Cela fait longtemps que l’on connaît le problème des bactéries qui résistent aux antibiotiques. Ces molécules ne parviennent plus aussi bien à vaincre ces bactéries. Où en est-on de cette situation aujourd’hui ?
Stephane Gayet : Premièrement, aucun antibiotique n’est et n’a jamais été efficace sur toutes les bactéries pathogènes ou potentiellement pathogènes pour le corps humain et c’est heureux. Ainsi, toute espèce bactérienne est naturellement résistante à un ou plusieurs antibiotiques, c’est la résistance naturelle ou innée, cela sans n’avoir jamais rencontré le moindre antibactérien (niveau 0). Cette résistance naturelle, innée, génétique, caractérise les souches « sauvages ». À un degré de plus (niveau 1), il existe la résistance habituelle : elle est un peu plus élevée que la précédente, mais ne présente pas de difficulté thérapeutique lorsqu’il existe une infection ; elle varie bien sûr au cours des années.
À un degré de plus (niveau 2), on trouve la multirésistance, propriété pour une souche bactérienne de ne plus être sensible qu’à un petit nombre d’antibiotiques habituellement utilisés (bactéries multirésistantes ou BMR) ; il est alors difficile de traiter une personne infectée.
Au-dessus (niveau 3), on trouve les bactéries dites hautement résistantes ou BHR : elles ne sont plus sensibles qu’à très peu d’antibiotiques et il est très difficile de traiter un sujet infecté. Les BHRe sont des BHR émergentes qui constituent un très préoccupant problème de santé publique (BHR qui sont commensales du tube digestif, dont certaines entérobactéries, qui se transmettent facilement d’un sujet à l’autre et peuvent transmettre à d’autres bactéries leur pouvoir de résister). Le niveau 4 est un 2 niveau submaximal : il s’agit des bactéries ultra résistantes (BUR) qui ne sont plus sensibles qu’à un voire deux antibiotiques. Le niveau 5 est le niveau maximal : bactéries dites toto résistantes ou BTR ; elles sont résistantes à tous les antibiotiques et il n’existe plus de médicament efficace pour traiter une infection. On l’aura compris, le niveau 0 est naturel, inné, alors que les niveaux 1 à 5 sont acquis, adaptatifs.
Les bactéries résistantes parmi les plus préoccupantes aujourd’hui à l’échelle mondiale sont les entérobactéries productrices de carbapénémase ou EPC. Les entérobactéries vivent dans l’intestin de l’homme ou des animaux. Le suffixe « ase » désigne une activité enzymatique : une carbapénémase est une enzyme (produite par une bactérie) capable de rendre inactif un antibiotique du groupe des carbapénèmes. Pour situer les choses, il existe une petite quinzaine de familles d’antibiotiques ; parmi elles, la famille des bêtalactamines est majeure : historique (pénicilline), stratégique (action sur la paroi bactérienne, principale arme de défense passive), très vaste, puissante, rapide et bien tolérée ; au sein des bêtalactamines, il y a encore 4 groupes (les pénams ou pénicillines avec 6 sous-groupes ; les céphems ou céphalosporines avec 3 sous-groupes ; les monobactams ; les pénems ou carbapénèmes). Les carbapénèmes sont des antibiotiques à très large spectre, haut de gamme. Une personne infectée (donc malade) par une EPC est vraiment difficile à traiter (trouver un antibiotique encore efficace et utilisable). C’est le cas de cette personne récemment décédée (BTR).
Avec atlantico.fr