L’Afrique a du mal à commercer avec l’Afrique. C’est la principale conclusion qui se dégage d’une analyse de la Cooperative Rabobank UA, sur l’avenir de la production sucrière du continent, alors que se profile la fin de l’accord d’accès préférentiel au marché européen dont dispose actuellement la production sucrière africaine.
L’expiration de cet accord, en septembre 2017, fermera les portes du vieux continent à une grande partie des exportations de sucre de l’Afrique subsaharienne en raison des barrières commerciales qui entreront en vigueur et de la faiblesse des infrastructures dont dispose le continent.
Face à cette échéance, les producteurs africains, qui dirigent vers l’Europe 1/5 de leurs récoltes estimées à 7,5 millions de tonnes, doivent se tourner vers d’autres marchés. L’Afrique subsaharienne, qui consomme plus de sucre qu’elle n’en produit, apparaît comme le débouché par excellence. Seulement, le déficit d’infrastructures transforme l’approvisionnement des différentes régions de cette partie du monde en parcours du combattant tandis que les taxations appliquées, qui varient d’un endroit à l’autre, font exploser les prix de ventes finaux.
Et pourtant, l’Afrique subsaharienne dont la consommation tournera autour de 10,2 millions de tonnes, cette année, présentera un déficit sucrier de 2,4 millions de tonnes, estime l’organisation sucrière internationale (ISO). Pour des pays comme l’île Maurice, le Mozambique ou le Swaziland qui dirigent la plus grande partie de leurs exportations vers l’Europe, ce tableau paraît théoriquement plus que favorable. Mais, ainsi que s’interrogeait Lindsay Jolly, consultante sénior à l’ISO, «La première question à se poser est : disposez-vous des infrastructures requises ? Avez-vous ces autoroutes du commerce à travers l’Afrique ? Et la réponse est : Non.»
A la question de savoir alors, quel futur s’annonce pour la production sucrière africaine et quels sont les leviers dont disposent les acteurs de la filière pour prendre en mains leur destin, les experts apportent plusieurs réponses. Ainsi, pour Jack Marian qui dirige les activités d’ED&F Man Holdings en Afrique orientale et australe, en dépit des barrières qui seront mises en place en 2017, une partie de la production africaine pourra toujours trouver un débouché en Europe méridionale car les expéditions de sucre depuis l’Afrique reviennent, à bien des égards, moins chères que celles en provenance de la partie septentrionale du vieux continent.
Cette option a été confirmée par Ruud Scheers, analyste sur le sucre à la Rabobank, qui confiait à Bloomberg : «L’Union européenne (UE) continuera à acheter du sucre brut africain mais en achètera moins. Ce qui signifie que les volumes délaissés devront se trouver une autre destination.» Pour l’expert, cette destination pourrait être l’Afrique, elle-même, en dépit des obstacles tarifaires et logistiques. Et de le démontrer en indiquant que les projets, actuellement en cours, pourraient porter la production du continent à 10 millions de tonnes sur les six prochaines années. La demande, elle, progressera de 22% pour atteindre 12,2 millions de tonnes, d’ici 2020, ce qui offrira plus d’opportunités aux planteurs.
S’il ne réfute pas cette analyse, Gareth Forber, spécialiste du sucre à LMC International, indique que ce scenario serait plausible à la condition que «les producteurs africains se trouvent de nouveaux acheteurs en parvenant à éliminer les 1,5 à 2,5 millions de tonnes de sucre en provenance du Brésil, de l’Inde ou de la Thailande qui inondent le continent». Mais cette manœuvre dependra essentiellement des accords de libre-échange signés entre Etats et blocs économiques…
Pour José Orive, directeur exécutif de l’ISO, une solution serait d’investir dans les nouvelles industries susceptibles de créer de la demande comme la production d’Ethanol. Un mouvement déjà engagé par des pays comme l’île Maurice qui s’est lancée dans la construction de raffineries afin de s’éloigner de l’exportation de sucre brut. Plus pessimiste, Lindsay Jolly estime que le scénario le plus probable est que les acteurs les moins compétitifs du marché se retrouvent à produire moins. Il arrivera également, estime Larry Riddle, directeur commercial chez le sud-africain Illovo Sugar, que certains producteurs se retrouvent à suspendre de nouveaux projets dans des régions confrontées à un approvisionnement excessif.
avec agenceecofin