Précoces en affaires, les moins de 35 ans marquent une rupture de génération. Ils rêvent moins de carrières traditionnelles en grandes entreprises que leurs aînés. Témoignages
Ils sont nés entre 1980 et 1995 et s’imposent comme la nouvelle référence des artisans de leur propre réussite. Âgés de moins de 36 ans, les «Y», autrement appelés «millennipreneurs» voient plus tôt, plus loin et sont réputés plus ambitieux que leurs prédécesseurs de la génération «X» et les «baby-boumeurs». Petit tour d’horizon.
David Hirsch, 25 ans, compte déjà six aventures entrepreneuriales à son actif. «Je ne me suis jamais imaginé avoir le statut d’employé», précise-t-il, en écarquillant ses yeux bleus. Pour preuve: en 2006, il élabore un concept de lavage automobile sans eau, avec un projet pilote dans les magasins Manor. «Je me suis lancé par curiosité. Et suis allé plus loin que je le pensais au départ», souligne-t-il.
Le jeune romand a essuyé plusieurs revers dans son parcours d’indépendant. Il est toutefois parvenu à maintenir deux sociétés encore actives, dont Blisport, une application de course à pied permettant de convertir les efforts sportifs en soutien caritatif. «Je vais activer, sur le marché suisse à la fin de cette année, un autre projet de calendrier numérique. Soit un outil de calcul de délais légaux pour les cabinets d’avocats, unique au monde», annonce le serial entrepreneur qui, après avoir passé deux ans sur les bancs de HEC, n’a fait qu’effleurer le programme de droit à l’Université. Ses compétences digitales, il les doit notamment à ses quatre années au service de Sykkeen, la start-up de son frère. «J’y ai développé une offre de mise à disposition technique pour réaliser des applications mobiles, explique l’innovateur à répétition, réajustant au passage son veston. L’une de mes contributions marquantes a été la création de carburant.ch, sorte de Comparis des stations-service.»
Rapport au risque distinct
Diana Catoquessa, elle, a débuté un cursus en relations internationales, avant de bifurquer vers la Haute école de gestion de Genève (HEG-GE). Très impliquée au sein de la Junior Entreprise de son institution, l’étudiante de 24 ans cumule déjà plusieurs stages. Elle a aussi travaillé pour une ONG et une multinationale, avant de se rendre à la raison: «Je ne me vois pas en simple salariée. J’ai besoin de m’accomplir, travailler pour moi, monter mes propres projets, les voir grandir…», témoigne l’entrepreneuse en herbe. La jeune femme développe en ce moment, avec un ami, un service destiné à réduire nos déchets alimentaires. Une nouvelle application mobile? «Ce n’est pas exclu. Je suis née avec les nouvelles technologies qui rendent plus facile et surtout moins cher l’aventure entrepreneuriale», relève-t-elle. L’échec, Diana Catoquessa y pense. Mais sans que cette perspective ne tourne à l’obsession. «J’en ai vu des vertes et des pas mûres, durant mon parcours. Je sais m’adapter et j’ai conscience que rien ne se passe jamais comme prévu. Si tout était réglé comme du papier à musique, la vie active serait moins motivante», glisse-t-elle à travers toutes les dents de son sourire.
Je ne me vois pas en simple salariée. J’ai besoin de m’accomplir, travailler pour moi, monter mes propres projets, les voir grandir…
Baltazar Witzig a aussi 24 ans. Il a déjà monté sa propre entreprise:Genevaboats. Ce service de location de bateaux, dont il est le seul maître à bord, existe depuis 4 ans. Il est aujourd’hui rentable. «Je dispose de la flotte haut de gamme – 10 navires avec skipper, à voile ou à moteur – la plus hétérogène du Léman», se félicite l’étudiant à la HEG-GE. Titulaire d’une Maturité commerciale et d’un diplôme d’ingénieur en microtechnique, le jeune patron à la crinière travaillée dispose aussi d’un CFC d’horloger obtenu chez Rolex. Son déclic entrepreneurial? Une partie de pêche, comme guide, avec un milliardaire sud-coréen, au large de Genève. Baltazar Witzig avait alors 15 ans.
Pour devenir son propre employeur, Marc Hazan aurait pu choisir Uber. Il a préféré s’adosser à un autre géant du numérique: Airbnb. Sa société, Keys’n’Fly existe depuis six mois. Moyennant 7% de commission, l’entité sert de régie logistique aux loueurs d’appartement utilisant la plateforme californienne. «Mon portefeuille est composé de plus de 60 objets à Genève, Paris, Londres et Barcelone», indique le diplômé de l’École hôtelière de Lausanne. Âgé de 26 ans, Marc Hazan a déjà travaillé deux ans dans la finance. «Cet environnement, où j’évoluais au gré de mes prolongations de contrats, ne me convenait pas», relève-t-il. Son principal motif pour se mettre à son compte: une «hargne à s’approprier librement un projet» et «trouver enfin sa place».
ADN d’autodidactes
Ricardo Da Silva fut longtemps un adepte de la réorientation en série: études en physiothérapie, apprentissage dans l’assurance, Maturité professionnelle, etc. Âgé de 25 ans, il fréquente à présent les bancs de la HEG-GE. Mais rêve d’entrepreneuriat depuis ses 19 ans. «J’ai été inspiré par des figures tutélaires, comme Steve Jobs d’Apple, Larry Page de Google ou Mark Zuckerberg de Facebook», raconte le jeune cofondateur, voilà un an, de la plateforme United Heroes. Son concept? La vente aux enchères d’objets ayant appartenu à des vedettes du sport ou du show-biz, mais dont les recettes sont reversées à des œuvres caritatives. «Ce site, c’est notre bébé. J’y suis accro, même s’il m’oblige à veiller parfois tard la nuit. Jamais je n’aurai pu vivre pareille émotion en tant qu’employé lambda», estime-t-il.
David Sadigh, 35 ans et à la tête de la multinationale Digital Luxury Group (marketing digital), connaît quant à lui le succès depuis déjà plusieurs années. Il est issu du même terreau que ses préopinants. «Je ne compte plus le nombre d’amis entrepreneurs autour de moi. Certains sont devenus millionnaires, d’autres ont au contraire tout perdu», confie-t-il.
Mes parents ont longtemps eu du mal à accepter mes choix professionnels. Vu le contexte économique, ils me donnent à présent plus volontiers raison
Selon lui, il est aujourd’hui moins risqué de se lancer à son compte, que d’être employé de banque. «Mes parents ont longtemps eu du mal à accepter mes choix professionnels. Vu le contexte économique, ils me donnent à présent plus volontiers raison», relaie-t-il. Son conseil, pour réussir en affaires? Réunir au moins deux des trois conditions suivantes: le talent, le travail et/ou la chance. «Il faut aussi accepter qu’il est possible de se planter, sans que cela ne signifie la fin du monde. Car au final, le but est de monter, non pas simplement une boîte, mais de créer quelque chose qui nous dépasse, prendre son destin en mains», conclut David Sadigh, relevant au passage que la génération «Z», potentiellement encore plus surprenante, pointe déjà le bout de son nez.
avec letemps