Plus de guichetier. Plus de conseiller. Plus personne. Juste des machines. Est-ce l’agence bancaire du futur ? Elle existe déjà, à Denver et Minneapolis, où Bank of America vient d’en ouvrir trois depuis le début de l’année. Une mini-agence entièrement automatisée, quatre fois moins grande qu’une agence classique, et sans aucun employé. On y accède avec sa carte bancaire, il y a des automates pour retirer de l’argent, déposer des espèces ou un chèque, mais pas de caisse. Un dispositif permet au client d’échanger à distance, par visioconférence, avec un vrai conseiller d’une autre agence, s’il a besoin d’être renseigné pour une demande plus sophistiquée, comme souscrire un prêt.
La deuxième plus grande banque américaine en termes d’actifs, la première en termes de dépôts, a évoqué ce nouveau concept de « robot-banque », à mi-chemin entre l’agence physique classique et le 100% virtuel, incidemment, lors d’une réunion avec des investisseurs.
« C’est juste un test », a expliqué une porte-parole au Washington Post. « On ne l’a pas largement déployé. On va voir comment les choses se passent, ce que l’on peut en apprendre, et on décidera ensuite ».
Suppression de l’accueil, des caisses, fermetures
Ce sont des nouvelles agences, qui ne remplacent pas d’anciennes dont on aurait fermé le guichet et l’espace conseil : elles doivent permettre à la banque de pénétrer des régions où elle est peu présente, à moindre coût. Comme ses concurrentes aux Etats-Unis et en Europe, Bank of America a rationalisé son réseau physique, du fait de la baisse de la fréquentation et de l’explosion des usages numériques : elle a fermé plus de 1.300 agences en six ans et en compte un peu moins de 4.600.
Va-t-on voir bientôt des agences sans conseiller en Europe, en France ?
Suppression de l’accueil, des caisses, espaces libre-service aux horaires élargis, fermetures d’agences et regroupements par pôle : les dernières évolutions vont toutes dans le même sens, plus de self-service, moins d’effectifs, de façon plus ou moins graduelle. En Belgique, ING a annoncé cet automne la suppression de la moitié de son parc, soit 600 agences, dans les trois ans à venir. En France, Société Générale et Crédit Agricole Ile-de-France, entre autres, ont supprimé les personnels d’accueil de certaines agences, remplacés par des bornes d’orientation où le client s’identifie et précise s’il a rendez-vous, attend dans un petit salon d’accueil avec un café, les conseillers se répartissant les tâches d’accueil en amont par tranche horaire (c’est l’« accueil partagé »). Mais pas d’agence 100% robot en vue, selon Régis Dos Santos, le président du Syndicat national des banques (SNB/CFE-CGC).
« Je n’ai pas entendu parler de projet d’agence à zéro employé », nous confie-t-il. « BNP et Société Générale testent des agences à un seul salarié. Nous, au syndicat, cela nous interpelle pour des questions de sécurité : même s’il n’y a pas de caisse, il y a un risque qu’un petit délinquant s’y attaque, c’est dangereux. Je m’interroge sur l’utilité de ce type d’agence : créer une étape entre l’agence physique et le digital n’apporte pas grand-chose et représente un investissement qu’il vaut mieux faire ailleurs, dans le numérique notamment ».
Self-banking intégral
Les agences sont-elles encore utiles ? De nombreuses enquêtes montrent que les clients, français en tous cas, y sont encore attachés, tiennent à la proximité et sont rassurés par la possibilité de rencontrer un conseiller en chair en os, en cas de souci, même ceux qui n’y mettent quasiment plus les pieds, et même les plus jeunes. Si les banques traditionnelles réduisent trop leur réseau, comment se différencieront-elles des banques en ligne et des néobanques 100% mobiles, apôtres du self-banking intégral ? Tous les experts insistent sur la nécessité d’investir dans la formation des personnels pour prodiguer de vrais conseils et monter en expertise. Et la visio, comme chez Bank of America, commence à être utilisée dans les agences bancaires, en interne mais aussi parfois avec des clients, dans un bureau de l’agence, pour leur donner accès à des experts pointus à distance.
Les raisons de venir en agence se font cependant de plus en plus rares, entre les sites web et les applis mobiles qui permettent de réaliser un tas d’opérations en quelques clics (consultation du solde, virement, etc.) et le développement du paiement sans contact (dont le plafond vient d’être relevé de 20 à 30 euros) qui diminue le besoin d’espèces.
« L’agence bancaire est morte. L’iPhone l’a tuée. C’est comme le maréchal-ferrant à l’arrivée de l’automobile », compare, catégorique, un ancien banquier et sénateur américain, Peter Fitzgerald, interrogé par le Washington Post.
Pour la première fois, en 2016, une banque française ayant l’un des tous premiers réseaux de distribution a enregistré une baisse, proche de 5%, du nombre de transactions sur ses automates. Le numérique ne provoque pas seulement des suppressions d’emplois dans la banque, il va aussi mettre au rebut des machines anciennes, aux systèmes dépassés, qui seront remplacées par de l’intelligence artificielle. A l’image durobot coach financier parlant qui prodigue des conseils à haute voix, Erica, testé lui aussi par Bank of America.
Avec latribune