Entre une croissance en hausse et une réglementation en mouvement, les deux secteurs, banques et assurances sont de plus en plus ouverts. De quoi bousculer le statu quo.
«L’environnement bancaire est mûr pour un peu de perturbation ! » L’avertissement est venu de Johan Van der Merwe, ex-baron de Sanlam, premier assureur africain. Patrice Motsepe, le milliardaire de Soweto, l’a débauché pour diriger African Rainbow Capital Investments. Ce véhicule financier vise une licence bancaire pour bousculer dès 2018 le statu quo sur un marché dominé par une demi-douzaine d’acteurs, le plus souvent contrôlés par des investisseurs internationaux.
Les signes d’effervescence, dans la banque comme dans l’assurance, sont visibles sur tout le continent. Une embellie qui reflète en partie l’amélioration de l’environnement macroéconomique en Afrique subsaharienne, avec une croissance attendue à 3,4 % en 2018, contre 2,6 % estimés en 2017 et 1,4 % en 2016, selon le FMI.
Dynamique et transactions
« La dynamique de 2017 devrait se poursuivre avec la prise de contrôle effective et la montée en puissance de plusieurs acteurs régionaux qui ont signé des contrats importants », renchérit Sofiane Lahmar, associé chez Development Partners International (DPI), capital-investisseur britannique qui gère 1 milliard de dollars d’actifs en Afrique.
Le marocain Attijariwafa Bank, leader en Afrique du Nord, a par exemple lancé un nouveau plan stratégique 2017-2022 dans l’objectif, d’après Mohamed El Kettani, son PDG, « de renforcer significativement sa position dans le paysage bancaire égyptien », notamment à la suite du rachat de la filiale locale du britannique Barclays. Une autre transaction majeure est d’ores et déjà prévue en 2018 : la cession par Emerging Capital Partners (ECP) de sa participation de 60 % dans l’opérateur bancaire panafricain Oragroup, annoncée en septembre 2017.
Le regain d’activité attendu en Afrique est également lié à une évolution de la réglementation sur les fonds propres des groupes financiers, qui devrait donner lieu à une vague de consolidations. Ainsi, les établissements marocains doivent se préparer à un passage de 80 % en 2017 à 100 % en 2019 du ratio de liquidité bancaire. La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest impose aussi depuis juillet 2017 un capital social minimal de 10 milliards de F CFA (15,2 millions d’euros).
« Big bang »
L’évolution la plus remarquable est attendue dans un autre secteur : le régulateur de la Conférence interafricaine des marchés d’assurances (Cima, qui couvre quatorze pays subsahariens) a décidé que le capital minimum devait passer de 1 milliard à 3 milliards de F CFA en 2019 et à 5 milliards en 2021.
Un véritable « big bang », selon la formule du financier Paul Derreumaux. « L’augmentation du capital minimal en zone Cima aura un impact considérable et se traduira probablement par des acquisitions, des fusions, mais aussi des fermetures », prédit Roland Lewe, directeur général adjoint d’Activa Assurances Cameroun, qui ajoute : « Le régulateur entend favoriser la consolidation des marchés. »
« Il ne faut jamais sous-estimer l’esprit d’entreprise des acteurs locaux en Afrique » assure Matthew Myers de LeapFrog
Activa se lance d’ailleurs en RD Congo, preuve qu’il y a de la place pour la croissance des champions régionaux africains. Comme un signal envoyé aux colosses de Munich (Allianz), Paris (Axa) et Londres (Prudential), qui, ces dernières années, ont réalisé d’importantes acquisitions au Maroc, au Nigeria et au Ghana.
Un avis partagé par Matthew Myers de LeapFrog, un investisseur actif dans les services financiers africains (assurance, transferts de fonds, inclusion financière), pour qui « il n’y a pas lieu de craindre un effet d’éviction des investisseurs locaux par les fonds étrangers. Il ne faut jamais sous-estimer l’esprit d’entreprise des acteurs locaux en Afrique. »
Avec jeuneafrique