôle… Autant de turpitudes qui avaient conduit à une gabegie estimée à l’époque à plusieurs dizaines de milliards de dirhams (plusieurs milliards d’euros) de créances en souffrance.
Des dysfonctionnements fructueux
« Tout cela est derrière nous », affirme Ahmed Rahhou, président-directeur général de CIH Bank. Pour lui, ces lacunes sont même devenues une source de revenus exceptionnels. En effet, depuis qu’il est arrivé aux manettes, en 2009, la banque récupère en moyenne entre 40 et 100 millions de dirhams chaque année grâce au recouvrement de créances à l’amiable. « Le gisement de dossiers qui restent à assainir nous permettra de dégager des revenus pour cinq ans encore, au minimum », précise le patron de la banque.
Pour renaître de ses cendres, CIH Bank s’est modernisé en misant sur le numérique. L’ensemble du système d’information a été mis à plat pour changer de modèle : le conglomérat de petites agences isolées les unes des autres est devenu une banque centralisée ; chaque client peut gérer ses comptes depuis n’importe quelle agence, mais aussi sur internet. Prêt à toute collaboration pour étendre la liste des opérations réalisables à distance par ses clients, le groupe a lancé, début avril, une expérience pilote avec le fisc marocain : la dématérialisation de la restitution de l’impôt sur le revenu liée à l’acquisition d’un logement.
Pour étoffer sa clientèle, la banque s’est logiquement attaquée au segment des jeunes, sachant que la plupart des Marocains se bancarisent le plus souvent au moment où ils reçoivent leur premier salaire.
LA JEUNE CLIENTÈLE A ÉTÉ LA PLUS RÉCEPTIVE À NOS OFFRES DE MOBILE BANKING ET DE HOME BANKING, QUI NOUS PERMETTENT D’OPTIMISER NOS COÛTS
« Comme nous le pressentions, cette clientèle consomme la banque différemment. Elle a été la plus réceptive à nos offres de mobile banking [via un téléphone portable] et de home banking [banque à domicile], qui nous permettent d’optimiser nos coûts de traitement en agence », explique Ahmed Rahhou. L’offre Code 30 lancée par CIH Bank en 2016 pour les moins de 30 ans leur permet de bénéficier à vie d’une gratuité des frais de tenue de compte.
En parallèle de sa stratégie numérique, CIH Bank a également étoffé son réseau pour garder un pied dans son domaine d’activité historique, le crédit immobilier. Ahmed Rahhou revendique toujours la place de leader de son entreprise en matière de crédits sociaux, notamment ceux adossés à des fonds de garantie. Le groupe bancaire s’est aussi positionné dans le domaine de la finance islamique, dite « participative » au Maroc, qui vient d’y être autorisée. En partenariat avec un opérateur confirmé dans ce domaine, Qatar International Islamic Bank, il a créé une filiale consacrée à cette activité : Umnia Bank.
Pionnier sur les rails du numérique au Maroc
Les effets de cette stratégie de numérisation, tournée vers de nouvelles clientèles – sans pour autant abandonner son métier traditionnel – se font déjà ressentir. « Nous ouvrons plus de 100 000 comptes par an », se félicite Ahmed Rahhou, qui indique que les dépôts collectés par CIH Bank progressent à raison de 3 milliards de dirhams chaque année.
Et les autres agrégats financiers de l’entreprise sont au vert : le produit net bancaire tout comme le résultat d’exploitation ont progressé, respectivement de 3,2 % et de 3,7 %. Quant aux encours de crédit, ils sont en hausse de 8 %.
Pionnier sur les rails du numérique au Maroc, CIH semble avoir un train d’avance sur ses concurrents. Mais il devra continuer à investir pour ne pas se faire rattraper par des groupes bancaires aux moyens financiers massifs – au premier rang desquels Attijariwafa Bank, en embuscade, qui affiche également ses ambitions en la matière.
Sauvés par les frais
Les huit établissements bancaires cotés à la Bourse de Casablanca ont dégagé 10,6 milliards de dirhams (988 millions d’euros) de bénéfice au terme de l’exercice 2016. Dans le lot, CIH Bank fait figure de petit Poucet avec son résultat net de 452 millions de dirhams, soit dix fois moins que la première banque commerciale du pays, Attijariwafa Bank.
L’année écoulée a été des plus compliquées : les banques ont dû jouer aux équilibristes pour préserver la croissance de leurs marges d’intérêt dans un contexte marqué par le recul des crédits et la montée des créances en souffrance. Ce sont leurs marges sur commission, en forte progression partout, qui leur ont permis de sauver la mise. CIH Bank a par exemple facturé pour 215 millions de dirhams de frais bancaires en 2016, soit 17 % de plus qu’en 2015.
Avec jeuneafrique