Ce Camerounais est le deuxième cadre subsaharien à prendre la tête d’une filiale du groupe français. Et la promotion est à la hauteur de la tâche : redonner son statut de leader à la SGBS.
L’ascension a été météorique pour Georges Wega. Deux ans après son entrée au sein du groupe Société générale, ce directeur général adjoint de la filiale camerounaise quitte les berges du Wouri, le fleuve qui arrose Douala, pour prendre la tête de la Société générale de banques au Sénégal (SGBS). Et les choses sont allées vite. Le 14 juin, il assistait à un conseil d’administration de la Société générale Cameroun, puis s’envolait le lendemain pour la capitale sénégalaise afin d’y prendre la température.
Le groupe bancaire français poursuit ainsi sa politique de promotion de cadres africains à la tête de ses filiales continentales. Le Camerounais devient, à 46 ans, le deuxième Subsaharien à être promu, après l’Ivoirien Sionlé Yéo , qui dirige la filiale ghanéenne. Sa nomination n’a surpris personne à Douala.
« Sa connaissance technique de la banque forçait le respect parmi nous », affirme Samuel Kotto Ndoumbe, ancien patron de Banque Atlantique Cameroun et aujourd’hui dirigeant du cabinet Matys Capital, qui l’a côtoyé lors des réunions de l’Association professionnelle des établissements de crédit du Cameroun.
Effacer les conséquences des échecs passés
Mais la tâche ne s’annonce pas de tout repos pour Georges Wega, qui n’a pas souhaité s’exprimer pour le moment. Longtemps leader incontesté sur la place dakaroise, la SGBS s’est à un moment endormie sur ses lauriers et a multiplié les crédits douteux, aussi bien aux particuliers qu’aux entreprises. En partie contrainte par le régulateur, elle a alors entrepris de se conformer aux normes prudentielles de Bâle II.
« Elle a dû passer 90 milliards de F CFA [137 millions d’euros] de provisions entre 2012 et 2014 sur la partie gestion de ses crédits, déclarait le directeur général sortant, Yann de Nanteuil, en mai 2015. Cela représente plus d’une fois et demie le chiffre d’affaires de la banque sur une année. Aujourd’hui, on est aux normes. Mais c’était une période difficile. »
En effet, 2014 fut une annus horribilis pour la SGBS, qui a enregistré une perte nette de 36,4 milliards de F CFA. Les créances en souffrance ont explosé de 34 % en un exercice, pour atteindre plus de 181 milliards de F CFA. Cette situation critique a amené la commission bancaire de l’UEMOA à l’obliger à effectuer d’importantes provisions. Celles-ci ont du reste bondi de plus de 131 %.
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Comme si cela ne suffisait pas, elle a été reléguée au second rang des banques du Sénégal par la Compagnie bancaire de l’Afrique occidentale (CBAO), chapeautée par le marocain Attijariwafa Bank. Une pilule difficile à avaler pour un groupe habitué à jouer les premiers rôles en Afrique.
Pour ne rien arranger, le groupe français doit s’attaquer à de gros débiteurs, dont les plus médiatisés sont l’industriel sénégalo-libanais Zoheir Wazni et le Groupe Tarraf, actif dans le secteur agroalimentaire. Des procédures judiciaires ont été lancées contre eux, mais aussi contre plusieurs particuliers et PME.
En matière de contentieux bancaire, la SGBS se classe en deuxième position au Sénégal (20,97 %), derrière CBAO (29,03 %), sur un échantillon de 269 arrêts rendus par la cour d’appel de Dakar entre 2008 et 2015, d’après une étude publiée fin mai par la Direction de la monnaie et du crédit du Sénégal. C’est dire le climat chargé dans lequel le nouveau directeur général va être plongé.
Il a une connaissance des problématiques de marché qui dépasse le cadre d’un seul pays
Mais Alexandre Maymat, le patron Afrique de la Société générale, reste confiant : « Yann de Nanteuil a fait un gros travail de restructuration de la filiale sénégalaise, avec un assainissement du portefeuille de risque ou encore une mise à niveau de l’organisation. Après la période où la banque a été bousculée, chahutée, une phase d’apaisement assez naturelle arrive. Et l’expérience de Georges Wega lui a donné de l’entregent, une connaissance des problématiques de marché qui dépasse le cadre d’un seul pays. »
Excellente réputation
Dans son itinéraire professionnel, l’escale camerounaise n’aura duré que six années. Après avoir obtenu un bac scientifique en 1987 au lycée Général-Leclerc de Yaoundé, ce fils de fonctionnaire s’envole pour Montréal.
En 1994, son diplôme d’ingénieur de génie industriel de l’université du Québec en poche, celui que ses parents ont également nommé King, en hommage à Martin Luther King, est recruté par la Société canadienne des postes, à Ottawa, et en gravit les échelons. Parallèlement, il distille ses conseils en optimisation des systèmes de production en Europe et en Amérique, tout en enseignant cette matière, mais aussi l’économie, la finance et la comptabilité à l’université du Québec, à Hull.
Il quitte la poste canadienne en 2003 et part travailler pour General Electric à Bruxelles ainsi qu’à Amsterdam et pour la banque Barclays à Londres, avant de poser ses valises à Lagos. Débauché par le milliardaire Tony Elumelu, qui en fait son conseiller, il contribue à arrêter la stratégie du groupe United Bank for Africa (UBA), en pleine mutation.
Il aide à son repositionnement au Nigeria par la création de pôles nord et sud et par celle d’un troisième, consacré au reste du continent. Sous sa direction s’effectueront aussi la segmentation (particuliers, PME et grands comptes) et la création de filiales spécialisées, dont UBA Properties, consacrée à l’immobilier, qu’il restructurera pendant une année et demie.
Au-delà des chiffres, il s’est surtout battu pour l’augmentation du niveau des salaires
Puis Georges Wega part retrouver son pays natal. Il obtient le poste de directeur général adjoint d’UBA Cameroun en 2010 et en devient le patron quelques mois plus tard. Sous sa conduite, la filiale conforte sa croissance. Les bénéfices progressent de 3,9 milliards de F CFA (+ 229 %) entre 2011 et 2014, tout comme le total de bilan (136,9 milliards de F CFA, + 141,3 %). « Il est infatigable et perfectionniste. Il a su trouver les opportunités pour permettre à la banque de franchir un cap », confie un cadre d’UBA. Mais, « au-delà des chiffres, il s’est surtout battu pour l’augmentation du niveau des salaires », reconnaît une ancienne collaboratrice.
« Sa formation d’ingénieur l’oblige à se fixer des objectifs opérationnels et à mettre la pression sur ses collaborateurs. Mais son mode de gestion participatif l’amène à multiplier les réunions pour rechercher le consensus », poursuit le cadre d’UBA, qui ajoute toutefois que son franc-parler peut parfois heurter ses interlocuteurs.
Son débauchage par la Société générale, en juillet 2014, en a surpris plus d’un dans le milieu bancaire local, d’autant qu’il devait occuper un poste de directeur général adjoint dans une filiale qui en possédait déjà un. Sa promotion à Dakar semble à tout le moins indiquer que son examen de passage a été couronné de succès.
avec jeuneafrique