Plutôt à l’aise au Maghreb, le constructeur français a encore du mal à percer au sud du Sahara. Et compte sur de nouveaux modèles et de nouvelles implantations pour s’imposer.
L’année 2016 aura été diversement fructueuse pour Jean-Christophe Quémard, le patron de la région Afrique - Moyen-Orient du groupe français PSA, et ses trois marques automobiles : Peugeot, Citroën et la dernière-née, DS (lancée en 2014), établie sur le haut de gamme.
Ce Français, aux manettes de la zone depuis septembre 2014, a plus que doublé les ventes sur son périmètre, avec 383 489 véhicules ayant trouvé acquéreur en 2016, contre 180 207 en 2015. Mais ce sursaut est en trompe-l’œil, car il est essentiellement dû à l’intégration de la production iranienne dans les chiffres – ce qui représente 233 000 voitures additionnelles – en raison de deux accords de partenariat conclus à Téhéran.
En Afrique en revanche, où Peugeot, Citroën et DS ont écoulé conjointement 50 000 véhicules environ en 2016 – contre 80 000 en 2015 –, la situation est beaucoup plus contrastée. « Nous avons choisi de concentrer nos efforts et nos investissements sur le bassin méditerranéen et les grands pays qui tirent nos ventes : la Turquie, l’Iran et les États du Maghreb. Ailleurs – notamment au sud du Sahara –, nous serons présents mais nous aurons une stratégie opportuniste, au coup par coup », confie le dirigeant.
Marché fleurissant au Maroc
Le Maghreb demeure la principale place forte de PSA sur le continent – comme elle l’est pour son éternel rival et compatriote Renault (lire ci-dessous) – avec 44 600 véhicules vendus en 2016, grâce à un bon positionnement sur le créneau décisif du véhicule utilitaire, avec le Peugeot Partner, et du segment B (citadines polyvalentes) avec les Peugeot 301 et 208 et les Citroën C3 et C-Elysée. « Au Maroc, où nos ventes ont bondi de 26,6 % en 2016, nous avons mis fin à la baisse de notre part de marché, qui s’établissait à 11,9 % au deuxième trimestre de cette même année. Sur le marché algérien, soumis à une politique de quotas drastiquement réduits l’an passé, nous nous maintenons à 21,5 % des véhicules importés et à une part globale de 13,6 % », indique le patron régional.
Au sud du Sahara, l’année 2016 a été difficile pour le groupe automobile français, qui n’a pas voulu révéler le volume écoulé, inférieur à 5 000 unités dans la zone entière. « En dehors de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, où les ventes ont légèrement progressé, la plupart des marchés, très liés aux cours des matières premières et aux effets de change, ont été en deçà de nos attentes », reconnaît Jean-Christophe Quémard, qui parle d’un effondrement au Nigeria et en Angola et estime à 8 points la contraction des ventes de véhicules neufs en Afrique de l’Ouest.
Expansion au Maghreb
Pourtant, le Portugais Carlos Tavares, PDG de PSA, a annoncé des objectifs très ambitieux pour la région Afrique - Moyen-Orient à l’horizon 2021 : 700 000 ventes et une multiplication des profits par quatre par rapport à 2015. Pour y parvenir, Jean-Christophe Quémard prévoit le lancement de 23 nouveaux modèles en cinq ans, dont, dès 2017, le véhicule de loisir (SUV) Peugeot 3008, la nouvelle Citroën C3 et une version inédite de l’utilitaire Jumpy-Expert, dont le lancement a eu du succès en Europe.
Pour éviter d’être bridé par les quotas – notamment en Algérie – et doper ses capacités logistiques, PSA a adopté un plan industriel pour la région Afrique - Moyen-Orient qu’il décline au Maghreb à travers trois projets d’usines d’assemblage. Celle qui verra le jour au Maroc, à Kenitra, devra réaliser 90 000 véhicules. L’Algérie accueillera une unité capable d’en produire 75 000. Et en Tunisie sera édifiée une installation industrielle destinée à fabriquer 1 200 pick-up par an. « Ces trois projets sont complémentaires », assure le directeur régional, selon lequel ils permettront de produire localement 70 % des véhicules vendus dans la région en 2021.
Implantation lente
Reste que si la construction de l’usine marocaine avance bien (le terrassement vient d’être achevé) – et devrait permettre une entrée en production en 2018, conformément au planning –, le projet algérien n’a toujours pas été validé par le gouvernement, alors qu’une signature était attendue lors de la visite d’Emmanuel Macron à Alger en avril 2016. « Le projet, construit avec nos partenaires privés et publics, est sur la table du gouvernement depuis six mois, il y a eu quelques allers-retours depuis. Nous avons pris en compte les demandes légitimes des autorités, qui souhaitent industrialiser leur pays, bénéficier de transferts de technologies et favoriser l’emploi local. Nous attendons leur décision, je suis prêt à prendre l’avion pour Alger », affirme Jean-Christophe Quémard. Mais ses équipes commencent à s’impatienter, alors qu’un projet d’usine Volkswagen en Algérie émerge également et que Renault est implanté à Oran depuis novembre 2014.
Au sud du Sahara, le directeur régional ne veut pas « faire du volume au détriment de la marge » et se montrera beaucoup plus circonspect dans ses investissements industriels et lancements de produits. Même si les accords de production (pour des quantités modestes) avec des assembleurs locaux sont confirmés par le patron Afrique - Moyen-Orient au Nigeria et en Éthiopie, ils ne devraient pas se multiplier. Dans cette région, le partenaire privilégié de PSA pour la distribution de ses produits restera le français CFAO, même si celui-ci est passé dans le giron de Toyota Tsusho Corporation, la maison de commerce du constructeur automobile japonais, leader du marché sur le continent.
RENAULT : EN POLE POSITION INDUSTRIELLE
Implanté au Maoc et en Algérie, le géant de l’automobile garde son avantage face à PSA dans la région du Maghreb
En 2016, le constructeur au losange a fabriqué 345 000 véhicules au Maroc, dont 273 176 à Tanger et 71 824 à Casablanca. Un record pour le pays, alors que l’usine d’assemblage de PSA à Kenitra doit entrer en production en 2018 avec 90 000 voitures par an seulement au départ.
En Algérie, Renault, seul producteur du pays, a assemblé environ 35 000 automobiles en 2016 dans son usine d’Oued Tlemcen, près d’Oran. Une implantation qui lui donne un avantage commercial sérieux car elle lui permet d’échapper partiellement aux maigres quotas d’importation auxquels doit se soumettre son rival PSA, qui a de ce fait écoulé 62,6 % de volumes en moins dans le pays en 2016.