En avril dernier, Dan Price, PDG de Gravity Payments, une start-up américaine, a fait passer le salaire annuel minimum dans son entreprise à 70.000 dollars. Une initiative qui ne fait pas que des heureux.
Dan Price doit s’en mordre les doigts. Alors qu’il pensait sans doute surfer sur le succès avec l’augmentation de la totalité des salariés de son entreprise, son «geste» se retourne aujourd’hui contre lui. En avril dernier, sa décision avait été saluée à la fois en interne et en externe, par ses salariés et par une grande partie des médias. Aujourd’hui, comme le rapporte le « New York Times» , sa «bonne action» a plutôt augmenté les tensions entre les salariés.
Certains des employés ont eu le sentiment d’être lésés : comme tout le monde a été augmenté de la même manière et au même moment, les plus travailleurs se sont retrouvés au même niveau de salaire que ceux qui ne viennent au bureau que pour faire leurs heures. « Maintenant, les gens qui ne faisaient que pointer gagnent autant que moi », affirme Dan Moran au quotidien américain, un développeur web qui a depuis décidé de quitter l’entreprise. Pour lui comme pour d’autres, le fait d’avoir vu son nouveau salaire, environ 5400 euros par mois, révélé au grand-public, a été mal vécu.
Pas préparés à la médiatisation à outrance
L’annonce du mois d’avril a aussi jeté un énorme coup de projecteur sur l’entreprise de Dan Price, qui n’était tout simplement pas préparée à une telle exposition médiatique. Les effets immédiats ont été la réception de milliers de candidatures, l’invitation du patron de Gravity Payments à de nombreuses émissions télévisées et beaucoup de messages via les réseaux sociaux.
Affaire de famille et fuite de clients
Plus étonnant encore, la start-up américaine a dû faire face à la fuite d’une partie de ses clients pour qui l’augmentation des salaires a constitué un mauvais message adressé à la classe politique américaine, alors qu’un débat autour de la hausse du salaire mininum agite les Etats-Unis depuis le printemps. Après une manifestation en avril qui a rassemblé des milliers de personnes à «Big Apple», les salariés des fast-foods de l’état de New-York viennent d’obtenir une augmentation de leur salaire de 8,75 à 15 dollars de l’heure. Et Dan Price n’est pas au bout de sa peine. Son frère, Lucas Price, cofondateur et actionnaire de la startup, n’a visiblement pas apprécié la démarche, alors qu’il l’avait déjà attaqué en justice pour une question de partage des bénéfice: il prend la démarche de Dan Price pour une nouvelle provocation. De «feel good movie», le coup de comm’ de Dan Price devient affaire de famille.
L’analyse d’Yves Cavarec, consultant en management
«Passé l’effet d’annonce du mois d’avril, on entre aujourd’hui dans les premiers résultats de la décision de Dan Price. Et on voit que les choses sont plus compliquées que prévu. Pour le moment, On n’a que des éléments de surface : on ne sait pas vraiment quelles sont les raisons de son différend avec son frère. On ne sait pas non plus dans quelle proportion il y a eu des départs. Dans le même temps, Dan Price a reçu beaucoup de candidatures spontanées et continue d’y croire. Mais il faudra attendre quelques années pour voir les conséquences réelles. Cette affaire est en dehors de tout ce que l’on peut voir habituellement. Ca suscite des réactions incroyables. Je rejoins Dan Price quand il dit qu’il faut attendre. Je suis toujours très impressionné par son geste. Ca a remis en cause toutes les conventions qui pouvaient exister dans l’entreprise. Qu’il y ait des réactions aussi virulentes, ce n’est pas étonnant. Maintenant, Il faut qu’il trouve un équilibre et réussisse à faire une sélection dans les candidatures qui lui parviennent, entre ceux attirés par le salaire élevés et ceux qui ont vraiment envie d’y travailler.»
avec les Echos Business