Les plus grandes banques termineront une autre année la tête haute si l’on se fie aux prévisions.
Six analystes prévoient en effet une hausse de 10 à 14% des bénéfices pour le quatrième trimestre qui sera dévoilé entre le 27 novembre et le 6 décembre.
La Banque Scotia ouvre le bal. Canadian Western Bank ferme la marche.
D’où provient cette croissance soutenue? D’une hausse de 8% des revenus, d’une légère amélioration des marges d’intérêts, de gains d’efficacité de 2% et de provisions pour pertes pour prêts encore modestes, résume Sohrab Movahedi, de BMO Marchés des capitaux.
Les banques BMO et Nationale devraient relever leur dividende respectif de 3%.
La grande question, soulevée à chaque trimestre, est de savoir si ces bons résultats seront suffisants pour raviver le cours des banques en Bourse.
Les six banques ont cédé 8% depuis le début de l’année par rapport au déclin de 7% l’indice torontois S&P/TSX.
À cet égard, les analystes marchent un peu sur des oeufs parce que les perspectives sont incertaines.
«À la fin de 2017, les banques visaient une croissance de 5 à 10% de leurs profits à moyen terme. Je ne crois pas qu’elles seront aussi affirmatives dans leurs commentaires de fin d’année cette-fois-ci», indique Mario Mendonca, de TD Valeurs mobilières.
Les banques amorcent une période de modération tant au niveau des revenus que des leviers de rentabilité. Les taux sur les dépôts augmentent aussi et la compétition est vive, dit-il.
On peut imaginer la répétition du troisième trimestre, qui avait vu des bénéfices de 2% supérieurs aux attentes, mais aucune révision à la hausse des prévisions de profits, estime Scott Chan, de Canaccord Genuity.
Comme le rappelle Robert Sedran, de CIBC Marchés mondiaux, le cycle économique est déjà bien avancé.
Les taux d’intérêt remontent ce qui refroidit la demande pour les hypothèques et la capacité dépensière des consommateurs.
Pour l’instant, la forte progression des prêts commerciaux compense pour le ralentissement résidentiel, mais l’an prochain pourrait voir une première remontée des provisions pour mauvaises créances, ce qui modérera la cadence des profits.
L’écart entre les intérêts versés sur les dépôts et les intérêts exigés sur les prêts est bénéfique aux marges, tout comme le levier de rentabilité que procurent les mesures d’efficacité instaurées par les banques depuis 2015.
La Banque du Canada a relevé son taux directeur à cinq reprises depuis un an.
«Le plancher record du cours du pétrole canadien ralentit l’économie albertaine, mais la croissance économique nationale et la création d’emploi sont encore favorables pour l’ensemble des affaires des banques», évoque John Aiken, de Barclays.
De surcroît, si les turbulences reprenaient de plus belle en Bourse, les titres bancaires pourraient bénéficier du rôle refuge que leur confèrent la stabilité de leurs affaires, leurs solides capitaux propres et le rendement de dividende de 4,3%, ajoute M. Aiken.
Phase de modération
Certains analystes émettent leurs premières prévisions pour 2020. Le portrait illustre bien le dilemme auxquels font face les investisseurs.
Dans le meilleur des mondes, la croissance des profits ralentira de la cadence de 11% en 2018 à 6% en 2019 puis à 5% en 2020, prévoit M. Chan, de Canaccord Genuity.
En d’autres mots, combien payer pour une croissance appelée à ralentir.
D’ailleurs, M. Chan diminue de 12 à 11 fois le multiple d’évaluation qu’il accorde aux banques, un niveau qui concorde à leur moyenne à long terme.
Ce geste réduit le cours-cible des banques de 7%, en moyenne.
Ces titres recèlent tout de même un potentiel de rendement total de 14%, composé du dividende de 4%, de la croissance de 5% des bénéfices et d’une hausse de 10 à 11 fois du multiple d’évaluation, entrevoit-il.
«Les titres s’échangent à un multiple de 10,1 fois les bénéfices prévus en 2019, une évaluation peu gourmande en fonction de la croissance des profits prévue l’an prochain et au rendement de l’avoir des actionnaires prévu de 16,5% », indique pour sa part M. Movahedi, de BMO.
L’évaluation des banques ressemble à celle qui prévalait lors du précédent plongeon du pétrole. Les banques avaient tout de même accru leurs bénéfices de 6% en 2015 et de 4% en 2016, rappelle M. Sedran.
M. Chan préfère la Banque T-D pour sa présence plus marquée aux États-Unis, pour la possibilité que son dividende augmente plus vite que celui des autres banques et pour ses capitaux propres qui sont les plus élevés de l’industrie.
La Banque BMO est son deuxième choix, aussi pour ses importantes activités américaines, sa solide division de gestion du patrimoine, la proportion élevée des prêts commerciaux en portefeuille par rapport aux hypothèques résidentielles, l’effet attendu de ses efforts d’efficacité et ses capitaux propres solides.
La Banque CIBC termine le trio grâce à une croissance soutenue des prêts personnels au Canada et aux États-Unis, le potentiel de bénéfices supérieures aux attentes modérées, son évaluation d’aubaine et le rendement élevé du dividende par rapport aux autres banques.
Comme M. Sedran de CIBC, M. Movahedi porte son choix sur la Banque T-D et la Banque Scotia en raison de leur croissance supérieure à celle de l’industrie.
Le titre de la Banque Scotia pourrait aussi voir son évaluation se rétablir après les inquiétudes soulevées par les tensions commerciales et l’intégration de plusieurs acquisitions récentes.
Son titre est devenu le deuxième moins chèrement évalué de l’industrie.
La Banque Scotia est aussi le premier choix de M. Mendonca, de TD. «Au cours de 2018, les investisseurs redonneront de la valeur à l’impact de ses récentes acquisitions sur les bénéfices de 2020. Cette réévaluation exige une bonne exécution et plus de transparence de la part de la banque».
Voici les prévisions de Canaccord Genuity
Banque, symbole/Croiss. du bén./Bén. par action
Banque de Montréal, BMO/+ 11%/2,25$
Banque Scotia, BNS/+ 4%/1,74$
Banque CIBC, CM/+ 6%/2,99$
Banque Nationale, NA/+ 3%/1,50$
Banque Royale, RY/+ 12%/2,14$
Banque T-D, TD/+21%/1,65$
Canadian Western Bank, CWB/+4%/0,77$
Banque Laurentienne, LB/- 20%/1,30$